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Homejacking, rubik’s cube machiavélique dont personne ne sort indemne

OCS a toujours été un vrai espace de liberté pour les auteurs. La chaîne le prouve de nouveau avec sa nouvelle production Homejacking, un thriller d’une redoutable efficacité.

Une maison de toute beauté, perdue aux abords d’une forêt qui se dessine à perte de vue, entre rochers multiformes et hautes herbes capables de cacher les plus sombres secrets. Tel est le terrain de jeu de la nouvelle série de OCS, Homejacking, très loin des productions « traditionnelles » de la chaîne, et au résultat magistral.

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Homejacking : home sweet home ?

En 6 épisodes de 40 minutes (à la durée variable), Homejacking déploie son histoire d’épisode en épisode et surprend son spectateur à mesure qu’il progresse dans l’histoire.

Pour la dernière fois, le sublime générique composé par Hervé Hadmar (et qui rappelle les très beaux génériques de Hitchcok) retentit. Puis, à ce moment de l’épisode 6, le spectateur patient comprend qu’enfin il va savoir. Enfin il va comprendre ce qui arrive et qui est là, devant lui depuis le début. Si la route est encore longue, elle promet pourtant d’être absolument incroyable.

« Il vous manque pourtant un bout de l’histoire !!« 

Août 2023. Une invitation un peu particulière nous parvient par mail. Nous sommes conviés sur le tournage d’une nouvelle série OCS Signature en banlieue parisienne.
Son nom : « Homejacking ». Son réalisateur : Hervé Hadmar, soit la promesse d’un univers singulier vers lequel on se dirige quasiment aveuglément.
Un autre nom attire aussi notre attention : Florent Meyer à l’écriture (avec Tigran Rosine & Emmanuelle Faguer), un auteur que l’on suit depuis de nombreuses années et qui sait si bien créer des univers hors normes, à la manière de la sublime mini série Intrusion.

Notre présence sur le tournage est prévue le 29 août et ça ne se refuse pas. C’est donc sur le décor central de la série que nous avons rendez-vous. Une maison perdue en bordure de forêt, que l’on atteint après avoir passé un portail métallique et monté un long chemin de terre dans la forêt. Puis la maison, protéiformes, apparaît sous nos yeux. Mais rien ne nous prépare à ce que nous allons voir !

Avant de pénétrer dans ces lieux, elle est là ! Imposante par sa présence et son allure, figurant comme la gardienne des secrets de la maison et de ses occupants. Elle impressionne quand on s’y approche ; elle terrifie quand elle apparaît dans la série.

Une histoire à twists ?

Une maison d’architecte en pleine forêt. Un matin, un couple bourgeois est victime d’intrusion. Isabelle et Richard Deloye sont séquestrés par un agresseur anonyme. Caché sous une cagoule rose, il porte une arme et un bidon d’essence, mais on ne sait pas ce qu’il cherche. Voler ? Violer ? Tuer ? Ou tout autre chose que le couple ignore encore… Et si, dans le fond, agresseur et victime n’étaient pas du tout ceux qu’on croit ?

Homejacking n’est jamais ce que l’on croit, ne va jamais où l’on croit qu’elle ira, le tout pour mieux nous attraper et ne plus nous lâcher. La série se regarde comme un véritable « page turner » et même le plus assidu des spectateurs qui se croira capable de deviner ce qui l’attend se révèlera surpris, bluffé même par tant de malice des auteurs à nous perdre, sans jamais se perdre. Car tout est là, depuis le début. Depuis le premier épisode qui pose les bases pour mieux littéralement exploser son modèle dès l’épisode suivant. Chaque épisode est ensuite la pièce d’un puzzle qui permet d’avancer dans les couloirs sinueux d’une intrigue qui réserve toujours des surprises, à la fois cohérentes mais à s’en décrocher la mâchoire.

En variant les points de vue, les époques et les perceptions, Homejacking déroule son histoire de manière machiavélique et la réalisation brillante de Hervé Hadmar sublime à chaque instant. Une nouvelle fois, le réalisateur n’est jamais là où on l’attend, varie les univers, les genres … et parvient toujours à rendre son univers identifiable en quelques minutes.

Un décor – personnage

En arrivant sur ce lieu qui abrite le tournage de la série, on ne peut qu’être surpris par sa grandeur et la manière dont il se déploie. Les perspectives sont immenses et le terrain de jeu infini pour un réalisateur comme Hervé Hadmar (malgré une unité de lieu assumée). Trouver un tel espace a nécessité un vrai travail intensif des équipes de repérage.
La maison est composée de différents blocs les uns à côté des autres, comme autant de morceaux d’une histoire riche et intense, qui sont là, posées, à condition de les voir.

« Tout part d’une envie formelle. Exploiter au maximum le décor d’une maison. La maison comme prison, enfermement, lieu de tous les dangers« , racontent Florent Meyer et Tigran Rosine. On ressent immédiatement, malgré l’immensité du décor ouvert sur la forêt, un sentiment d’emprisonnement, d’isolement que les personnages vont eux aussi ressentir.

