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Quand la conférence sociale vire au grand n’importe quoi

L’acte III de la conférence sociale s’est ouvert hier et autant dire qu’on assiste à du grand spectacle, digne du Festival d’Avignon. Entre sorties théâtrales, déclarations tonitruantes et exécutif cantonné au second rôle, ce temps fort de la scène politique s’est transformé en marrade tragi-comique. Récit d’un mauvais Vaudeville.   

A la base, la grande conférence sociale pour l’emploi devait se tenir du 7 au 8 juillet au Palais d’Iéna (Paris XVIe) et réunir plus de 300 participants. Parmi lesquels les représentants des organisations syndicales, des employeurs et des collectivités territoriales. Mais, depuis qu’elle a débuté dans un climat de tension extrême dû à la montée du chômage (et même bien avant en fait), les portes n’ont cessé de claquer et les esprits de s’échauffer. Et ce rendez-vous, que le président François Hollande estimait nécessaire, voire crucial, pour mener à bien les réformes sociales tant attendues, est en train de virer au cauchemar diplomatique. Pas sûr donc que le gouvernement, dont c’est pourtant la spécialité habituellement, parvienne cette fois à ménager la chèvre salariale et le chou patronal.

Syndicat VS patronat : jeu de massacre entre les principaux acteurs

Avant même qu’elle n’arrive, on pouvait pressentir la catastrophe que serait ce dialogue (de sourds) social. En effet, la semaine qui avait précédé cette conférence, Pierre Gattaz, président du Medef (Mouvement des Entreprises de France), avait fait peser sur celle-ci des menaces de boycott si le gouvernement Valls ne lâchait pas du lest sur certaines mesures. Dont le report partiel du compte pénibilité, censé entré en vigueur en 2015 et permettant aux salariés exerçant des métiers difficiles d’engranger des points et d’acquérir un trimestre de retraite supplémentaire. Souhaitant donc désamorcer une bombe qui aurait pu compromettre la réunion tripartite à laquelle François Hollande tient tant, l’exécutif a fini par céder. Mais, comme avec la grève des intermittents, cette reculade n’a pas arrangé les choses puisque la grogne s’est déplacée vers les syndicats, qui, à leur tour, ont refusé de prendre part au colloque.

Le journaliste politique Pierre-Alain Furbury témoigne sur Twitter de la bonne entente qui règne au sein de cette conférence sociale :

Quand la conférence sociale vire au grand n’importe quoi

Quand la conférence sociale vire au grand n’importe quoi

Jean-Christophe Cambadélis

Ainsi, les deux syndicats majeurs, la CGT (Confédération générale du travail) et FO (Force Ouvrière), ont annoncé hier soir qu’ils ne seraient pas présent pour la deuxième journée. « Manuel Valls [le Premier ministre] a fait ses annonces à quelques jours de la conférence sociale sans nous prévenir avant. C’est du mépris », avait justifié Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, soutenu par son homologue CGT Thierry Lepaon, dans un entretien au Figaro. Ce à quoi Jean-François Roubaud, président de la CGPME (Confédération générale des petites et moyennes entreprises) avait répliqué sur Europe 1 : « La CGT, elle commence à nous énerver un tout petit peu […], ils nous disent que nous refusons le dialogue social et dans le même temps ils bloquent la France avec les grèves de la SNCF et ils sont en train de bloquer les relations entre le continent et la Corse ». Et le Premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, de rétorquer sur France Info : « C’est toujours pareil, le Medef est dans la surenchère […] la culture du Medef c’est « take the money and run », « prends l’argent et sauve-toi » ». Et la culture socialiste, est-elle de rajouter de l’huile sur le feu de l’embrouille sociale ?

Bref, la lutte des classes, teintée d’une somptueuse hypocrisie de la part des deux parties, n’est pas loin d’avoir lieu. Alors, afin de calmer un peu les choses, François Rebsamen, ministre du Travail et le président François Hollande n’ont cessé de lancer des appels au calme. Mais sans grand succès puisque la FSU (Fédération Syndicale Unitaire) a, elle aussi, quitté la table des négociations ce mardi matin.

Jean-Claude Mailly justifie le boycott de FO au micro d’Europe 1 :

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François Hollande en arbitre inaudible

« Je continue ici devant vous à revendiquer cette méthode : le dialogue social », a déclaré hier, avec force et conviction, le chef de l’Etat à l’ouverture de ce troisième grand rendez-vous annuel de son quinquennat. Une méthode qui montre pourtant ses limites avec ces puériles querelles entre syndicats et patronats. Désirant aboutir à plus de cohésion, François Hollande, qui avait pour l’occasion endossé le costume de la fermeté, a donc tenu à rappeler que « chacun doit être à sa place, [que] nous devons tous être rassemblés pour agir », et que ce procédé diplomatique « n’a de sens que si les parties prenantes vont jusqu’au bout de leurs engagements ». « [Le dialogue social] ne peut pas être une perpétuelle surenchère avec des demandes unilatérales », a-t-il ajouté, tranchant. S’il avait pu distribuer des cartons rouges et siffler la fin des hostilités, pas de doute, on se serait presque cru en train de regarder la Coupe de monde de football.

