Le 21 février marquera le 80e anniversaire de l’exécution de vingt-deux résistants dont Missak Manouchian était le leader. Poète et résistant francophile, il va entrer au Panthéon avec son épouse.
Missak Manouchian va entrer au Panthéon avec son épouse et sa partenaire de lutte, Mélinée. Grandes figures de la Résistance, à travers eux, la France célèbre l’engagement des étrangers dans la Résistance. Cet Arménien devient le premier résistant étranger, et communiste, à intégrer l’illustre temple mémoriel. Le 21 février 1944 sera le 80e anniversaire de son exécution à 37 ans avec vingt et un de ses camarades au Mont Valérien en banlieue ouest de Paris. Considéré comme un terroriste par les nazis, comme un héros par la Nation française, qui était Missak Manouchian ?
Un amour inconditionnel pour la France
Manouchian naît le 1er septembre 1906 à Adyaman en Arménie. À neuf ans, il assista aux massacres perpétrés par les Turcs contre le peuple arménien. Il perdit sa famille dont il fut, avec son frère Karapet, un des seuls survivants. Ces massacres marquent profondément le jeune homme déjà élevé dans le souvenir des massacres précédents de la fin du XIXe siècle. Il entre alors dans un orphelinat libanais qui l’accueille après le génocide, à une époque où le Liban passait sous protectorat français. De là sa passion pour la culture française naîtra.
Un instituteur l’a initié à la poésie. Par la suite, Manouchian a cultivé sa passion pour les écrivains et les poètes français comme Rimbaud, Verlaine ou Baudelaire. À Paris, inscrit en auditeur libre à l’université de la Sorbonne, il a fréquenté quotidiennement la bibliothèque Sainte-Geneviève. Il s’instruit alors de grands classiques français. Dans les journaux arméniens qu’il a cofondés et animés avant la guerre, il publie ses propres poèmes, mais il a également traduit en arménien les poèmes français pour ses compatriotes en exil. Missak Manouchian a signé de son prénom français, Michel, sa lettre de condamné à mort. C’est symboliquement, une marque d’appartenance à son pays d’adoption.
Lorsqu’il arrive à Marseille en 1925, il côtoie le milieu ouvrier. De là, il rencontre les conditions difficiles et l’esprit de solidarité à la Société des Forges et des Chantiers de la Méditerranée à la Seyne-sur-Mer, puis, plus tard à Paris, aux usines Citroën, quai de Javel. C’est donc tout naturellement que le jeune homme s’engagera auprès du Parti communiste français.
L’engagement politique…
D’abord engagé politiquement, Manouchian marqué comme beaucoup d’immigrés par les événements de février 1934, adhère au Parti communiste et participe aux activités du groupe arménien rattaché à la MOI (Main-d’œuvre immigrée). Il devint le responsable en 1935 du journal Zangou (nom d’un fleuve arménien) publié sous l’autorité du HOC (Haïastani Oknoutian Komite ou comité de secours à l’Arménie, créé en 1921 à Erevan et dirigé par le docteur Kaldjian). Ce fut au sein de cette organisation qu’il fit la connaissance de Mélinée Assadourian qu’il épousa en février 1936.
Après la dissolution du HOC en 1937, il sillonne la France pour constituer l’Union populaire franco-arménienne. Il souhaite regrouper tous les Arméniens de France favorables aux forces de gauche. Il fut arrêté au début de la guerre à la suite de la dissolution des organisations proches du Parti communiste. Lorsque la France entre en guerre contre l’Allemagne nazie en 1939, il est en prison à La Santé, à Paris.
…et militaire de Missak Manouchian
À la suite du pacte de non-agression conclu entre Staline et Hitler, les organisations et mouvements liés au PCF sont dissous et de nombreux communistes arrêtés. L’ensemble de cette force politique est secouée par cette alliance, et se divise. Pour Manouchian c’est alors une évidence. Il se porte volontaire pour s’engager dans l’armée française et rejoint la caserne de Colpo, dans le Morbihan.
De retour à Paris en juin 1940, il reprend ses activités mais dans la clandestinité. Il fut une nouvelle fois arrêté en juin 1941. Il retrouve l’organisation que le PCF avait créée pour fédérer les travailleurs étrangers, la MOI. La MOI est devenue l’un des mouvements constitutifs du bras armé du PCF, les Francs-Tireurs et Partisans (FTP). Et la MOI se divise elle-même en plusieurs détachements de résistants. Missak Manouchian rejoint l’un d’eux au début de l’année 1943. Puis, à la démission de Boris Holban, dont les actions furent critiquées par la direction nationale du PCF et des Francs-tireurs et partisans (FTP), il devient le chef militaire de l’ensemble des FTP-MOI.
Missak Manoukian : un martyr de la guerre
Il a aimé la France et s’est battu pour elle. Devant le fascisme, il n’a jamais faibli et cela lui a coûté la vie.
Le 16 novembre 1943 alors qu’il avait rendez-vous avec Joseph Epstein, interrégional FTP de la région parisienne, il fut arrêté, en même temps que ce dernier, à Évry-Petit Bourg (aujourd’hui Évry dans l’Essonne). Manouchian subit de la torture avec vingt-deux autres de ses camarades. Aux mains des allemands, un procès à grand spectacle fut organisé et les vingt-trois inculpés furent tous condamnés à mort par le tribunal du Gross-Paris, rue Boissy-d’Anglas (VIIIe arr.) le 19 février 1944. Les « Frères d’armes » furent fusillés au Mont-Valérien le 21 février. Depuis sa mort, sa femme a entretenu sa mémoire en écrivant sur son histoire et en publiant ses poèmes.
Son nom et son visage sont immortalisés par l’Affiche rouge réalisée par les nazis pour faire un exemple de ce « terroriste » arménien et de ses compagnons d’armes juifs polonais et juifs hongrois entre autres, symbolisent à jamais le groupe dont il avait pris la direction militaire à Paris. Missak Manouchian incarne la contribution des étrangers à la Résistance dans la France occupée. Son entrée au Panthéon marque une victoire d’une époque révolue où lui et sa femme ont tout perdu et pourtant tant donné à leur terre d’accueil.