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Faut-il prendre la MLS au sérieux ?

Ce week-end avait lieu les finales de conférences (Est et Ouest) de la Major League Soccer, le championnat nord-américain de football (soccer) les deux vainqueurs s’affrontant dimanche pour le trophée de champion de la ligue, la MLS Cup. A l’issue de la saison, ce sont les Los Angeles Galaxy (Ouest) et les New England Revolution (Est) qui se retrouveront en finale, dans une rencontre qui se jouera au StubHub Center à Los Angeles.

Les Los Angeles Galaxy et les New England s'affronteront samedi 7 décembre à 21 h (heure française)

Les Los Angeles Galaxy et les New England s’affronteront dimanche 7 décembre à 21 h (heure française)

Une finale puisque le système de la MLS reprend l’organisation des sports américains avec une phase de saison régulière où l’ensemble des équipes se rencontrent et sont classés entre deux conférences (Est et Ouest). Les trois premiers de chaque conférence sont qualifiés pour les demi finales, le quatrième et le cinquième s’affrontent pour se qualifier pour les demi-finales.

Henry, les stars européennes et le « salary gap » (fossé salarial)

En France, l’attention était focalisée sur la présence de Thierry Henry chez les New York Red Bulls. L’ancien international joue depuis cinq ans en MLS, et constitue l’une des attractions de la Ligue. Certains médias hexagonaux annonçaient déjà le triomphe du Français, un dernier trophée pour une fin de carrière en apothéose.

Pourtant les New York Red Bulls, l’équipe de Thierry Henry et de Peguy Luyindula, ont été défaits par les New England Revolution en finale de la conférence Est. Une défaite qui constitue la fin de l’expérience américaine pour Thierry Henry dont le contrat arrive à expiration.

Cette défaite de l’équipe new-yorkaise est peut-être une bonne nouvelle pour la MLS. Les Red Bulls sont une équipe de vétérans, de joueurs recrutés en Europe, comme Henry, Luyindula, Bradley Wright-Phillips ou l’international australien Tim Cahill. Cette présence d’anciennes gloires du football européen fait des New York Red Bulls l’une des équipes à la plus grosse masse salariale de la MLS, Henry et Cahill représentant à eux deux 71% des sommes versés aux joueurs de l’équipe.

Tim Cahill (gauche) et Thierry Henry, les deux designated players des New York Red Bulls

Tim Cahill (gauche) et Thierry Henry, les deux designated players des New York Red Bulls

Ces deux joueurs bénéficient de la règle du Designated Player (joueur désigné), ou « règle Beckham ». Cette règle inaugurée avec l’arrivée de David Beckham au Los Angeles Galaxy en 2007 permet de rémunérer un joueur au dessus du salary cap (limite salariale) qui est fixé en 2014 à 3,1 millions de dollars pour l’ensemble de l’effectif, et 387.500 dollars par joueur. Chaque équipe a le droit de disposer jusqu’à trois Designated Players. En 2014 par exemple, Michael Bradley (international américain) et Jermain Defoe (arrivé de Tottenham) ont été recrutés par Toronto, avec un salaire annuel de plus de 6 millions de dollars chacun.

Cette règle crée un championnat avec d’importantes inégalités salariales puisque six joueurs concentrent à eux seuls 28,5 % de la masse salariale totale de la MLS. A l’inverse, une cinquantaine de joueurs (sur 568) touche le « salaire minimum » de la Ligue fixé à 36.500 dollars par an.

En face, l ‘équipe qui a battu les Red Bulls était en début de saison l’une des équipes les plus modestes de la MLS (3,4 millions de dollars contre 11,2 millions pour les Red Bulls). Mais la franchise basée à Boston a enregistré l’arrivée cet été de Jermaine Jones, l’international américain transféré depuis le Besiktas Istanbul et qui lui aussi bénéficie de la règle du Designated Player, avec un salaire de 3,5 millions de dollars annuels ce qui a doublé la masse salariale du club. Jermaine Jones auteur du but de la victoire (2-1), lors du match aller à New York, face aux Red Bulls.

Jermaine Jones - New England Revolution

Jermaine Jones des New England Revolution, le joueur germano-américain a fait toute sa carrière en Europe avant de rejoindre la MLS à l’été 2014.

Pour le reste, l’équipe est composée de joueurs pour la plupart inconnus de notre côté de l’Atlantique même si ils sont quelques uns à avoir tenté leur chance en Europe. Charlie Davies, double buteur lors du match retour à Boston (match nul 2-2), a passé quelques mois en France à Sochaux, inscrivant même deux buts pour le club français. Lee Nguyen, Teal Bunbury, deux des meilleurs joueurs de New England sont eux aussi des exemples de joueurs qui après avoir tenté leur chance en Europe ont trouvé leur place en MLS et prétendent aujourd’hui au titre de champions.

