Ikea France se retrouve au coeur d’une affaire d’espionnage de ses employés. Le procès qui vient de débuter, ce lundi 22 mars, doit durer jusqu’au 2 avril. 15 personnes au total se retrouvent sur le banc des accusés.
La plainte est déposée par un employé du magasin Ikea Paris Nord le 29 février 2012 auprès du procureur de Versailles. Le Canard enchaîné et Mediapart avaient publié le matin même des extraits mettant en lumière un vaste système de surveillance illégale et d’espionnage, durant depuis des années au sein de l’entreprise.
Huit ans d’enquête plus tard s’ouvre le procès de la société. Ce scandale révélé en 2012 avait contraint Ikea a licencié 4 hauts responsables. Plus de 70 personnes se sont constituées partie civile pour ce procès. Les prévenus s’exposent à une peine pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison.
On retrouve à la barre 15 personnes, dont d’anciens PDG, directeurs de magasins, responsables de la sécurité est des policiers, accusés d’avoir participé à un système de surveillance des salariés. Ils sont très exactement accusés de « collecte de données à caractère personnel dans un fichier par un moyen frauduleux», « détournement de la finalité d’un traitement de données à caractère personnel », « divulgation illégale volontaire de données à caractère personnel », «violation du secret professionnel ».
Recours à des « détectives privés »
Leurs données personnelles des employés ou candidats à l’embauche auraient été passées au crible, dont leur train de vie, ou leurs antécédents judiciaires. Ces enquêtes privées étaient diligentées par plusieurs magasins de la chaîne pour connaître le profil et les habitudes de leurs employés. Les informations personnelles des salariés auraient été transmise à des sociétés d’investigation privées.
Les courriers électroniques remis au procureur, qui retracent les échanges entre le directeur de la sécurité d’Ikea France et le patron de l’agence d’investigations privées Eirpace ne laissent pas l’ombre d’un doute à ce propos. Jean-François Paris, le directeur de la sécurité d’Ikea France y demande très clairement à l’agence d’enquêter sur des salariés et des candidats à l’embauche dont il envoie les noms, prénoms, dates et lieux de naissance, ainsi que numéros de Sécurité sociale.
Selon l’accusation ce système d’espionnage était en place depuis le début des années 2000 et a pris des proportions énormes. Le 7 novembre 2008, Jean-Pierre Fourès reçoit ainsi un fichier contenant 203 noms pour vérification concernant le magasin de Rouen.
Ces informations auraient été obtenues grâce à un accès à un fichier que seule la police, en théorie, peut consulter : le STIC, système de traitement des infractions constatées. Ce que Jean-Pierre Fourès dément catégoriquement. Étrange. L’ex-directeur du magasin d’Avignon, Patrick Soavi, a quant à lui avoué y avoir eu recours. Son cousin étant commandant de police locale, il reconnait ne pas s’être privé de le solliciter pour en savoir plus sur de potentielles recrues. Quatre policiers accusés de s’être servi illégalement de ce système sont également jugés.
La majorité des magasins français concernés
Brest, Dijon, Toulouse,Hénin-Beaumont, Metz, Rouen, Toulon, Paris. La liste des magasins éclaboussés par cette affaire d’espionnage est longue. « Les demandes d’antécédents provenaient des directeurs de magasin », a expliqué Jean-François Paris lors de l’enquête, mais la consigne générale venait d’en haut, selon lui. « Ma direction était au courant et cautionnait ces demandes. Il ne s’agissait pas d’une démarche personnelle, mais d’un système mis en place à la demande de la direction d’Ikea »affirme-t-il. « Jean-Louis Baillot, le PDG, a demandé à l’ensemble des directeurs de soumettre les nouveaux employés à une recherche d’antécédents ».
Selon Maitre Emmanuel Daoud, l’avocat de l’entreprise, ces accusations ne tiennent pas debout. « Il n’y a aucune qualification pénale relative à un système d’espionnage » argue-t-il, « il suffit de lire les termes de l’ordonnance de renvoi pour s’en convaincre ». «Dire qu’il y avait un système d’espionnage généralisé au sein de cette entreprise c’est faux matériellement et c’est faux juridiquement » scande l’avocat.