INTERVIEW DE WILLIAM GUERAICHE
Candidat de la gauche aux élections législatives de la 10e circonscription des Français de l’étranger.
Le slogan de la French Tech Maurice s’intitule : « Towards a Tropical Valley ». Une telle ambition pourrait-elle s’étendre à l’ensemble de votre circonscription ? Quelles ambitions pourraient relancer un rôle de toile économique et culturelle de la communauté française dans l’Océan indien, au carrefour de l’Afrique et du Moyen-Orient ?
Dans mes recherches, j’essaie de montrer que nous sommes dans une phase de dé-mondialisation et de recomposition régionale. L’Océan Indien représente une unité géopolitique qui fonctionne à plusieurs échelles. Les pays riverains de ce bloc (dont la France fait partie avec la Réunion) vont voir leurs échanges se multiplier. Quelle que soit la forme que le partenariat entre États prendra, il ne sera viable sur le long terme qu’à deux conditions. Qu’il permette :
1 – un transfert de technologie des pays développés en direction des pays en développement ;
2 – un meilleur partage des richesses.
Sinon, les délocalisations créeront plus d’inégalités. La France doit s’engager à combattre ses dernières pour éviter le désordre. Nos entreprises, nos entrepreneurs doivent montrer qu’ils sont les représentants d’un pays qui a une éthique supérieure à ses principaux partenaires commerciaux.
Avec plus de 15 millions d’actes d’état civil détenus sur les cinq continents, les 18-30 ans expatriés font de l’étranger la 1ere mairie de France. Pourtant, les travaux du sénateur Christian Cointat et sa proposition de loi destinée à créer une « collectivité d’outre-frontière» n’ont jamais abouti. Comment imaginez-vous en 2022 la place des français de l’étranger dans les institutions et le débat public ?
Il n’y a pas de lien de causalité entre le nombre d’actes d’état-civil et l’existence d’une collectivité territoriale (supposée). La question n’est pas de créer un échelon administratif supplémentaire mais de mieux servir les Français de l’étranger en matière de services consulaires. Pour être pragmatique, les consulats fonctionneront mieux si l’Etat leur attribut plus de moyens, plus de fonctionnaires d’état-civil par exemple. Voilà où l’effort doit porter. Les Français de l’étranger n’existent pas dans le débat politique métropolitain comme l’élection présidentielle l’a bien montré. Une chose est certaine, leur intégration dans la nation est encore à définir. Nous, Français de l’étranger, nous avons des problèmes spécifiques qui ne se posent pas en métropole, comme la scolarisation de nos enfants, la prise en charge des soins, etc. Dupliquer un modèle métropolitain sur notre communauté serait aberrant. Tout reste à faire donc et un vrai débat est souhaitable.
La France était représentée au deuxième sommet de l’économie bleue co-organisé par les Seychelles et les Emirats Arabes-Unis à Abu Dhabi. Votre circonscription peut-elle incarner un laboratoire des énergies du futur et de la valorisation de nouvelles ressources liées à la mer ? Et attirer des savoir-faire français ?
La France va disposer du plus grand domaine maritime au monde. Elle a donc une responsabilité morale dans l’exploitation des ressources maritimes et des normes qu’elle va tenter d’imposer à la communauté internationale. On peut faire une comparaison avec l’exploitation du pétrole de schiste. Certains grands groupes (français) essaient de détourner le moratoire de 2011. Les mêmes problèmes vont se poser avec l’exploitation des ressources des fonds sous-marins, pour les métaux rares par exemple. La recherche du profit ne doit jamais se faire au prix du sacrifice des normes éthiques en général et environnementales en particulier. Par ailleurs l’excellence de notre formation universitaire permet de fournir des ingénieurs qui ont une très bonne réputation à l’étranger. Dans ces conditions, oui, les entreprises et les personnels qui travaillent, ou vont travailler, autour de l’Océan indien ont une carte à jouer.
Crédit photo : Dominique Hénaff.