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Lee Nguyen (à gauche), Charlie Davies (en haut à droite), Teal Bunbury (en bas à droite), trois artisans de la victoire des New England Revolution face aux Red Bulls de New York

The West is the Best

Mais les meilleures équipes de la MLS sont peut-être à l’ouest. La plus connue des équipes de la ligue, les Los Angeles Galaxy est aussi l’une des plus titrées (4 titres MLS à son actif). Les Galaxy dont le nom a fait le tour du monde, suite à la signature en 2007 de David Beckham. Le joueur anglais a d’ailleurs remporté deux titres  MLS avec les LA Galaxy en 2011 et 2012. Une équipe qui tentera samedi de remporter un cinquième trophée après leur victoire en finale de Conférence Ouest face aux Seattle Sounders.

Ces deux équipes ont terminé la saison régulière avec les meilleurs résultats de la Ligue, se classant aux deux premières place de la Conférence Ouest. Deux franchises qui sont par ailleurs le modèle type d’une équipe de MLS. Des deux côtés, on retrouve des anciennes gloires du football américain ou européen, qui côtoient des joueurs plus jeunes, qui pour certains intégreront l’équipe nationale ou peuvent espérer une carrière en Europe. Au sein des Galaxy, on retrouve des joueurs comme Robbie Keane (international irlandais et ancien joueur de Premier League), Stefan Ishizaki (ancien international suédois) et Landon Donovan, l’un des meilleurs joueurs américains de l’histoire. Ce dernier pourrait remporter son quatrième titre MLS, alors qu’il est déjà le recordman en nombre de buts de la MLS mais aussi de l’équipe nationale étasunienne.

Landon Donovan, meilleur buteur et passeur de la jeune histoire de la MLS

Landon Donovan, meilleur buteur et passeur de la jeune histoire de la MLS

Au côté de ces glorieux anciens, on retrouve d’autres joueurs comme Omar Gonzalez (défenseur international avec les USA) ou Gyasi Zardes, auteur d’une belle saison et qui pourrait prochainement intégrer l’équipe nationale étasunienne. A noter aussi la présence de joueurs originaires d’Amérique Latine dont les deux brésiliens Marcelo Sarvas et Juninho, buteurs face aux Sounders de Seattle.

On retrouve le même schéma du côté de Seattle avec des joueurs comme Clint Dempsey (international étasunien et passé par la Premier League anglaise) et Obafemi Martins (a joué à l’Inter Milan et Newcastle – ancien international nigérian). A leur côté, on retrouve l’un des grands espoir du football aux Etats-Unis, De Andre Yedlin, formé à Seattle, et qui devrait rejoindre Tottenham courant 2015, après sa belle prestation à la Coupe du Monde au Brésil.

De Andre Yedlin pourrait rejoindre les Spurs de Tottenham dès janvier 2015

De Andre Yedlin, le joueur des Sounders pourrait rejoindre les Spurs de Tottenham dès janvier 2015

Les deux équipes de la côte ouest qui n’ont pu se départager que grâce à la règle du nombre de buts à l’extérieur, les Galaxy ayant remporté le match aller 1-0 à domicile, tandis que les Sounders se sont imposés 2-1 sur leur pelouse, le but inscrit par les Galaxy à Seattle leur permettant d’accéder à la finale.

Les États-Unis, une banlieue du foot mondial ?

La MLS est aujourd’hui un championnat mineur, que ce soit en comparaison des autres sports américains ou par rapport aux championnats européens de football. Cette réalité saute aux yeux quel que soit l’indicateur (niveau de jeu, affluence, revenus annuels, audience TV…) que l’on utilise pour faire des comparaisons. Pourtant, la MLS reste en progrès.

La ligue qui n’a qu’une petite vingtaine d’années, aurait pu disparaître aux débuts des années 2000. Elle doit en partie sa survie aux bonnes performances de la sélection nationale qui avait atteint les quarts de finale lors de la coupe du monde 2002. Aujourd’hui, la MLS est parvenue à se tailler un espace dans l’univers des sports professionnels et continue son expansion. La Ligue qui était composée de dix équipes à sa création en 1996, en compte aujourd’hui dix-neuf et vise l’objectif d’une MLS à 24 à l’horizon 2020.

Une ambition qui s’explique par la popularité grandissante du football (soccer) aux États-Unis. Lors de la Coupe du Monde 2014, plus de 26 millions de téléspectateurs aurait assisté au match entre les États-Unis et l’Allemagne, pulvérisant un record qui datait de 1999 lors de la finale de la Coupe du Monde féminine entre la Chine et les États-Unis (18 millions).

