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« Email-gate » : de gros ennuis pour Hillary Clinton?

Alors que la primaire démocrate bat son plein et à 10 mois de l’élection présidentielle de novembre 2016, un nuage sombre plane sur la campagne d’Hillary Clinton, favorite des sondages pour l’investiture de son parti.

En cause, une pratique datant de son passage aux affaires extérieures en tant que Secretary of State, de 2009 à 2013 : l’usage de boites mails privées, non protégées et non officielles, sur lesquelles ont transités des informations d’Etat. Un tel usage de serveurs privés pour stocker, recevoir et envoyer des informations confidentielles va à l’encontre des procédures officielles et des protocoles du State Department (ministère des Affaires étrangères américain). Les documents officiels et toutes les conversations et correspondances de ministres en exercice doivent également être enregistrés et archivés par l’Etat fédéral. En bref, on reproche à Hillary Clinton de nombreux manquements aux règles d’administration du gouvernement. Et au-delà de ces manquements existe le danger que des informations aient pu être captées, d’une manière ou d’une autre, par des services de renseignement étrangers.

L’ « email-gate » n’est révélé véritablement qu’en mars 2015. Pendant l’été, 50 000 pages d’emails d’Hillary Clinton sont envoyées aux enquêteurs du State Department, de l’Intelligence Community (Communauté du Renseignement, regroupant plusieurs agences gouvernementales) et du FBI. Depuis lors, l’affaire s’est considérablement aggravée, à mesure que les enquêteurs ont révélé que des informations classifiées, provenant de la CIA et de la NSA, se trouvaient dans les emails de l’ancienne First Lady.

La ligne de défense d’Hillary Clinton, prise en charge par sa puissante machine de campagne électorale, a évolué avec le temps, se contentant d’abord de minimiser le problème et de pointer du doigt un possible « complot de la droite » et des manoeuvres aux intérêts de politique intérieure. Devant la tournure que prenait l’affaire, les arguments se sont ensuite fait plus précis : les emails n’auraient pas contenu d’informations confidentielles. Ce qui allait à l’encontre des résultats préliminaires des enquêteurs. Puis Hillary Clinton a déclaré qu’aucune information classifiée n’était étiquetée en tant que telle. Des arguties techniques et des points de détails minutieux, dans une affaire qui empoisonne depuis presque un an la campagne présidentielle et revient régulièrement faire les titres outre-atlantique.

Photo : AP

Photo : AP

Vendredi 29 janvier 2016, le State Department a déclaré, pour la première fois, qu’au moins 22 emails « top secret » avaient transité par le serveur privé de l’ancienne Secretary of State. Des emails tellement secrets qu’ils ne peuvent même pas être diffusés publiquement aujourd’hui dans le cadre de l’enquête, comme l’a redemandé expressément l’entourage de Clinton – qui entend ainsi prouver l’innocence de la candidate, même s’il peut s’agir d’un coup de bluff.

La réponse officielle du camp Clinton a mis l’accent sur l’aspect subjectif du processus de classification des informations : il s’agirait d’un cas d’« over-classification run amok », ce qui pourrait se traduire par une classification outrancière devenue folle — ce qui revient à dire que la classification « top secret » des documents n’était peut être pas justifiée. Une excuse bien différente de la ligne tenue jusqu’à maintenant, et surtout très floue. L’élément de langage « over-classification » s’est rapidement répandu dans les médias et sur les réseaux sociaux pour être moqué ou critiqué par des professionnels du renseignements et des commentateurs politiques américains.

Certains n’ont pas manqué l’occasion de faire le rapprochement entre la défense de Clinton et celle d’Edward Snowden, l’ancien employé de la NSA accusé par le gouvernement américain d’avoir diffusé des informations confidentielles et actuellement réfugié en Russie :

« La campagne Clinton critique le Département d’Etat sur la « classification outrancière » : j’imagine qu’elle doit être une grande fan d’Edward Snowden. »

D’autant plus qu’Hillary Clinton a tenu dans le passé une ligne très stricte envers la fuite de documents classifiés, ce qu’a tenu à rappeler Glenn Greenwald, le journaliste américain qui a publié les premières informations d’Edward Snowden et s’est engagé depuis dans la lutte contre l’espionnage de masse du gouvernement américain et le soutien aux lanceurs d’alerte :

« Clinton se plaint maintenant de la classification outrancière. En 2011, Clinton condamnait Manning (un lanceur d’alerte maintenant emprisonné, ndlr) en disant: « nous devons être conscients du fait que des informations sensibles, qui impactent la sécurité d’individus, méritent d’être protégées et nous continuerons à faire en sorte que ce soit le cas. » »

A la veille du premier caucus de l’Iowa, devant se tenir lundi 1er février, Hillary Clinton mène — d’assez peu — dans les sondages (avec 47,3%, contre 44% son principal rival Bernie Sanders). Les résultats de ce premier caucus sont très attendus ; ce sera enfin un test concret de popularité pour les deux figures du Parti Démocrate. Une information va sûrement chasser l’autre, et l’ « emailgate » replongera un peu sous l’eau, comme l’un des serpents de mer de cette période électorale. L’affaire pourrait très bien n’aboutir qu’à peu de choses. Elle pourrait tout autant coûter très cher à Hillary Clinton. L’histoire politique américaine est truffée d’affaires de ce genre, qui ont eu des aboutissements divers. Une chose est sûre, les ennuis ne devraient pas s’évanouir rapidement ni d’un seul coup pour la candidate à la Maison Blanche.

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