Comment Halt and catch fire, racontant la création de l’ordinateur personnel, a-t-elle pu s’imposer en 2 saisons sans pour autant réunir un large public ?
Un pitch pas spécialement engageant, une série que l’on imagine à tort austère, puis finalement on se lance, un peu ébahi par les retours positifs quasi unanimes. Et là, en moins de dix minutes, c’est fini. Toutes les réserves tombent, ce que l’on craignait n’arrive pas, non seulement on ne s’ennuie pas une seconde, mais surtout on se prend inexorablement dans ce récit absolument passionnant qui ne souffre aucune interférence. Halt and Catch Fire, série de AMC a débarqué sur les écrans américains en juin 2014. Sous la houlette de Christopher Cantwell et Christopher C. Rogers, les deux scénaristes, la série s’immerge dans le monde de l’informatique dans les années 80 en auscultant la vie d’une entreprise texane qui se lance dans la création d’un des tous premiers ordinateurs portables. En s’intéressant plus spécifiquement au trio qui impulse la mise en route du projet dans le but de concurrencer le tout-puissant IBM, le récit se focalise sur les soubresauts de leurs relations professionnelle et extra-professionnelle. Avec trois personnages extrêmement bien caractérisés, aussi dissemblables qu’ils vont devenir complémentaires, la série se dote d’entrée d’une combinaison gagnante. [youtube id= »RY8NO8R4AI8″]
Son sujet à priori technique et rebutant n’aura donc finalement été en rien un frein pour suivre les pérégrinations de ce petit microcosme. Au contraire, l’énergie revigorante impulsée par l’écriture et la mise en scène en font un suspense machiavélique sublimé par l’interprétation enfiévrée d’un trio exalté. Voir ces techniciens et têtes pensantes s’acharner sur ce qui va bouleverser la vie d’une grande partie de l’humanité, les voir douter, souffrir, transpirer, rêver, espérer alors que l’on sait ce qu’il adviendra au final est particulièrement jouissif et favorise la fascination que l’on éprouve devant ces avancées décisives pour le monde moderne. Si la part romancée de la série fonctionne c’est le mélange avec la réalité que l’on entrevoit qui rend savoureux Halt and Catch Fire. Mais c’est aussi une série à dimension humaine qui ne se perd pas uniquement en conjectures de business ou d’algorithmes. La ressource à des personnages complexes, ambivalents, nourris d’egos démesurés et qui n’hésitent pas à tout donner pour que leur passion prenne l’essor qu’elle mérite selon eux, confère un atout indéniable à un récit qui aurait pu souffrir d’autosuffisance en se croyant au dessus de ses personnages. Mais jamais l’ambition dramatique ne se renie et la série prend tranquillement son essor en saison une avant que la seconde saison ne déploie ses ailes pour permettre de dessiner une série encore plus subtile qu’elle ne semblait l’être de prime abord.
Si le trio central composé de Joe, Gordon et Cameron a phagocyté la première saison, c’était le passage obligé pour exposer la situation et les problématiques, mais les personnages secondaires se développent en souplesse lors de la seconde saison, offrant à la série une richesse narrative encore plus forte. Donna, la femme de Gordon, prend notamment une place encore plus prépondérante tout comme John Bosworth, l’ancien boss de Joe. Les personnages prennent tous de l’ampleur, évoluent et l’éparpillement que l’on pouvait parfois ressentir en saison une est cette fois nettement plus maîtrisé. De Lee Pace (parfait et intense) à Scoot McNairy (subtil et intriguant) en passant par Kerry Bishé (belle et déterminée) et Mackenzie Davis (pleine de caractère et de fièvre), la distribution est en tous points excellente et il faut noter que la place des femmes dans la série est particulièrement importante, qu’elles ne jouent pas seulement les utilités, ce qui est une excellente chose.
La mise en scène toujours sobre et élégante ajoute du cachet à une série très addictive. Nantie qui plus est d’un très beau générique, d’une BO éclectique, puisant dans des morceaux d’époque et ne privilégiant pas le fond à la forme mais apportant au contraire une vraie richesse visuelle, Halt And Catch Fire vous fera prendre goût à l’informatique vintage. Pourtant la série a beau gagné en qualité le public continue d’être peu nombreux à la suivre. Fort heureusement, AMC lui a offert une troisième saison à découvrir à l’heure US dès le 23 août sur Canal Plus. Tant que les décideurs n’appuient pas sur CTRL+ALT+SUPR, on sera de toute manière au rendez-vous.
Crédit: AMC