Malheureusement, François Hollande a beau batailler pour défendre sa démarche et tenter de faire que celle-ci ne soit pas bafouée par des partenaires réfractaires, il n’y parvient pas car le pouvoir exécutif, à force de danser la valse des réforme et de tergiverser sur de réels problèmes de société, a perdu tout crédit auprès de ces derniers. Néanmoins, constant dans son principe de reniement utopiste, le président certifie que son dialogue social « a fait ses preuves » : « en deux ans des réformes importantes ont été menées à bien ». Taclant au passage Nicolas Sarkozy qui, selon lui, n’a récolté que « blocage, refus et en définitive échec ». Pourtant, qui se souvient du bilan tiré des deux conférences sociales antérieures ? Le constat qu’il fait de son prédécesseur pourrait donc s’appliquer à lui-même.

François Hollande tente de  tenir la barre et de poursuivre le dialogue mais sans certaines parties pourtant indispensables.

François Hollande tente de tenir la barre et de poursuivre le dialogue mais sans certaines parties pourtant indispensables.

Des précédents… comme inexistants

Interrogé sur l’avenir du dialogue social, Jean-Claude Mailly estime que « ce mot est fourre-tout, puisqu’il va de la concertation à la gestion paritaire ». Avant d’ajouter : « mais en France je constate un désengagement financier de l’Etat et en même temps son plus grand interventionnisme dans les discussions du ressort des partenaires sociaux ». En somme, la conférence sociale ne serait qu’un écran de fumée stérile prouvant tout le paradoxe de la politique gouvernementale actuellement menée. Et ne servant qu’à émettre des propositions qui ne seront mises en place que dans deux ou trois ans, si elles ne tombent pas aux oubliettes d’ici là.

Thierry Lepaon et Jean-Claude Mailly, unis dans le boycott de la conférence sociale.

Thierry Lepaon et Jean-Claude Mailly, unis dans le boycott de la conférence sociale.

C’est pourquoi, en signe de désaccord, des associations et syndicats ont organisé, lundi après-midi à Paris, une « contre-conférence vraiment sociale ». Et ce afin de porter la parole des plus précaires parce qu’eux-mêmes persuadés que le rendez-vous officiel du gouvernement au Palais d’Iéna « n’aboutira à rien ». Une idée reprise par Pierre-Edouard Magnan, porte-parole du MNCP (Mouvement de Chômeurs et Précaires) : « vous avez bien fait de ne pas aller à Iéna, il ne s’y passera rien ». Voilà qui est dit.

Pourtant la problématique de l’emploi devient urgente

Il est bien triste, étant donné la situation actuelle du pays, de voir qu’aucune des parties n’est capable de faire des compromis. Et reste camper sur ses positions, bornée, alors que le niveau de vie des Français plonge d’année en année. Au total, plus d’un demi-million de personnes ont perdu leur travail depuis mai 2012. 5,5 millions de personnes, toutes catégories confondues, sont à la recherche d’un emploi, faisant plafonner le taux de chômage à son record : 9,7%. Quant aux jeunes, près d’un quart d’entre eux n’a pas de travail et n’en trouvera pas avant les six mois à venir… « Nous sommes pressés d’agir vite tant les difficultés sont nombreuses » a reconnu François Hollande, d’une lucidité rare.

Afin d’endiguer la tendance d’aussi mauvais chiffre, le président a donc dévoilé une feuille de route qui prévoit de faire « de la lutte contre le chômage de longue durée une cause nationale », comme le préconise l’ex-dirigeant d’EADS, Louis Gallois, auteur du fameux rapport sur la compétitivité française en 2012. Afin de « favoriser l’embauche des chômeurs de longue durée », le chef de l’Etat propose donc que l’organisme Pôle Emploi leur assure « un accompagnement personnalisé et renforcé » et que le nombre de contrats d’insertion par l’emploi (CIE), réservés aux entreprises, soient doublés (atteignant 80 000). De même, le chef de l’Etat souhaite que 500 000 apprentis soient formés chaque année et que « le service civique, qui accueille aujourd’hui 5.000 décrocheurs, [voit] ses moyens augmenter ».

Près de 25% des 18-25 ans n'ont pas d'emploi en France. La courbe du chômage ne semble pas  prête de s'inverser.

Près de 25% des 18-25 ans n’ont pas d’emploi en France. La courbe du chômage ne semble pas prête de s’inverser.

La mise en place d’« un groupe d’évaluation des négociations » en septembre et la création d’Assises de l’investissement à l’automne, « pour adapter tous les dispositifs de financement en faveur de l’économie réelle » et « mieux orienter l’épargne des Français vers l’économie productive », sont également attendues mais leur utilité est, là, un peu moins flagrante.

Enfin, concernant le fameux compte de pénibilité qui a concentré l’essentiel des passions, il « rentrera progressivement en vigueur » et ne « sera entièrement déployée [qu’]au 1er janvier 2016 », a priori sous sa récente forme controversée.

Quoi qu’il en soit, une chose est certaine : les syndicats, salariés comme patronaux, ne sortiront pas indemnes de cette conférence sociale aux yeux des Français, compte tenu de leur comportement séditieux. Déjà que, selon un sondage Ifop de mai 2014 et un sondage Harris Interactive de 2013, presque 70% de la population n’a pas confiance ni en l’un, ni en l’autre…

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