« Détention arbitraire » et « abus d’autorité » : voici les moyens sur lesquels se fondent des familles françaises de djihadistes emprisonnés en Syrie pour attaquer la France, ce mercredi 17 janvier. Alors que l’avocate d’Emilie König, une djihadiste emprisonnée au Kurdistan syrien, demandait l’extradition de sa cliente, le 2 janvier dernier, les autorités françaises sont de nouveaux prises à parties.
Les djihadistes défendus par ces avocats sont retenus dans la partie contrôlée par les Kurdes de la Syrie. Bien que les Kurdes revendiquent leur autonomie, ils ne sont pas pas reconnus sur la scène internationale. Les avocats reprochent donc à la France de laisser à ce pseudo-état le droit de juger ces ressortissants.
Aucune existence légale du Kurdistan
Aujourd’hui, quatre avocats, Marie Dosé, William Bourdon, Martin Pradel et Marc Bailly, ont déposé leurs plaintes auprès du parquet de Paris. « Le Kurdistan syrien n’ayant aucune existence légale et ne disposant par là-même d’aucune institution souveraine, ces femmes et ces enfants sont tous détenus sans droit ni titre » ont-ils justifié pour exiger au parquet de diligenter une enquête préliminaire. Au-delà d’attaquer l’Etat sur ce sujet, les avocats des djihadistes souhaitent que leurs clients soient extradés en France pour y être jugés.
Jeudi 4 janvier, le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, a assuré que les ressortissants français seront jugés en Syrie si « les droits de la défense peuvent être respectés ». Khaled Issa, le représentant en France du Kurdistan syrien, lui avait répondu en indiquant que son pays était en capacité « de les juger en Syrie ».
Les avocats des djihadistes s’en insurgent. Ils reprochent au gouvernement de contribuer « à la poursuite de ces détentions arbitraires ». Ils s’appuient alors sur l’article 432-5 du Code pénal qui condamne le fait qu’une personne dépositaire de l’autorité publique ayant eu connaissance d’une privation de liberté illégale « s’abstienne volontairement » d’y mettre fin.
Que dit réellement le droit ?
Le problème de droit est complexe. La réponse se situe à l’intersection du droit national, droit judiciaire antiterroriste et du droit international qui rend compte également d’autres problématiques, comme celle de l’extradition. Pour le Kurdistan Syrien, il s’agit de la problématique de diplomatie. Pour être en toute légalité, la France doit reconnaitre, si ce n’est une structure étatique pour le Kurdistan syrien, un système judiciaire qu’elle inscrira alors parmi ses relations diplomatiques.
Le problème de droit est en fait un enjeu éminemment politique. Au regard de l’opinion, l’exécutif français acceptera-t-il d’extrader des ressortissants qui jusque là souhaitaient les attaquer ? De la même manière, prendra-t-il position pour reconnaitre un Etat qui n’a aucune légitimité sur la scène internationale ?
Peu de chances d’aboutir
Martin Pradel avoue n’avoir « aucune illusion » quant à ce que le parquet va faire pour poursuivre « les politiques définies au plus haut niveau » dans ce dossier. Pourtant, la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a évoqué pour la première fois ce matin sur France Inter, la possibilité d’un retour des ressortissants français partis faire le djihad. « Si les règles du procès équitable ne sont pas respectées sur place, nous avons des conventions internationales sur lesquelles nous sommes très sourcilleux et donc nous les prendrons en charge en France » a-t-elle réaffirmé.
Une quarantaine de djihadistes français adultes, accompagnés d’une vingtaine d’enfants, auraient été, pour l’heure, arrêtés en zone irako-syriennes, la plupart par les forces Kurdes en Syrie.