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Édito: Qui de la presse ou du grand public a le plus mauvais goût concernant les comédies françaises ?

Les comédies françaises sont souvent raillées par la critique et plébiscitées par le public. Qui des deux a le plus mauvais goût ?

Avec une régularité de métronome le cinéma français nous offre sur un plateau sa comédie populaire qui va cartonner en salles (ce n’est pas une vérité établie mais ça arrive plus souvent qu’à son tour) et que la critique va, dans sa grande majorité, étriller (ce n’est pas une vérité établie mais ça arrive plus souvent qu’à son tour). Rien que ce mois-ci, Raid dingue, Alibi . com, Si j’étais un homme et on en passe sont ou vont arriver sur les écrans et connaitre des fortunes diverses. Mais ce qui est récurrent c’est la réception et les positions souvent opposées entre critique et grand public. Tentative d’analyse d’un phénomène qui se généralise:

Les comédies ne font plus rire. L’humour au cinéma est mort et formaté. Combien de fois a t-on pu entendre ou lire cette litanie ces dernières années? Que le critique de cinéma qui n’a pas eu sa saillie assassine sur la dernière comédie à succès me jette la première pierre. Tous, faisons ce constat désolant au fil du temps, que les décideurs tout comme les artistes, flattent trop souvent les bas instincts du public en lui donnant pourtant juste ce qu’il veut: Des formules simples, de l’humour prémâché, des vannes faciles, des saynètes efficaces destinées à appâter le chaland dans des bandes annonces que l’on mangera à toutes les sauces dans des émissions de promotion où chacun assurera s’être éclaté pendant le tournage, où l’on entendra les auteurs expliquer que ce fut beaucoup de travail et qu’ils sont fiers d’offrir au public le fruit de leur labeur. Dans ces éléments de langage, derrière cette bienveillante dialectique, il y a sans doute un fond de vérité, niché quelque part entre l’envie d’y croire et celle de convaincre. Les artistes qui se lancent à corps perdu dans la comédie ne le font pourtant pas tous uniquement pour ramasser le jackpot (mais si l’argent rentre, ils auraient tort de faire la fine bouche non?), ils ont, à n’en pas douter, l’envie chevillée au corps de rejoindre leurs glorieux aînés -dont ils se prévalent bien (trop) souvent-, dans l’imaginaire collectif. Ils ne sont pas tous à imaginer dans des bureaux à moquette épaisse, les dividendes colossaux qui atterriront sur leurs comptes en banque quand ils auront mis le public dans leurs poches et dans les salles. La logique financière ne régit pas tous leurs faits et gestes, tous leurs désirs artistiques. Alors pourquoi diable avons-nous cette impression tenace que le cinéma comique français s’englue dans un humour banal, délesté de son esprit corrosif, de ses enjeux d’écriture élaborée, de choix formels discutables, seulement intéressé par ce qui au final lui permettra d’engranger? Et au final justement est-ce si simple que cela?

On peut peut-être se demander, comme c’est souvent le cas, lorsqu’un gouffre sépare les avis de la critique de celui du grand public, si plutôt que de savoir qui a tort ou qui a raison, l’intérêt ne serait pas plutôt de comprendre et d’analyser la grille de lecture faite par deux publics dont les attentes ne sont tout bonnement pas les mêmes. Si les films de Dany Boon, les comédies de Philippe Lachau ou celles d’Eric Lavaine remportent de si grands succès publics alors que la presse les vilipende souvent (sauf lorsqu’elle est partenaire dudit film cela va sans dire) et même si des exceptions existent (L’ascension), quelles leçons faut t-il en tirer? Que le public qui va dans les salles est stupide? Évidemment non ! Seulement, que des gens qui ne vont au cinéma que quelques fois dans l’année choisissent d’aller voir des histoires qui les divertissent, avec lesquelles ils pourront oublier leurs soucis et la morosité de leur quotidien et se détendre sans se prendre la tête ni en cherchant à sur-interpréter ce qu’on leur donne à voir, quoi de plus normal ? Que les journalistes soient des petits diablotins qui rentrent dans les salles la bave aux lèvres en aiguisant leurs fourches caudines, là non plus, bien sûr que non! Seulement pour eux qui voient des centaines de films chaque année, qu’ils dissèquent et analysent sous toutes les coutures, qu’ils voient les facilités et les mécanismes leur sauter aux yeux, quoi de plus naturel?

Opposer la critique et le public ne fait pas avancer le débat. Il y a de très mauvais films comme il y en a de très bons et les avis comme disait ce cher Inspecteur Harry « c’est comme les trous du cul, tout le monde en a un ». Essayons juste autant que possible de ne pas avoir d’à priori, même si je comprends parfaitement qu’il puisse être difficile de ne pas céder à cette facilité. J’y succombe moi-même régulièrement pour d’autres types de films, donc difficile de jeter la pierre à ceux qui se laissent aller à des avis négatifs quasi unanimes sans même avoir jugé le produit fini, mais qui auront décidé, sur la base de pitchs, de casting totalement ratés à leurs yeux ou  de bandes annonces, qu’ils étaient des navets de haut vol. De toute manière des comédies populaires que la presse continuera à vouer aux gémonies se monteront et  cartonneront encore, alors plutôt que de s’en désoler, pourquoi ne pas se dire que ces succès permettent aussi à d’autres films, plus petits économiquement, des films d’auteur ou de genre, promis à des audiences plus confidentielles, de trouver des financements et le chemin des salles? Il y a comme dans tout pays industrialisé et dont le cinéma est une économie importante du bon et du mauvais chaque année et le cinéma français ne fait pas exception à la règle. Et pourtant nous continuons de voir des films qui nous enthousiasment, nous émeuvent et nous touchent fort heureusement. Si la comédie française apparait désormais, à de rares exceptions près, formatée et sans âme, c’est peut-être aussi parce que les anciennes et les nouvelles générations se sont affrontées plus qu’elles ne se sont mélangées. En 1983, dans Papy fait de la résistance de Jean-Marie Poiré, une grande comédie populaire, la troupe du Splendid se confrontait à des comiques plus âgés, les Jacqueline Maillan, Jean Carmet, Michel Galabru… et ce mélange détonnant nous offrit un film culte. Aujourd’hui l’esprit de troupe a cédé le pas à l’individualisme et des projets se montent sur des têtes d’affiche à qui tout réussit, les Dany Boon ou Kev Adams. Lorsque d’aventure les anciennes générations viennent passer une tête dans les films des plus jeunes, ils sont plus des faire-valoir qu’autre chose. Ce que nous avons perdu en prise de risque et dans l’acidité des propos nous l’avons transformé en espèces sonnantes et trébuchantes. On ne peut pas gagner forcément sur tous les tableaux en même temps.

A lire aussi : Coup de projo sur… Dany Boon

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Journaliste pôle séries et La Loi des Séries, d'Amicalement Vôtre à Côte Ouest, de Hill Street Blues à Ray Donovan en passant par New york Unité Spéciale, Engrenages, Une famille formidable ou 24, la passion n'a pas d'âge! Liste non exhaustive, disponible sur demande!
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