Les arrivées internationales aux Etats-Unis sont sur une pente descendante, et pas seulement à cause du Covid, car la tendance a été décelée dès décembre 2019. Aujourd’hui, et après des performances euphoriques pendant les 5 dernières années, le secteur du tourisme craint le pire. La cause ? L’exigence faite aux voyageurs de divulguer leurs profils sur les réseaux sociaux dans le cadre de l’ESTA (pour rappel, l’ESTA est un document officiel permettant à tous les ressortissants des pays membres du Visa Waiver Program de voyager aux USA). Ces derniers ne le voient naturellement pas d’un bon œil, considérant le procédé intrusif.
Ça ne va pas fort pour le tourisme US
Le tourisme aux Etats-Unis a connu des jours meilleurs ! Les visites internationales ont diminué de 1,9 % au cours des trois premiers mois de l’année, selon des données préliminaires partagées par l’Office national des voyages et du tourisme du ministère américain du commerce. L’impact du Covid-19 n’est pas significatif sur le premier trimestre. La part de marché est également en baisse, le groupe de pression commercial U.S. Travel Association faisant état d’une chute de la part de marché mondiale des voyages long-courriers, qui est passée à 11,3 % cette année, soit 2 points de moins qu’il y a 3 ans. Ils prévoient que ce chiffre tombera à 10,9 % d’ici 2022, ce qui coûtera 180 milliards de dollars aux Etats-Unis.
Pour ne rien arranger, la branche de marketing touristique du pays, Brand USA, n’a toujours pas été renouvelée. C’est dans ce contexte qu’une proposition du ministère de la sécurité intérieure visant à faire de la collecte de profils sur les médias sociaux une exigence de l’application du système électronique d’autorisation de voyage (ESTA) inquiète les responsables des voyages.
Tori Barnes, vice-présidente exécutive des affaires publiques et de la politique chez U.S. Travel, a déclaré que le groupe s’inquiète de l’effet paralysant que cela pourrait avoir sur les visiteurs en provenance de certains des principaux marchés américains, notamment européens : « Nous craignons que cette politique ne décourage les voyageurs ‘légitimes’ de visiter les Etats-Unis… au moment où nous voulons encourager plus de personnes à visiter le pays, car nous constatons un ralentissement de la croissance du marché international ».
La petite parade…
Depuis décembre 2016, les demandeurs d’exemption de visa, y compris les Français, sont invités à inclure leur compte de médias sociaux de manière volontaire, dans un champ facultatif sur le formulaire ESTA. Cette année, ce champ est devenu obligatoire. Cela dit, il est possible de déclarer ne pas avoir de comptes sur les réseaux sociaux si vous ne souhaitez pas les divulguer. Toutefois, il y a des chances que votre demande ESTA soit alors refusée.
A ce sujet, le CBP (Customs and Border Protection) précise qu’il « continuera à statuer sur les formulaires qui ne contiennent pas d’informations sur les réseaux sociaux, mais le fait de ne pas fournir les données demandées peut soit retarder, soit rendre impossible pour le CBP de déterminer l’éligibilité d’une personne à la prestation demandée ». Le News Guardian a d’ailleurs longuement enquêté sur ce point.
Des inquiétudes pour la protection des données personnelles
Le tourisme est un secteur très volatil. Tensions commerciales, ralentissement de l’économie mondiale, acte terroriste… sont autant de facteurs qui peuvent plomber l’activité touristique. Aux Etats-Unis, on parle d’une « incertitude entourant l’administration Trump ». Alors que certains critiques ont explicitement déclaré que les politiques anti-immigrants et « America first » de l’administration Trump dissuadent les visiteurs, Barnes a déclaré qu’il n’y a actuellement aucune donnée qui renseigne sur le sentiment des voyageurs concernant la nouvelle politique des médias sociaux. « Nous cherchons à savoir si cela a un effet … d’un point de vue des données », a déclaré M. Barnes. « Mais nous n’avons pas de données qui démontrent que cela a un effet négatif ».
Toutefois, cette politique suscite de nombreuses préoccupations liées à la vie privée. Raya Koreh, co-auteur du rapport du Centre Brennan, regrette que l’obsession de collecte des données privées ait continué d’Obama à Trump. M. Koreh explique qu’une évaluation de l’impact sur la vie privée en 2016, publiée par le Département de la Sécurité intérieure, indique que les informations recueillies par les médias sociaux auprès des demandeurs d’exemption de visa ne seront pas seulement utilisées pour examiner les posts des personnes sur les réseaux sociaux… mais aussi l’activité des personnes avec lesquelles elles ont interagi ou qu’elles ont suivies.