Depuis 3 ans, le rapport annuel de l’Inspection générale de la Ville de Paris constate « des données très parcellaires sur les pratiques et les attentes des jeunes, de telle sorte qu’il est difficile d’apprécier l’adéquation des offres aux besoins » et souligne que « l’intervention de la Ville n’est pas orientée autour d’orientations stratégiques claires ». Le rapport précise également « la faiblesse, voire l’inexistence d’indicateurs permettant d’évaluer, au moins quantitativement, les résultats des actions financières ».
L’anecdote pourrait faire sourire tant ces constatations illustrent les disfonctionnements récurrents des arcanes de l’Hôtel de ville. L’observateur rompu aux rouages de l’administration municipale notera qu’en coulisse le maire de Paris ne cache pas son mécontentement vis-à-vis de son adjoint chargé de la jeunesse et du staff qui l’entoure.
En clair, ce révélateur du délabrement des politiques conduites par l’exécutif municipal n’est que la conséquence d’une gouvernance douteuse et d’une endogamie professionnelle favorisée depuis 2001. Si Paris se situe au carrefour de formidables gisements pour stimuler son potentiel créatif, les édiles municipaux, corsetés dans des transactions à la lisière du « communautarisme », se révèlent incapables de concevoir le tissu urbain comme une mosaïque, une mer d’ethnicités, de quartiers, de styles de vie, de dynamiques d’inventivité entremêlés par les jeunes.
S’il est facile de se perdre dans le patchwork urbain que composent Berlin, Seattle, Stockholm, Barcelone ou Shanghai, notre capitale pourtant faite d’identités multiples, ne bat plus au rythme du mouvement perpétuel de la créativité.
Rompus au spectacle assez pitoyable d’auto-promotion, les élus de la majorité parisienne signent un échec cinglant dans la construction de modes innovants d’échange, d’élaboration et de conduite d’initiatives au contact des jeunes parisiens. A l’heure où tant de métropoles européennes s’enrichissent des trajectoires portées par les acteurs Jeunesse, il n’existe aucun espace d’échange, d’incubation et de réflexion propre à la Capitale. Un endroit où les jeunes créateurs, entrepreneurs ou porteurs de projets innovants pourraient s’affranchir des codes de leurs aînés. Une agora où les idées fuseraient pour se réinventer un avenir. Une arène de projets où la ténacité serait enfin récompensée.
« Il faut être irresponsable pour laisser les politiques jeunesse dans un tel état. C’est du low cost ! » s’est récemment exclamé une membre du Conseil parisien de la jeunesse. « N’allez pas dire à ses gens qu’ils détournent de l’argent public, ils vous répondront qu’ils fabriquent du nectar social. » Entre Toronto, Buenos Aires, San Francisco, Shanghai, Le Caire, Valparaiso, Bali ou encore Cardiff, Barcelone, Munich, chaque métropole peut aujourd’hui offrir le portrait d’une jeunesse en réinvention. Or, Paris est véritablement à la traîne sur l’échiquier européen et mondial des métropoles les plus ouvertes à l’énergie d’entreprendre et à la prise de risque fondées sur des caractéristiques humaines audacieuses.
Actuellement, le dispositif municipal « Paris Jeunes Talents » n’a qu’un impact marginal dans l’accompagnement de la créativité des jeunes parisiens. Les subventions accordées aux associations étudiantes sont l’objet d’un clientélisme clairement assumé. Sans oublier le « logement étudiant » à la traîne dans la mandature actuelle.
Pire encore sont les modes de fonctionnement des instances de concertation censées servir de porte-parole collectifs de la jeunesse face à l’institution municipale. Il semblerait que le moindre dossier vaguement regardé se métamorphose en « consultation des 18-25 ans ». Et que chaque réunion de quartier avec des acteurs Jeunesse soit devenue un événement éthique, solidaire voire philosophique … Comment ne pas être consterné par le non-sens des expressions utilisées ?
Pourquoi ne pas cataloguer la plupart des coups de fils reçus par la mission jeunesse de la Mairie de Paris en « conférences téléphoniques » ?
L’inactivité des services de l’adjoint au maire chargé de la jeunesse n’est pas une nouveauté en soi. Lors des états généraux de la nuit initiés par la préfecture de police et les services municipaux, aucune proposition n’a été formulée pour renouer avec l’attractivité événementielle de la capitale et attirer davantage de jeunes européens à venir explorer Paris by Night, à la différence de Londres, Barcelone, Berlin…