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Fatale-Station : « Au Québec, les chaînes ne passent pas de commandes »

A l’occasion de la diffusion de la série Fatale-Station dès le 28 septembre sur Arte, nous avons rencontré son créateur Stéphane Bourguignon à Séries Mania.

C’est quoi Fatale-Station ? Pour fuir un homme qui la menace, Sarah vient s’installer dans le village isolé de Fatale-Station, au Québec. Son arrivée bouleverse cet étrange microcosme, régi d’une main de fer par O’Gallagher, puissante matriarche résolument hostile à la nouvelle venue. Mais que cherche vraiment Sarah ? Peuplée de personnages mystérieux, Fatale-Station s’empare avec adresse des codes du genre pour une relecture contemporaine du western.

En tant qu’auteur, êtes-vous plus libre au Québec que ne le sont nos auteurs en France ?

Stéphane Bourguignon (créateur et auteur) : Difficile à dire car je ne vis pas en France. Mais j’ai entendu beaucoup de conversations suite à la diffusion à Séries Mania de Fatale-Station disant qu’on ne pourrait pas faire une série comme ça en France. Les raisons invoquées sont que le personnage féminin prend beaucoup de place dans l’histoire et que dès qu’elle ferait quelque chose d’un peu borderline, il faudrait qu’elle s’excuse de l’avoir fait. Sans comparer le Québec à la France, mais nous sommes chez nous plutôt progressistes dans nos rapports hommes- femmes et dans nos rapports sociaux en général donc oui d’une certaine façon, nous sommes sans doute plus libres. Il faut dire que nous sommes un jeune pays dans lequel le poids de l’Histoire n’est pas aussi lourd que chez vous.

Beaucoup de choses sont tentées à la télévision québécoise que ce soit Fatale Station, Marche à l’ombre, Lâcher prise, District 31

Ce qui est différent chez nous c’est que les diffuseurs ne passent pas de commandes de séries. Ce sont les producteurs qui proposent. Et derrière, ce sont les auteurs qui sont venus voir les producteurs avec une idée de séries. Pour l’exemple de Radio Canada, ils vont prendre 5 ou 6 projets en développement pour une seule case horaire, suivre le développement et voir sur quelle série ils peuvent miser.

Des producteurs français nous confiaient avoir intégré dans leur série des codes de fiction pour qu’elle se vende mieux à l’étranger. On retrouve dans Fatale-Station des éléments de séries que l’on connaît bien dans les séries américaines par exemple.
Avez vous aussi intégré ces éléments à votre écriture ? 

Non pas du tout. C’est même la première fois que j’entend parler de « codes de fiction ». Mais si c’est reprendre des éléments que l’on voit dans des séries américaines, c’est en fait juste faire tout ce qu’il faut pour bien raconter une histoire, une façon efficace de raconter. Et dans ce cas là, oui on l’a fait aussi dans Fatale-Station. C’est ma 3ème série et ça a toujours été ma préoccupation de bien raconter les choses, d’avoir un mouvement dynamique, des personnages forts sur lesquels toute l’histoire va reposer. Maintenant pour qu’une série plaise à l’international, la vraie recette c’est de rester « local »: plus on fait du « local » et plus on va avoir des chances de vendre notre série. Je n’y crois pas à ces « codes de fiction » pour vendre. C’est souvent la série qui va le moins suivre les codes et qui sera la plus « locale » qui va le mieux se vendre. Le danger de vouloir fabriquer une série pour qu’elle se vendre c’est de perdre l’âme du projet. Il faut d’abord faire une série pour soi et pour les premiers spectateurs. Et si on fait bien les choses, alors ça pourra se vendre. Bien entendu, ça n’empêche pas de raffiner nos techniques en regardant ce qui se fait ailleurs et il faut apprendre à bien raconter des histoires.

C’est précisément la grande force de Fatale-Station que d’avoir une vraie identité ?

On a voulu garder une certaine poésie dans la série et qui se ressent bien dès le teaser. C’est un aspect que l’on ne retrouve pas assez aujourd’hui dans les séries. Dès le départ, Fatale-Station se positionnait d’une manière différente, un peu « arty », qu’on n’a je pense bien maîtrisé et qui ne rebute pas. Ces moments de poésie arrivent aux bons moments. Nous ne sommes pas dans la démonstration. Par la suite, il y a aussi beaucoup d’humour noir dans la série et tous nos personnages progressent vers un abîme dans lequel on n’oublie jamais de la tendresse.

Comment décririez-vous le style de Fatale-Station ?

C’est un western. On n’a en revanche pas souhaité l’appuyer trop à la réalisation mais on donne quelques clés, quelques symboles pour le reconnaître : une corde qui pend, la gare, le principe aussi de la série à savoir une étrangère qui arrive dans une petite ville et sur laquelle on ne sait rien y renvoie aussi, et on peut ajouter le principe de la vengeance, et bien sûr ce personnage féminin fort qui rappelle Ma Dalton (qui devait au départ être un homme mais ça marchait tellement avec une femme, tous les rapports entre les personnages y gagnaient) … Il n’y avait pas besoin d’insister dessus à la réalisation, tous les symboles sont là il me semble. Ce qu’on a voulu faire avec la série c’est proposer un voyage, sortir de la fiction de « proximité » où le spectateur se regarde vivre à la télé et lui offrir quelque chose de différent. On a d’ailleurs un peu un soucis à ce niveau avec certains diffuseurs qui aiment bien le réalisme, qui aiment avoir des séries dans lesquelles le spectateurs se reconnaît immédiatement. Heureusement, ils aiment bien aussi, de temps en temps, proposer une expérience différente, dérangeante, déroutante, qui demande plus d’investissement pour le spectateur.

A lire aussi : Découvrez les premières images de Maroni bientôt sur Arte

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Rédacteur en chef du pôle séries, animateur de La loi des séries et spécialiste de la fiction française
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