Cette engouement se retrouve dans les stades, où les affluences se rapprochent des moyennes européennes mais aussi de la Liga Mexicana qui reste le championnat de référence en Amérique du Nord. Cette année, l’affluence moyenne a été de 19.149 spectateurs par matches (16.037 en 2009) ce qui se rapproche de la moyenne française (20.998) mais encore loin du Mexique (25.434). Des chiffres encourageants et notamment portés par les Seattle Sounders qui affiche une moyenne de plus de 43.000 spectateurs par match.

Le public de Seattle présent en nombre derrière son équipe. La meilleure ambiance de MLS

Le public de Seattle présent en nombre derrière son équipe. La meilleure ambiance de MLS

A l’inverse, du côté des audiences télés, la MLS peine à attirer des spectateurs. En 2013, seul 500.000 personnes ont regardé la finale de la MLS sur ESPN. La chaîne sportive qui évalue à 308.000 personnes, le nombre moyen de téléspectateurs pour la saison 2014, un chiffre modeste mais qui reste un progrès par rapport au 217.000 pour la saison 2013. Des chiffres qui montrent aussi le faible intérêt des « footeux » américains pour la MLS puisqu’ils sont plus nombreux aux États-Unis à suivre la Premier League anglaise (438.000) que la MLS nord-américaine.

Même constat du côté des revenus générés par la MLS (362 millions d’euros), on constate que la MLS génère dix fois moins de revenus que la Premier League (3,3 milliards d’euros) ou la NBA (3,67 milliards d’euros), et même moins que les deuxièmes divisions de football anglaise ou allemande.

Cette situation s’en ressent sur les salaires des joueurs qui sont bien plus faibles que ceux distribués en Europe, en dehors des quelques Designated Players aux salaires très élevés. Cela contribue à faire partir les meilleurs joueurs et espoirs de la Ligue dès lors qu’ils obtiennent des propositions du côté des clubs européens et notamment anglais comme pour De Andre Yedlin.

Pourtant cette situation n’est pas un problème dans l’immédiat. Le soccer américain n’est pas encore un sport disposant d’un vivier important de recrutement et de joueurs à former à l’instar de ce qui peut exister pour les autres sports américains. Une tendance qui pourrait évoluer à long terme en fonction du développement de programmes sportifs centrés sur le soccer dans les universités et lycées américains. Une tendance qui s’observe déjà à petite échelle.

Les leçons du soccer féminin

Une leçon que la MLS a peut-être appris des difficultés du football féminin qui a été pendant longtemps la principale source de popularité du football États-Unis. Malgré de très bons résultats avec l’équipe nationale (deux coupes du monde remportées en 1991 et 1999), les États-Unis ont échoué à créer une ligue professionnelle viable chez les femmes. Après deux échecs, une nouvelle ligue professionnelle a été créée en 2013, la NWSL (National Women’s Soccer League).

Une compétition moins lucrative que les précédentes et dans laquelle moins d’argent a été investi avec l’objectif de développer un championnat construit sur des perspectives à long terme. C’est un enjeu important dans un pays où les femmes représentent un tiers des personnes pratiquant régulièrement le football. A titre de comparaison, les matches de NWSL regroupent en moyenne plus de 4.000 spectateurs par matches contre 620 en France et 1.185 en Allemagne.

Le stade des Thorns de Portland, la plus grosse affluence de NWSL, avec une moyenne de plus de 13.000 spectateurs.

Le stade des Thorns de Portland, la plus grosse affluence de NWSL, avec une moyenne de plus de 13.000 spectateurs.

Aujourd’hui, le football féminin étasunien n’est pas encore parvenu à concilier résultats dans les compétitions internationales et développement d’un championnat de haut niveau, ce qui constitue un véritable problème pour le pays numéro un du football féminin au niveau mondial. Dans cette optique, la prochaine Coupe du Monde en juin 2015 au Canada, pourrait être décisive dans le développement de la NWSL en fonction des résultats de l’équipe nationale étasunienne.

Tout cela tend à montrer que le football (soccer) aux États-Unis reste un sport jeune et qui ne bénéficie pas encore d’une assise populaire et économique suffisante pour devenir un sport majeur. Pour le moment, le modèle de la MLS est  celui d’un pays qui tente de développer un sport en s’appuyant sur un intérêt et un engouement grandissant du public. D’autres pays suivent le même chemin, notamment en Asie (Chine, Inde en particulier) en cherchant à attirer de grands joueurs qui permettent d’assurer une visibilité autour d’un championnat peu attractif en lui-même.

Pourtant, la défaite d’Henry et des Red Bulls montre que la MLS n’est pas qu’une simple maison de retraite pour anciens champions et qu’il existe un football aux États-Unis. De là à se lever à 3h du matin pour regarder un match…. A vous de voir.

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