Un spectacle assez inhabituel, tant en Chine qu’en Occident, a eu lieu dimanche dernier dans la province du Shandong : des nounous ont mis aux enchères leurs services ! Quarante familles se sont réunies afin de s’offrir les services de huit nourrices et ce quel qu’en soit le prix. La Chine connait en effet une vraie pénurie dans le secteur des services à domicile.
Bien que l’évènement et la mise en scène soit extraordinaire, cette scène de mise aux enchères des services de garde d’enfants révèle un problème croissant en Chine, celui du développement de la demande dans les services à domicile alors que l’offre ne suit pas. Cela se constate notamment chez les nourrices et les aides à domicile pour les personnes âgées.
Même si la politique de l’enfant unique, instaurée en 1979, a permis à la Chine de contrôler sa démographie, elle est aujourd’hui confrontée à un problème double : celui du vieillissement de la population et de l’incapacité des structures sociales (tout comme des modes de vie) de combiner jeunes enfants et vie active des deux parents.
Et, si pour contrecarrer le vieillissement de la population, le gouvernement chinois a récemment autorisé les couples dont l’un des deux membres est enfant unique à avoir deux enfants, il n’a toujours pas mis en place de mesures sociales dédiées spécifiquement à la petite enfance. Tant et si bien que les services de nourrices peuvent se monnayer à prix d’or (la mise aux enchères la plus haute aurait atteint 15 500 yuans soit plus de 2500 $ selon Le Quotidien du Peuple).
Ce secteur des services à domicile, et plus particulièrement à l’enfance, est apparu sur la scène économique chinoise avec le développement fort de l’urbanisation, soit la fin des années 90. Nous pouvons observer, d’une part, que l’urbanisation est toujours plus forte en Chine avec 53,7% de la population qui vivrait en ville fin 2013 (selon le Bureau national des statistiques) et que, d’autre part, la politique de contrôle des naissances s’est assouplie. De fait, il est évident que ce problème de garde d’enfants, mais aussi des personnes âgées, sera de plus en plus présent. Il est à noter que si le mode de vie traditionnel, ou rural, permettait de lier au sein d’un même foyer les anciens et les plus jeunes, ce mode de vie n’est plus celui adopté par la majeure partie des nouvelles familles chinoises. Ces dernières adoptent au contraire un style de vie et un modèle type semblable à celui des Occidentaux : un foyer avec 2 parents et 1 ou 2 enfants au sein duquel les deux parents travaillent.
La question serait surtout de savoir pourquoi de nombreuses villes chinoises subissent cette pénurie de nourrices, alors que le métier semble être bien rémunéré (un cadre de Pékin, d’après un rapport du site pour l’emploi zhaopin.com, gagne environ 5453 yuans par mois) et ne demande pas de qualifications particulières ?
Les pistes de réponse sont multiples. La première réside selon Tian Hua, directeur du centre de service des ressources humaines de Tiangong (dans la province du Shandong), dans les conditions de travail. Il indique que «de nombreux services n’étant pas fournis avec les pensions et l’assurance maladie » le métier n’attire que peu. Wan Zhong (directeur de la formation des services domestiques de Shandong) espère quant à lui que l’assouplissement officiel de la politique de contrôle des naissances augmentera la demande de stagiaires. Enfin, il ne faut pas oublier que la Chine souffre d’un fort déséquilibre sexuel et que fin 2013 on comptait 24 millions d’hommes de plus que de femmes chez les 0-19 ans ; or ce métier est encore fortement vu comme un métier féminin en Chine.
Cédric Fuentes