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EDITO – Qu’est ce qu’on a fait au bon Dieu de la République?

« Je suis gaulliste et de surcroît chrétien ». Nom de Dieu ! Si Aristide Briand avait entendu ces propos, il se serait assurément pendu avec un chapelet. 1905 n’a jamais semblé avoir été aussi loin qu’en ce début d’année 2017. Comment un candidat à la Présidence de la République peut-il tenir un discours aussi politique que religieux ? L’esprit de la République est en train d’être bafoué par François Fillon. Mais contrairement à la religion, lorsqu’il y a un péché, il ne faut non pas le pardonner, mais le dénoncer et le critiquer. Au nom de la République.

La séparation de l’Église et de l’État

Bien que François Fillon ne représente pas (encore ?) l’État, il y aspire. Et l’État est légalement tenu d’être séparé de l’Église. Comment le représenter si l’on s’identifie avant tout comme chrétien ? C’est ici que se situe la contradiction majeure. Sa liberté de conscience n’est pas remise en question. C’est son droit d’avoir ses convictions religieuses. Mais il doit apparaître neutre vis-à-vis de l’Église dans sa parole publique. Chose qui n’est pas respectée. Que dirait-on si une femme voilée se présentait à une élection présidentielle ?

Une forme d’hypocrisie

Une certaine ironie du sort vient se loger au sein de cette polémique. François Fillon est l’un des premiers à monter au créneau lorsque l’on parle d’islam politique. « Moi je veux […] interdire le salafisme, mais aussi les Frères Musulmans, qui dominent l’UOIF » a-t-il déclaré dans une interview au Figaro. Sa proposition est légitime. Mais lorsqu’elle est issue de la parole d’un candidat ouvertement chrétien, qui plus est soutenu par un mouvement chrétien ultra traditionaliste Sens Commun, sa crédibilité et sa neutralité peuvent être remises en cause. Dénoncer un collectif religieux rigoriste dominé par l’aspect politique, soit. Mais veiller à ce qui soit de même dans son propre camp avant de le faire, c’est mieux.

Un renforcement des communautarismes

François Fillon n’a évidemment pas prononcé ces mots sur TF1 par hasard. Outre ses convictions intimes, cette petite phrase relève avant tout du marketing politique. Ses conseillers et lui même savent pertinemment que ce positionnement de candidat de droite « chrétien assumé » lui permet de capter un électorat que le parti pensait perdu : celui de Marine Le Pen. Une aubaine pour le premier tour ! C’est le jeu de la campagne pourrait-on penser.

A lire aussi : Les dessous de la communication de François Fillon

Mais c’est un jeu tronqué par les nouvelles règles qu’il instaure. En se définissant comme tel, il ne fait qu’accroître les communautarismes (comme si Marine Le Pen ne suffisait pas). Il invite les électeurs à se définir non pas selon leurs opinions politiques, mais par rapport à leur religion ou leur non-religion. Il enlève ce que nous avons de plus cher à notre République : notre rôle de citoyen. Désormais nous devons nous définir comme Français chrétiens, juifs, musulmans, agnostiques ou athées. Quelle identité donner à des Français rassemblés hier par l’esprit républicain, aujourd’hui divisés par les corps religieux ? Comment les rassembler si plus rien ne les unis ? Une petite suggestion : laissons à la sphère privée ce qui lui appartient.

A lire aussi : Faut-il être chrétien pour être président ?

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