Boulangeries fermées au Liban, étagères vides aux rayons « huiles » en France … les conséquences de la guerre en Ukraine se font déjà ressentir un peu partout dans le monde. Certains affirment que nous nous dirigeons vers une crise alimentaire mondiale.
L’invasion de l’Ukraine et les sanctions à l’encontre de la Russie viennent perturber le marché alimentaire. Un marché déjà fragile, puisque 44 millions de personnes souffrent de malnutrition. Les Nations Unies estiment que le conflit menace de faire basculer dans la sous-nutrition 47 millions de personnes supplémentaires.
Russie et Ukraine : les géants de l’agriculture
Plus que tout autre produit agricole, c’est le blé qui inquiète. C’est effectivement l’aliment de base de 35% de la population mondiale, et donc la céréale la plus exportée. La Russie en est le premier exportateur au monde et l’Ukraine le cinquième. A eux deux, ces pays produisent 19 % de l’offre d’orge, 14 % de l’offre de blé et 4 % de l’offre de maïs et réalisent plus d’un tiers des exportations mondiales de céréales. Mais ce sont aussi de grands fournisseurs de colza et réalisent 52 % des exportations mondiales d’huile de tournesol.
En dehors des matières premières directement fournies par les « greniers de l’Europe », la guerre va également avoir un impact sur l’agriculture mondiale puisque la Russie est le premier exportateur d’engrais. En bref, c’est toute la chaîne de production alimentaire qui est chamboulée par l’invasion de l’Ukraine.
Flambée des prix de l’alimentaire
Selon les estimations de la FAO, les prix de l’alimentaire risquent de progresser de 8 à 22% à cause de pénurie. Depuis l’invasion russe, les prix mondiaux du blé ont augmenté d’environ 21 %; l’orge, de 33 %; et certains engrais, jusqu’à 40 %. Le prix de l’huile de cuisson est en hausse de 36 % au Yémen et de 39 % en Syrie. Le prix de la farine de blé est en hausse de 47 % au Liban, de 15 % en Libye et de 14 % en Palestine. C’est un record.
Mais à la pénurie s’ajoute également la hausse du prix du pétrole et les difficultés logistiques de transports de marchandises à cause de la guerre. En Ukraine, la guerre détruit les infrastructures de transports comme les routes, les voies de chemins de fer etc. Même si la guerre prend fin rapidement, les dégâts auront un impact de long terme sur la distribution de ressources alimentaires. De plus, les navires traversant la région de la mer Noire prennent des risques, et donc des assurances, ce qui contribuent à exacerber les couts du transports maritimes, et in fine des produits que nous trouvons dans nos supermarchés.
Des pays inégalement touchés par la crise alimentaire
Une cinquantaine de pays importe 30% de son blé auprès de la Russie et de l’Ukraine. Ce sont principalement des Etats d’Asie-Pacifique, d’Afrique et du Moyen-Orient. « L’Égypte, la Turquie, le Bangladesh et l’Iran, qui sont les plus grands importateurs de blé, achètent plus de 60 % de leur blé à l’Ukraine et la Russie, et en importent des quantités très importantes. Le Liban, la Tunisie, le Yémen, la Libye et le Pakistan sont eux aussi fortement dépendants de ces deux pays pour leur approvisionnement en blé » explique Qu Dongyu, le directeur de la FAO.
En dehors de l’Ukraine, ce sont les pays déjà économiquement fragiles qui vont être les plus touchés par le risque de famine. Cela peut mener à des tensions au sein de ces pays (comme les émeutes de la faim survenues en 2008), mais aussi à des tensions internationale. En effet, l’alimentation est un véritable enjeux géopolitique. Poutine le sait bien, puisqu’il a engagé la Russie en 2010 dans un programme de souveraineté alimentaire. Et il compte bien sur le « food power » pour faire pencher les pays dépendants du blé russe pour se rallier à lui sur le plan international.
Les effets de cette crise alimentaire se font déjà ressentir un peu partout dans le monde, et notamment dans des pays déjà fragilisés par d’autres crises. En Algérie le gouvernement a interdit toute exportation de sucre, de pâtes, d’huile, de semoule et de tous les dérivés du blé.