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House of Cards contre House of Cards : de Londres à Washington

La série House of Cards est une adaptation d’une série britannique, elle-même tirée d’un livre. En quoi diffèrent-elles l’une de l’autre ?

Lancée en 2013, House of Cards est la première production originale de Netflix. Créée par Beau Willimon et David Fincher (Fight Club, The social network) la série a rencontré au cours des 4 saisons déjà diffusées un succès critique et public, notamment grâce à ses formidables interprètes, Kevin Spacey et Robin Wright. Mais avant d’envahir les couloirs de la Maison Blanche, House of Cards s’était attaquée au 10 Downing Street : la série américaine est adaptée d’un format britannique. Le premier House of Cards date de 1990, il compte 3 saisons de 4 épisodes (intitulées House of Cards, To Play the King et The final cut) diffusées sur la BBC, il se déroule en Grande-Bretagne, Frank Underwood s’appelle Francis Urqhart et il est interprété par  Ian Richardson. Cette mini-série repose elle-même sur une trilogie de livres éponymes écrits par Michael Dobbs, ex-bras droit de Margaret Thatcher.  En traversant l’Atlantique, House of Cards a évolué, tout en conservant certaines caractéristiques. Il y a donc des différences mais aussi des analogies entre les deux versions.

Francis Urqhart

Notons d’abord que les avatars américains sont assez proches de leurs modèles britanniques, bien qu’ils changent de nom : Francis Urquhart devient Francis Underwood (tous deux ont toutefois les mêmes initiales – FU, soit Fuck You), son épouse Elizabeth s’appelle désormais Claire, la journaliste Zoe Barnes prend la place de Mattie Storin, le député Richard Russo succède à Roger O’Neill… Sur le fond, on retrouve également le même thème sous-jacent omniprésent : celui du pouvoir. Comment le conquérir, comment le conserver. C’est le sujet principal de House of Cards – les Urquhart et les Underwood sont assoiffés de pouvoir, prêts à tout pour y accéder et s’y maintenir. Les deux Francis y parviennent de la même manière : trahis par le leader de leur parti nouvellement élu, ils ourdissent leur vengeance, se compromettent dans des crimes, manigancent afin de salir le premier ministre ou le président, qu’ils finissent par pousser à la démission avant de prendre leur place, en dehors du processus électoral traditionnel.

Pouvoir, crime, trahison… L’ensemble a indéniablement quelque chose de shakespearien, quelque part entre Richard III et Macbeth– un parallèle que l’origine britannique de la série rend encore plus évident. Urquhart / Underwood semble souvent jouer un rôle, notamment lorsqu’il s’adresse directement au spectateur dans des apartés faites de grandes formules édifiantes, où il dévoile son vrai visage et où il anticipe en permanence sa stratégie à venir.  L’empreinte de Shakespeare est – logiquement – encore plus explicite outre-Manche où il est cité une bonne quinzaine de fois contre deux seulement chez les Américains. L’une de ces deux répliques n’est pas rigoureusement exacte mais elle sort de la bouche d’Underwood qui paraphrase Marc Antoine dans Jules César  « Pas de quartier ! s’écria celui qui combattait le chaos par le chaos. Et libérez les chiens de guerre. »

A la maison-blanche : les Underwood

Elizabeth et Claire ont quant à elles puisé du côté de Lady Macbeth : ce sont  les épouses qui attisent le désir de vengeance chez leurs maris, les incitant à faire payer la trahison au prix fort et à réparer les torts qu’ils ont subi. Brutales et prêtes à tout sacrifier sur l’autel de leur ambition, les deux femmes occupent une place déterminante auprès des deux héros (quoi que Claire soit plus présente) et les deux couples reposent sur la même dynamique relationnelle – mais House of Cards US  tend à s’en éloigner à partir de la saison 3, donnant à Claire des velléités d’indépendance.  Notons une autre différence essentielle : tandis que Urquhart a bâti sa carrière grâce à la fortune paternelle, c’est à la famille de Claire qu’Underwood doit la sienne puisque c’est leur patrimoine qui a financé ses campagnes.

Il y a donc des points d’achoppement entre les deux versions, mais aussi de nombreuses différences, plus ou moins patentes. La plus évidente tient évidemment au contexte constitutionnel, les intrigues politiques étant subordonnées aux deux régimes distincts – monarchie parlementaire d’un côté, république fédérale présidentielle de l’autre. Sur le plan de la série en elle-même, la principale différence réside dans le ton : la série américaine est plus acide, alors qu’avec un Francis Urquhart pince-sans-rire (notamment dans ses adresses au spectateur), sa cousine britannique développe un ton légèrement humoristique – sans pour autant perdre de vue l’intrigue qui, par contraste, n’en apparaît que plus sombre. Le contexte international joue également un rôle: Underwood se heurte successivement au premier ministre russe, à un homme d’affaires du monde du pétrole, aux Chinois, à un candidat républicain et à des terroristes islamistes; Urquhart fait face au Roi lui-même et au ministre des affaires étrangères Tom Makepeace (dont on notera au passage le nom, qui ne doit rien au hasard), son ancien allié.

Zoe Barnes et Franck Underwood, version UK


D’autres variations sont perceptibles lorsqu’en vient aux autres personnages. On aurait pu revenir sur les ressemblances entre Roger O’Neill et Richard Russo, tous deux sont accrocs à la cocaïne et victimes de chantage et des manipulations de leur leader.  Mais le parallèle le plus intéressant  concerne la relation entre Urquarth / Storin et Underwood / Barnes. Dès le départ, elle est bien différente puisque l’attirance entre les personnages anglais se teinte d’une composante presque incestueuse (Storin surnomme même Urquhart « daddy ») qui la rend beaucoup plus perverse et complexe, quand  Barnes s’offre à Underwood par pur intérêt professionnel. La complexité des liens influe sur la suite : après la mort de la journaliste, Underwood semble peu affecté par son acte (à l’exception d’une réminiscence, lorsqu’il est plongé dans le coma après avoir été victime d’un attentat) tandis que Urquhart n’assume pas le meurtre, qui l’obsède et qui lui revient constamment à l’esprit. Ce point est à souligner, en ce qu’il met en lumière les divergences, subtiles mais fondamentales, entre les deux héros. En cela, cet aspect est bien caractéristique de ce qui rapproche et sépare tout à la fois les deux séries.

Adaptée de la version britannique, House of Cards US en reprend naturellement divers éléments, à commencer par les intrigues des premières saisons, les personnages, et la construction marquée par les apartés du héros. Elle s’en est toutefois éloignée au fil des saisons, par exemple en orientant ses protagonistes vers une autre voie, légèrement divergente… A la fois proches et différentes, les deux séries sont finalement aussi réussies l’une que l’autre – et méritent toutes deux d’être vues, ne serait-ce que parce que, s’inscrivant dans leurs propres cadres politiques et leurs époques respectives, elles illustrent des contextes différents. Mais au final, elles se rejoignent sur un point :  il y a définitivement quelque chose de pourri, dans le fragile château de cartes qu’ont construit nos deux Francis.

A lire aussi : Il était une fois Aaron Sorkin The West Wing

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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