En 1598, la révocation de l’édit de Nantes scelle le destin des Huguenots – Français protestants alors persécutés par les catholiques – qui devront fuir leur terre natale, et nombre d’entre eux trouveront refuge outre Manche. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Aujourd’hui, qu’ils aient envie d’aventures ou simplement de filer à l’anglaise (et échapper aux impôts!), Frenchies de tous horizons traversent le tunnel au bout duquel semble exister un monde meilleur. En 2012, le consulat estimait entre 300.000 et 400.000 Français vivant dans la capitale britannique. Invasion ou exode? Une seule certitude: French invaders are back.
Notre douce France s’exporte
Même les paroles de Charles Trenet ne suffisent plus à retenir nos compatriotes – peu importe leur âge, leur situation familiale et professionnelle. Malgré l’intégration difficile due à la prononciation du ‘th’, Londres accueille chaque année plus de Français… Jusqu’à devenir la sixième ville de France, comme le précise la BBC. Seraient-ce les lubies de la scène musicale? La politesse et le flegme britannique? Peut-être. Le cornichon de la City? Les hipsters-entrepreneurs de la Tech City? Sûrement. Le marché du travail? Certainement, et surtout pour les jeunes. Car en Angleterre, nul besoin de contracter de diplomite aiguë pour réussir sa carrière, une simple licence en poche permet d’obtenir un poste. Et il est plus facile de rompre un contrat de travail qu’en France, ce qui encourage les entreprises à recruter de jeunes diplômés.
Carrément à l’ouest, ces Français
L’ouest de Londres est connu et reconnu pour regorger de riches banquiers et de leurs famille canard. On pense notamment au quartier de South Kensington abritant le lycée Charles de Gaulle, mais la réalité est bien plus surprenante. Les Français semblent envahir tout Belgravia – une zone du quartier de Westminster au sud-ouest du palais de Buckingham – qui serait l’équivalent de notre faubourg Saint-Germain (le prix moyen d’une grande maison y dépassant souvent 15 millions de livres sterling soit 22,5 millions d’euros en 2007). Knight Frank, une société britannique dont les services incluent ventes, locations, gestions de patrimoines de propriétés, gestions de domaines et de fermes, recherches professionnelles, consultations retient cette année 19% d’augmentation de recherches en ligne provenant de France. En effet, en se promenant dans les environs, on trouve boulangeries, pâtisseries, restaurants, librairies françaises.
Plus un seul berceau pour la communauté française
Mais l’envahissement s’étend aujourd’hui à toute la ville. Mayfair – la pareille de la rue de la paix du Monopoly anglais – est situé au centre de Londres. Connu pour ses restaurants huppés et ses boutiques de luxe, il accueille tellement de Frenchies que même le célèbre Baron finit par y planter son drapeau en 2012. Mais ce n’est pas fini. Si on continue son chemin vers l’East End – Shoreditch, Brick Lane, Hackney – on trouve des start-ups digitales, des murs de briques recouverts de tags, et… des Français?
« Il y a toujours eu des Français à Londres, mais c’est vrai que j’en rencontre de plus en plus, surtout depuis que j’habite dans l’est » déclare Ben Morrison, Londonien pure souche de vingt-quatre ans. « Ça ne me dérange pas, on est habitué ici, c’est une ville très cosmopolite. »
Le wine shop du numéro 259 de Hackney Road est un exemple comme un autre.
Je t’ai gardée dans mon coeur
« On ne trouvait jamais le vin que l’on cherchait à Londres, alors on a décidé d’importer des bouteilles et de les vendre à des prix raisonnables (8 livres) » expliquent Florian Tonello et Milena Bucholz.
« C’est très tentant de monter son business ici, car on est assuré d’avoir une clientèle accueillante. Les Anglais apprécient nos produits régionaux, et les Français sont contents de se sentir comme à la maison! »
Il n’aura pas fallu deux ans au couple parisien entre son arrivée et le succès de son entreprise. Comme quoi, l’exception culturelle s’exporte bien.