Vendredi 19 mai, un puissant séisme de magnitude 7,7 s’est produit dans l’océan Pacifique au sud-est de la Nouvelle-Calédonie, aussitôt suivi du déclenchement d’une « alerte tsunami », levée une heure après. On vous explique le déclenchement d’une alerte tsunami.
Détection de l’événement
Le tsunami est un phénomène d’origine géologique. Il est provoqué par la pénétration ou la disparition, dans les fonds marins, d’une quantité importante de matériel géologique, entraînant le déplacement d’une grande masse d’eau. En ce qui concerne les séismes, on évoque plutôt le soulèvement ou/et affaissement. Tous les tremblements de terre ne génèrent pas de tsunamis. Il convient donc de détecter l’événement susceptible d’engendrer un tsunami : un séisme sous-marin ou côtier, un glissement de terrain ou une explosion volcanique. Les réseaux de surveillance sismique et océanographique sont en place pour détecter les séismes et autres activités potentiellement génératrices de tsunamis. Des capteurs sismiques détectent les tremblements de terre et des bouées océanographiques mesurent les changements du niveau de la mer. À Tahiti, par exemple, le laboratoire de géophysique (LDG) fournit des informations sur les tsunamis susceptibles d’affecter les côtes de la Polynésie française. Ce laboratoire a mis en place le réseau sismique polynésien et a développé des méthodes de plus en plus perfectionnées pour évaluer le potentiel tsunamigène des séismes.
Évaluation initiale
Lorsqu’un tremblement de terre ou un autre événement potentiellement dangereux est détecté, les données sont analysées pour évaluer sa magnitude, sa profondeur, sa localisation et sa menace potentielle de déclencher un tsunami. Lors d’un séisme, il est donc important de mesurer la dimension de la rupture sismique. L’ampleur d’un tsunami est contrôlée par la localisation, la taille et la géométrie de la rupture sismique. Pour l’alerte au tsunami, un signal sismique, appelé phase W, permet d’évaluer rapidement ces paramètres lors des grands tremblements de terre. Selon le réseau sismologique, l’information peut être donnée en 10, 20 ou 30 minutes. Sur ce point, l’évolution a été marquante : jusqu’à la fin des années 2000, il fallait au minimum plusieurs heures pour obtenir une information fiable sur la source sismique. Désormais, c’est une nouvelle méthode plus rapide qui a été mise en œuvre, développée par une équipe franco-américaine. Il faut dire qu’après le tsunami du 26 décembre 2004, la coopération internationale s’est considérablement renforcée dans l’objectif d’établir un système global d’alerte et de prévention des tsunamis. L’impulsion fut donnée lors de la 3ème conférence mondiale sur la prévention des catastrophes naturelles, qui s’est déroulée à Kobé (Japon) en janvier 2005 : une séance plénière a été consacrée à la création d’un mécanisme d’alerte contre les tsunamis dans l’océan Indien.
Confirmation de la menace de tsunami
Si l’événement est jugé suffisamment important pour représenter une menace, des centres de surveillance des tsunamis, tels que le Pacific Tsunami Warning Center (PTWC) ou le West Coast and Alaska Tsunami Warning Center (WCATWC) aux États-Unis, sont responsables de confirmer la présence d’un tsunami en utilisant des données supplémentaires et des modèles de propagation des vagues.
Diffusion de l’alerte
Une fois que la menace de tsunami est confirmée, une alerte est émise pour avertir les autorités et les populations concernées. Les alertes peuvent être diffusées via des systèmes d’alerte d’urgence, des radios, des télévisions, des sirènes, des applications mobiles et d’autres moyens de communication.
La rapidité dans l’information, c’est un des objectifs affichés par le CENALT (CENtre d’alerte aux tsunamis), lequel surveille les forts séismes et les tsunamis survenant en Méditerranée occidentale et dans l’Atlantique nord-est et alerte la sécurité civile en cas de risque de tsunami. Parmi ses objectifs opérationnels :
« Diffuser, dans les 15 minutes suivant les événements sismiques potentiellement tsunamigènes, un message d’alerte aux autorités françaises et un message d’information aux autres centres d’alerte nationaux et régionaux étrangers de la Méditerranée (…) diffuser des messages de confirmation (ou d’infirmation) de l’occurrence d’un tsunami, qui préciseront le cas échéant, les heures d’arrivée, et les amplitudes estimées au large des côtes. Le délai de diffusion dépendra de la disponibilité des données marégraphiques. »
Évacuation et mesures d’urgence
Sur la base de l’alerte tsunami, les autorités locales peuvent déclencher des plans d’évacuation et mettre en place des mesures d’urgence pour protéger la vie et les biens des personnes vivant dans les zones côtières menacées. Il est essentiel de suivre les consignes des autorités et de se mettre en sécurité dans des zones élevées ou à l’abri. Tel a été le cas avec le système d’alerte au tsunami testé pour la première fois lors du séisme de Tohoku au Japon en mars 2011 : un tremblement de terre de magnitude 9,1. Une première alerte au tsunami déclenchée très rapidement, avec 5 minutes pour évacuer les côtes. Puis une estimation de l’ampleur du séisme donnée en 20 minutes, permettant une évacuation des côtes de plusieurs pays. L’agence météorologique japonaise a émis une alerte au tsunami pour toute la côte pacifique du Japon, et le centre d’alerte au tsunami du Pacifique, situé à Hawaii, a fait de même pour la Russie, les îles Marcus et les Mariannes, Guam, Taïwan, l’Indonésie et les Philippines. L’alerte a été élargie à toute la côte ouest des Etats-Unis et du Canada, de la frontière mexicaine jusqu’à Chignik Bay en Alaska.
Et pour finir, quelques chiffres évocateurs (pour des tsunamis au XXème siècle, selon le rapport (2007-2008) de M. Roland Courteau, fait au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques) : 77% des tsunamis ont été générés dans le Pacifique contre 9 % en Méditerranée, 10 % dans l’océan Atlantique et 4 % dans l’océan Indien. Et également : au cours du siècle dernier, 58 tsunamis ont fait plus de 26 0 000 victimes (220 000 morts pour celui d’Indonésie en décembre 2024).
Des chiffres qui mettent en exergue la nécessité d’un système d’alerte au tsunami qui doit sans doute encore gagner en efficacité, quand on sait que davantage de tsunamis sont à prévoir à l’avenir, compte tenu de la montée du niveau de la mer causée par le changement climatique… En 2021, les Nations Unies ont fixé l’objectif de préparer toutes les populations à risque aux tsunamis d’ici 2030.