En l’espace de deux mois, Didier Raoult est devenu l’un des scientifiques les plus médiatisés du monde. À l’heure du coronavirus, l’espoir d’un remède miracle à base de chloroquine a enflammé le débat public mais aussi le monde scientifique. Véritable pointure dans son domaine, Didier Raoult s’est adonné à une autre spécialité : l’art de la provocation.
Il est charismatique. C’est une façon d’être et de faire. Le charisme ne s’explique pas, il se ressent. Une chose est sûre, Didier Raoult n’en manque pas. Ses longs cheveux grisonnants, sa barbe mal taillée et ses lunettes d’aviateur le rapproche plus d’un druide prodiguant de la potion magique qu’à un scientifique à la blouse blanche parfaitement repassée.
Esprit libre, cet infectiologue marseillais de 68 ans a toujours suivi son propre chemin, « fuyant les autoroutes scientifiques », comme il aime décrire son parcours atypique. Fils d’un médecin militaire et d’une infirmière, il quitte l’école à l’âge de 17 ans pour travailler sur un bateau. Sans l’intention de revenir. « J’avais enfin la liberté de me guider moi-même », racontait-il sur le site de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) en 2010, au moment de recevoir le grand prix de la dite institution. Après avoir passé un bac littéraire à distance et entamé des études de médecine pour devenir professeur à la faculté de médecine de Marseille, il devient président de l’université de la Méditerranée-Aix-Marseille, dans les années 1990. Une ascension fulgurante qui le voit aujourd’hui à la tête du plus grand centre dédié aux maladies infectieuses en France, l’IHU Méditerranée Infection à Marseille.
Provocateur et contradictoire
En 2015, le classement Thomson Reuters classait Didier Raoult parmi les chercheurs les plus influents au monde. Grâce notamment à de nombreuses publications dans des revues scientifiques réputées. Souvent décrit par ses confrères comme « intelligent, bosseur, efficace et qui a énormément apporté à la médecine », il n’est pas moins critiqué pour son comportement et ses avis tranchés…et tranchants. Il prend plaisir à signer des chroniques à contre courant du corps médical. Cela « l’amuse de détruire des théories bien établies ».
Comportement puéril ou volonté de faire évoluer les mentalités, difficile de se prononcer tant l’homme est imprévisible. En 2016, le scientifique s’affiche ouvertement climato-sceptique sur France Inter. Une déclaration déclenchant l’ire de nombreux collègues. « C’est simplement de la provocation, il pousse un peu le rôle qu’il s’est donné. C’est comme son look improbable », affirme un journaliste proche du marseillais. Une version que l’intéressé valide à demi-mot lorsqu’on lui demande pourquoi avoir laissé pousser ses cheveux. Sa réponse : « pour les faire chier tous ».
Une manière d’être, enfantine, qui apporte son lot de contradiction. Il fut l’un des premiers scientifiques à ouvertement décrire le coronavirus comme « une petite gripette » qui n’arriverait pas jusqu’à nous. Aujourd’hui, il clame ouvertement à qui veut l’entendre qu’il possède le remède miracle avec son traitement à base de chloroquine. Une mentalité d’enfant dans un corps d’adulte. Un génie prêt à tout pour que l’on parle de science quitte à déblatérer des absurdités. Une personnalité clivante et contradictoire, perdue entre l’antidote et le poison.