Hervé Hadmar assure la visite des lieux qui impressionnent immédiatement : de grandes baies vitrées, des couloirs partant dans tous les sens, et une hauteur sous plafond impressionnante que l’aménagement vient amplifier. La maison comme personnage central de la série, on le saisit sur place lors de notre visite, et ça se confirme une fois qu’on l’a vu se déployer dans la série. Reprenant les codes de films ou séries de maison hantée, la maison de Homejacking peut être vue comme un être « vivant » capable de changer ses occupants. Le mentor d’Isabelle qui l’occupait avant, s’y était « replié » et a changé au fil des mois. Si la narration n’appuie jamais sur cet aspect, il est cependant perceptible ici et là.

Homejacking : une construction machiavélique au service de personnages puissants

L’alchimie de talents combinés pour offrir le meilleur. C’est ainsi que l’on pourrait résumer Homejacking. Le scénario est redoutable et empreinte à d’illustres prédécesseurs (de Hitchcock à Jordan Peel) les meilleurs éléments pour mieux les digérer et se les faire siens. Du début à la fin, le spectateur est baladé, largué, soupçonnant tout le monde et n’épargnant personne. Chaque épisode offre une fin qui, en soit, pourrait suffire à l’histoire avant de l’envoyer dans une autre direction qui vient justement compléter le puzzle.

La réalisation de Herve Hadmar est à l’image de ce qu’elle est toujours : minutieuse, pointue et en permanence avec ses acteurs et actrices qu’il accompagne avec une précision de tous les instants. En délaissant Eric Demarsan, son compositeur attitré (qui sera sans doute très fier de lui), pour composer lui même la BO, Hervé Hadmar présente une nouvelle corde à son arc, une corde qu’il manie avec minutie et émotion. Une partie de l’identité formelle de la série passe par cette partition lancinante qui accroche le spectateur pour mieux lui laisser – pour son plus grand plaisir – un sentiment étrange d’inconfort qui convient parfaitement à l’ambiance de la série. Déjà inquiété par le poids de la maison et son emplacement, le spectateur ne trouve aucun répit avec la musique qui le maintient dans un état de nervosité constant.

Enfin, Hadmar a toujours démontré qu’il était un grand directeur d’acteurs et d’actrices. C’est une nouvelle fois le cas ici. Déjà parfaitement servi par un scénario qui a su concevoir des personnages forts, naviguant en permanence dans une zone de gris, les acteurs-rices de la série donnent ici le meilleur d’eux-mêmes. En premier lieu Marie Dompnier qui trouve ici un rôle de femmes comme on en fait peu – à la fois trouble et sensible – sans doute l’un de ses meilleurs rôles. De son côté Yannick Choirat est toujours magnifique et trouve avec ce rôle ambivalent, un rôle à sa hauteur, un rôle qui comme bien d’autres, n’est jamais où on l’attend. Quant aux autres acteurs et actrices, ils sont le métronome parfait d’une histoire rythmée par leurs émotions. Et ils ne sont jamais aussi puissants que face au lâcher prise.

Nous sommes restés dans cette grande maison, la grande maison avec les arbres

A mesure que la journée sur le tournage touche à sa fin, nous prenons un moment pour nous poser face à ce décor imposant. Disposés autour d’une table sur un promontoire quasi naturel dans ce jardin grandeur nature, on repense à ce qu’on y a vu, et à ce que nous n’avons pas vu aussi. A ce champs des possibles que la maison ouvre, à ces histoires que ce « vaste territoire » peut offrir et accueillir. Et on se dit que tout est possible.

C’est à ce moment que nous repensons aujourd’hui après avoir vu la série. Ce champs des possibles, ces auteurs et ce réalisateur l’ont totalement investi. Ils ont repoussé les limites de la narration en nous offrant quelque chose que nous n’avions pas encore vu à la télévision française. Comme Jordan Peel dans Get Out, ils ont utilisé le genre pour parler de nous, de notre société et ses maux qui la traversent encore. Ils ont repoussé les limites du lieu clos, d’une prison à ciel ouvert. Comme le Tardis de Doctor Who est « plus grand à l’intérieur », l’histoire racontée par Homejacking est plus grande en étant dans la maison qu’elle n’aurait pu l’être ailleurs. Le signe d’une très grande maîtrise d’un art qui n’a plus rien à envier à personne.

En finissant la série, nous avons ressenti la même chose que ce 29 août quand nous quittons les lieux, que la voiture s’éloigne petit à petit et que nous rejoignons la ville.
Nous laissons les auteurs et le réalisateur sur place mais une partie de nous est resté dans la maison, dans « cette grande maison avec les arbres, et toutes ces grandes fenêtres« . Et vous, vous savez combien il y a de fenêtres ?

Hervé Hadmar dans « la grande maison avec les arbres »

A lire aussi : De Pigalle à Notre Dame, le génie de Hervé Hadmar en action | VL Média (vl-media.fr)

Homejacking
6×40 minutes
Dès le 7 avril sur OCS (en compétition à Séries Mania)

About author

Rédacteur en chef du pôle séries, animateur de La loi des séries et spécialiste de la fiction française
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