Après des prestations décevantes contre la Roumanie et l’Albanie, Blaise Matuidi était préservé contre les Suisses. Le milieu de terrain parisien a suivi du banc de touche la prestation intéressante du trio Cabaye-Pogba-Sissoko. L’entre-jeu devenant la principale interrogation des Bleus, quelques arguments laissent à penser que la place de Blaise Matuidi n’est plus assurée.
La progression de Blaise Matuidi n’est plus à rappeler. Au contact notamment de Carlo Ancelotti, c’est le seul joueur français qui a réussi à durer dans ce PSG version QSI. Travailler au quotidien avec des grands joueurs, découvrir de nouvelles méthodes d’entrainement et une nouvelle hygiène de vie ont servi à l’ancien Stéphanois.
Le milieu de terrain a dépassé toutes les attentes jusqu’à en étonner le nouveau coach du Bayern Munich: « Je pense qu’il a surpris tout le monde. En un an et demi, il a amélioré sa confiance et sa constance. Aujourd’hui, il est aussi indispensable au PSG qu’Ibrahimovic ou Thiago Silva. C’est un joueur qui n’a pas forcément un talent technique mais il a le talent du cœur, celui qu’il met dans le jeu. » glissait le Mister dans les colonnes de L’Équipe en 2013.
Dans la déclaration d’Ancelotti, deux éléments ressortent: l’abnégation du parisien mais également son manque de qualité technique.
Malheureusement ce qui ne se voyait pas en 2013, ressurgit de plus en plus fréquemment trois ans plus tard.
Des erreurs techniques et une récupération en baisse
Le PSG de Carlo Ancelotti en Ligue des Champions n’avait pas un jeu de possession, contrairement à celui de Laurent Blanc. Le rôle de Matuidi n’était forcément pas le même (son équipe n’ayant pas le ballon, il devait constamment harceler et ratisser). Depuis 3 ans, le club parisien joue avec le ballon, ce qui oblige le numéro 14 des Bleus à se projeter dans les 30 derniers mètres, et dans cette situation, les demandes du système (une bonne qualité technique, faculté à créer la dernière passe ou l’avant dernière passe) ne correspondent plus au rôle premier de « La Pieuvre ». Son match contre Manchester City cette année en quart-de-finale aller au Parc des Princes en est la parfaite illustration, le natif de Toulouse enchainant les pertes de balles et ne compensant pas par une récupération tout terrain qui faisait sa force.
Ces difficultés ont d’ailleurs été remarquées lors des deux premiers match de cet Euro 2016. Avec des blocs adverses très bas et une possession de balle française, le joueur formé à Troyes semblait perdu sur le terrain. Comme un symbole, il n’a récupéré qu’un seul ballon contre l’Albanie mais a connu ses mêmes difficultés dans l’utilisation du ballon (aucune prise de risque, peu de passes vers l’avant).
Contre la Roumanie et l’Albanie, il a principalement combiné avec Patrice Evra et N’golo Kanté, les deux joueurs les plus proches de lui sur le terrain. Ses coéquipiers le trouvent également de moins en moins: 83 ballons touchés contre l’Albanie, très loin des standards des milieux relayeurs performants de l’Euro 2016 (N’golo Kanté 112, Granit Xhaka 105, très loin des 125 ballons d’Andrès Iniesta).
Les statistiques contre l’Albanie sont révélatrices, car les caractéristiques de l’Irlande sont similaires. Un jeu primaire avec bloc très bas et des défenseurs centraux rugueux. Dès la récupération du ballon, les Irlandais veilleront à user de longs ballons sur Shane Long, leur seul atout offensif.
Dans cette situation, difficile de trouver une utilité à Matuidi, que ce soit dans la récupération ou dans l’utilisation du ballon. Face à une équipe physique et solide dans les airs, il faudra combiner au sol et la faille technique du parisien pourra porter préjudice à l’équipe de France.
Il sera cependant bien plus utile contre l’Angleterre, l’Espagne ou l’Allemagne quand la possession ne sera pas en faveur des hommes de Didier Deschamps. Après une saison éreintante (52 matches joués cette saison avec le Paris Saint Germain), Blaise Matuidi a besoin de se reposer et devra avoir une condition optimale pour être bénéfique à l’équipe de France face à ces équipes.
Quelle solution pour Deschamps ?
Moussa Sissoko peut-il être titulaire dimanche ?
Matuidi sur le banc dimanche changerait évidemment la donne. Paul Pogba se retrouverait sur la gauche de ce milieu à 3, son coté préférentiel. C’est à ce poste qu’il brille avec la Juventus. C’est à ce poste que la France a fait sa meilleure demi-heure depuis le début de la compétition (France-Suisse 0-0). Avoir Payet et Pogba dans la même zone, les deux joueurs français les plus habiles techniquement, donnerait un véritable atout à l’Equipe de France.
Le débat de la semaine était de savoir si Sissoko prendrait la place de Matuidi. Malheureusement, les deux joueurs possèdent les mêmes caractéristiques, le Magpie semblant cependant bien plus frais que le parisien.
Mais une autre solution pointe le bout de son nez depuis dimanche: la titularisation de Yohan Cabaye. Le joueur de Crystal Palace a réalisé une prestation aboutie contre les Suisses. Colmatant constamment les brèches, il possède la faculté de jouer court ou long, de frapper de loin, ce que N’golo Kante, dans ce rôle de sentinelle, ne sait pas faire. Satisfaisait lors de ces deux premières sorties, l’ancien caennais n’est pas exploité au maximum de ses capacités. Joueur box-to-box par excellence, le champion d’Angleterre, placé en numéro 8 va constamment vers l’avant et crée des décalages dès son premier contrôle.
Il avait d’ailleurs été testé dans ce rôle contre la Russie en mars dernier, il avait alors été l’un des meilleurs Bleus, ponctuant sa prestation par un but. Un match durant lequel Matuidi était sur le banc et Pogba à gauche.
Mais Deschamps prendra-t-il la décision de mettre Matuidi sur le banc, son homme de base depuis qu’il l’a pris la sélection? « DD » a fait jouer Blaise Matuidi 39 fois depuis son arrivée sur le banc des Bleus. C’est plus que Paul Pogba, c’est plus que Raphael Varane, c’est autant que Hugo Lloris.
Rappelons que les surprises ne sont pas le fort de Didier Deschamps. « La surprise, c’est qu’il n’y a pas de surprise », mais l’absence de Blaise Matuidi dimanche apporterait une véritable nouvelle alternative à l’Équipe de France.
Walid Acherchour, avec Romain Beddouk.