L’échec de la fusion entre EADS et BAE Systems qui a officiellement été annoncé aujourd’hui n’est pas une surprise, derrière les enjeux strictement économiques de l’opération pour les deux groupes, ce sont bien les enjeux politiques entre la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni qui ont rendu ce projet impossible à réaliser.
C’est un air de déjà-vu qui plane autour de l’échec de la fusion entre le franco-allemand EADS et le britannique BAE Systems. En effet, la naissance du numéro 1 mondial de l’aéronautique et de la défense qu’aurait engendré le succès de la fusion, avec un chiffre d’affaire de 73 mds d’euros, était un beau projet sur le papier, concrétisant une union stratégique entre la France et l’Allemagne (actionnaires d’EADS) et le Royaume-Uni qui veille de prés à son champion de l’armement BAE Systems. Ce nouveau leader européen aurait assurément redistribué les cartes d’un secteur, celui de la défense, qui a un besoin urgent de se concentrer afin de s’adapter aux baisses du budget consacré à l’armement et à la défense dans les Etats, c’est ainsi que le budget destiné à la défense dans l’UE est passé de 200 milliards à 180 milliards en l’espace de 5 ans.
Un second échec pour l’Europe de la défense
1954, l’année de l’échec pour l’Europe, celui de la Communauté Européenne pour la Défense (CED), à l’époque, ce projet suscitait beaucoup de réticences quant à l’atteinte à la souveraineté des Etats cocontractants sur un domaine qui moins d’une décennie aprés la fin de la guerre, reste encore sensible.
Les années ont passé mais en 2012, c’est un second enterrement de l’Europe de la défense que laisse transparaître l’échec de la naissance du poids lourd européen, et c’est encore la faute d’un manque de volontarisme des Etats qui est en cause, la France, qui n’a jamais vraiment poussé le projet avec un gouvernement qui n’a pas mesuré les progrès qu’une telle opération produirait pour l’Europe, l’Allemagne et Angela Merkel qui pour des raisons purement électoralistes a dit « nein » au projet à moins que celui-ci prévoit d’héberger le siège social en Allemagne, ce qui n’était pas prévu, la chancelière étant confrontée à des élections qui s’annoncent difficiles à l’Automne 2013, le Royaume Uni enfin, qui a sans doute manqué de courage face à son allié américain pour jouer un rôle de propulseur dans le projet. Face à tout cela, les deux groupes industriels n’ont pas chercher à insister dans une démarche qui aurait pu ouvrir une nouvelle ère pour leur secteur, mais aussi pour l’Europe, cet échec, c’est aussi l’échec de l’Europe.
Il reste toutefois un gagnant, Boeing, et les Etats-Unis, qui conservent leur hégémonie dans le secteur et qui auront su faire jouer toute leur influence pour que le futur leader mondial européen soit mort-né. Comme un échec vient rarement seul, il ne serait pas étonnant que BAE se rapproche…de Boeing, on pourra, dés lors, voir à quel point l’Europe a manqué son rendez-vous avec l’Histoire encore une fois.
Christophe-Charles Crépin