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Dropped : une tragédie mortelle

Dans la nuit du lundi 9 au mardi 10 mars, dans la zone touristique de la Rioja en Argentine. Collision aérienne entre deux hélicoptères transportant les candidats de la nouvelle émission Dropped, nouveau projet de la chaine TF1. Le concept : placer d’anciens sportifs aux capacités hors normes dans des situations extrêmes. « Droppée » dans des zones reculées en pleine nature, chaque équipe devait ensuite rallier la civilisation, accompagnée d’un médecin et d’un spécialiste de la survie. Le bilan : 10 morts, dont 8 français. Parmi les victimes les plus connues : des athlètes de haut niveau, que l’on a encouragés lors des Jeux Olympiques ou des Championnats du monde. Camille Muffat, Florence Arthaud et Alexis Vastine. Et puis il y a les autres victimes, moins connues, mais tout aussi mortes. Les deux pilotes argentins, Juan Carlos Castillo et Roberto Carlos Abate, ainsi que les membres des équipes d’Adventure Line Productions (Koh-Lanta et Fort Boyard), Laurent Sbasnik, Lucie Mei-Dalby, Volodia Guinard, Brice Guilbert et Edouard Gilles.

Les spectacles que nous donne à voir les télé-réalités

La télé-réalité est un genre qui filme sur un mode feuilletonnant la vie des individus sur un thème, un talent ou des situations précises. On a assisté à une inflation des émissions de ce genre, aux thèmes toujours plus variés. Rien qu’en France, les Marseillais ou les Chti’ mettent en scène de jeunes beaux mais légèrement analphabètes explorant des destinations exotiques pour « réussir professionnellement ». Si tant est que servir un verre ou distribuer des flyers constituent des enjeux suffisamment pertinents pour faire « carrière » à l’étranger. D’autres émissions regorgent d’inventivité comme Secret Story. On y trouve aussi des individus pleins de « secrets » qui doivent trouver ceux de leurs congénères sans voir le leur dévoiler. (Larousse rappelle qu’un secret est ce qui doit être tenu caché). On trouve également une nette tendance aux êtres qui cherchent désespérément l’amour (ou l’argent et la notoriété ?). Ainsi, la Belle et ses Princes ou le Bachelor scénarisent princes et princesses charmants, mais qui n’ont malheureusement rien de la bravoure des contes d’autrefois.

Des dérives divertissantes qui déprécient la valeur de la vie humaine

Plusieurs interrogations naissent de cette croissance des programmes de télé-réalité. D’abord, à quels besoins répondent ces émissions ? Elles révèlent d’abord un accroissement de la demande de spectacle. Si de telles émissions s’épanouissent, c’est qu’elles répondent avant tout à un besoin de consommation de la part des spectateurs.

Outre le côté divertissant, le contenu et les messages véhiculés demeurent très contestables. Ils n’apportent pas grand chose, sinon un abrutissement certain. On regarde des individus chercher l’amour, réaliser des petits boulots ou survivant sur une île déserte. Mais ce n’est pas ce qui intéresse dans le fond. On veut les voir s’engueuler, s’étriper et fricoter. Au final, c’est dans une forme de voyeurisme télé-visuel que s’ancre le spectateur. Suscitant un intérêt un peu pervers, on se complait dans l’admiration de la douleur, des émotions et des performances des candidats. Qui eux se savent dûment observés.

Hormis quelques performances réelles (culinaires notamment, Top Chef), les individus sont généralement sans intérêt, et par la suite adulés ou détestés, célèbres par popularité ou impopularité. Cette apologie de l’ordinaire peut être entendue, considérant que ces émissions ne sont que des divertissements visant à se « détendre ». Mais acceptons-nous que des gens meurent, accidentellement ou des suites de ces émissions pour répondre aux impératifs de programmation et gagner cette course frénétique à l’audience ?

 Les circonstances du drame Dropped

Les circonstances dans lesquelles se sont déroulés les événements sont incompréhensibles. Les conditions de vol étaient clémentes, les pilotes expérimentés et les engins modernes.  Difficile cependant d’attribuer à cet accident une autre cause que l’erreur humaine. C’est du moins l’hypothèse la plus vraisemblable retenue par Sylvain Augier. L’ex-animateur de La Carte au trésor sur France 3 et pilote d’hélicoptère aguerri attribue une « erreur de pilotage » à l’origine du crash dans une interview à BFM TV. Selon lui, les mouvements de l’hélicoptère situé en dessous ont provoqué l’accident. « Il se cabre, il monte. Il se met à monter d’un seul coup… » explique-t-il. Il monte vers l’autre appareil qui ne le voit pas, avant que les pales des deux hélicoptères n’entrent en collision.

Dans les heures qui suivent le drame, un duplex TF1 avec Louis Bodin, futur animateur de l’émission, commente le drame. Les carcasses des hélicoptères encore chaudes en arrière plan. Une ironie pour un présentateur qui ne voulait « absolument pas aller sur les lieux du crash » (20 minutes). Et quelle délicatesse de la part de TF1 d’avoir appuyé les conditions de ce direct.

La télé-réalité va-t-elle trop loin ?

C’est la question que l’on peut légitimement se poser au regard de ce qui s’est joué en Argentine. Les péripéties tragiques de lundi dernier ne sont pas sans rappeler d’autres drames liés à la télé-réalité. On se souvient de la mort de Gérald Babin, 25 ans, décédé lors de la 13ème édition du jeu d’aventure Koh-Lanta au Cambodge. Décès qui précède le suicide du médecin du programme, Thierry Costa. En août 2012, François-Xavier, candidat de Secret Story sur TF1 se jette sous les roues d’une voiture, à Bouée, en Loire-Atlantique. En juillet 2010, Jean-Pierre, 32 ans, participant à Trompe-moi si tu peux sur M6 se pend dans son appartement. Ailleurs, on évoquera seulement le suicide de Carina Stephenson. À 17 ans, la mort la plus précoce de la funèbre chronologie des émissions de télé-réalité. Carina mettra fin à ses jours deux semaines avant la diffusion du programme. Participante à Colony, un programme australien dans lequel les familles devaient revivre les dures conditions de vie des colons des siècles passés.

La télévision aurait-elle créé un spectacle bien étrange ?

Où l’attrait du gain (150 000 euros quand même pour les participants de l’émission Dropped) et la suprématie de l’audimat nous auraient amené à considérer que la vie humaine a aussi peu de valeur. Que de mourir pour un divertissement n’est qu’une contingence de la programmation télévisuelle. La mort deviendrait seulement un aléa minime du spectacle télévisé de nos sociétés modernes. Ces spectacles, dont nous sommes parfois si avides. Si la mort humaine a perdu à nos yeux autant de valeur, quel crédit accordons-nous alors à la vie humaine ?

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