Notre introduction au 7ème art coréen se poursuit cette semaine à travers une seconde thématique particulièrement exploitée par les cinéastes du pays du matin clair : la folie. Qu’elle soit diffuse ou incarnée, douce ou furieuse, elle plane comme une ombre au dessus des personnages. Deux films illustrent ce goût pour l’irrationnel, la folie des personnages se confondant avec celle de leur environnement : Des nouilles aux haricots noirs de Lee Hae-Jun et Mother de Bong Joon Ho.
- Des nouilles aux haricots noirs de Lee Hae-Jun
Kim est un homme qui a tout raté, même son suicide. Son saut d’un pont l’entraine sur les rives d’une île au milieu du fleuve Han. Une ile désertée sans être déserte, c’est une décheterie située en dessous de l’une des artères principales de Séoul. Notre homme apprécie d’une certaine manière ce changement radical de vie. Ce qui lui paraît être le milieu hostile de Robinson Crusoé, l’est moins que le milieu dans lequel il a évolué et qui l’a amené à une tentative de suicide. Depuis l’un des immenses building de la capitale, l’observe une jeune femme, Kim (elle aussi !), persuadée que le naufragé est un alien. Elle aussi est solitaire, c’est une hikikomori, qui survit recluse dans sa chambre.
Les deux personnages sont inadaptés à la société. Ils ont choisi de s’en extraire et finissent prisonniers l’un d’une île et l’autre d’une chambre. Le film raconte leur histoire : deux névrosés, de doux fous, dans une société ultra-consommatrice et individualiste, qui se libèrent ensemble et reprennent goût à la vie. Un film aussi loufoque, dérangé et féérique que celui de Lee Hae Jun, qui parvient à trouver un équilibre entre la légèreté et une réflexion profonde sur les limites de nos sociétés capitalistes.
- Mother de BONG JOON HO
Dans une province de Corée du Sud, une mère vit avec son fils, un jeune homme simplet qui connaît des moments de folie furieuse (notamment lorsqu’on le traite d’idiot) et de black out total. Une lycéenne est assassinée et la police, visiblement peu habituée à ce genre d’enquête, trouve en ce jeune homme le coupable idéal. Toutes les preuves sont contre lui et il n’a pas de mal à avouer un crime dont il ne se souvient aucunement.
La mère se lance alors dans une enquête pour sortir son fils de prison. Une enquête totalement originale puisqu’elle ne cherche pas à connaître la véritable implication de son fils dans le meurtre. A la folie évidente du jeune homme se substitue alors celle d’une mère prête à tout pour défendre sa progéniture. Au mépris de la morale, elle ira jusqu’à accuser des innocents. Finalement, la seule chose que révèle l’enquête est la culpabilité d’une mère, son désespoir et la folie qui l’aurait frappée bien avant le début du film. Et comme pour le réalisateur Bong Joon Ho, beauté et folie marchent souvent de compagnie, l’esthétisme du film et l’actrice principale (l’iconique Kim Hye-Ja) nous rappelle la beauté de la détermination, de l’amour irrationnel et du désespoir en contraste avec le milieu sordide et corrompu dépeint dans le film.