Le ministre indien du tourisme conseille aux touristes de ne pas porter de jupe ou de short pour éviter les agressions. Ces propos relancent le débat sur la place de la femme dans la société indienne et remettent la question de la sécurité des touristes au premier plan.
Selon le ministre indien du tourisme, les touristes ne devraient porter ni jupe, ni short, comme il l’a annoncé sur les télévisions locales. Ses services distribueront bientôt un guide des gestes à adopter pour ne pas se faire agresser, dans les aéroports. Ces conseils ont comme objectif, selon lui, de lutter contre les crimes sexuels qui secouent le pays.
Ces propos sont mal passés notamment auprès des ligues de défenses des femmes. La directrice d’un centre de défense des droits des femmes, Ranjana Kumari a tweeté : « Le ministre du Tourisme décide de quand on visite l’Inde ? De ce que les femmes doivent porter ? De ce qu’elles doivent manger ? De quand et où elles doivent sortir ? »
Cet épisode témoigne du sexisme latent dans la société indienne. Nous sommes allés à la rencontre des ces touristes françaises qui ont décidé de passer un séjour en Inde. Elles nous racontent leurs expériences et leur point de vue sur la situation.
Les touristes comme une attraction
Si vous êtes une touriste blanche, aux cheveux blonds et aux yeux bleus, vous risquez de vous faire assaillir de toutes parts dans les grandes villes indiennes. Les Indiens ont développé une fascination pour les touristes occidentaux. Andréa Gomez, pour fêter ses 25 ans, a décidé en juin 2016 de partir en vacance en Inde. Elle témoigne de cette situation.
« Les Indiens adorent prendre des photos avec des étrangères. Ils ont développé une fascination pour les occidentaux. La plupart du temps je refusais les photos, simplement parce que certains Indiens s’en servent pour se vanter d’avoir couché avec des étrangères. Du coup je ne voulais pas entretenir ces mythes et je refusais. Aucun Indien ne m’a cependant insultée ou menacée, lorsque je disais non à l’un d’entre eux, il s’en allait. »
Une société en mutation
Cassandre Ballan qui est partie durant 4 mois en Inde pour ses études de commerce, confie qu’elle ne se sentait pas à l’aise au début lorsqu’elle sortait dans la rue en short.
« Au début, on est un peu tendu, je n’osais pas trop sortir avec les jambes à l’air. Je faisais attention à ce que je mettais. Cependant au bout d’un moment j’ai commencé à mettre des t-shirt, des shorts et des débardeurs. Forcément tu as des regards, bizarrement ça vient autant des femmes que des hommes. Mais ces regards, ils ne sont pas plus nombreux qu’en France. »
Sophie Piot* a 21 ans, elle a passé 3 mois en Inde pour un stage. Pour elle, la société indienne est en train de changer, en prenant comme exemple les occidentaux. « Les boîtes de nuit privées et payantes présentent généralement une autre facette de l’Inde. Là-bas on peut plus facilement porter des habits courts ou moulants. Ces établissements sont fréquentés par des classes élevées qui sont de plus en plus influencées par le monde occidental. »
Les mentalités semblent donc changer en Inde, petit à petit la société s’ouvre. Cependant, le gouvernement indien très conservateur ne semble pas prêt à voir la libération des femmes. En témoignent les récentes déclarations du ministre du tourisme indien.
Une société patriarcale
A 20 ans, Célia Morel a décidé de partir avec une association en Inde. Elle nous parle justement de ce climat de tension dans le pays.
« On a beaucoup d’apriori et les déclarations récentes du ministre du tourisme n’aident pas. Je faisais attention à ne pas sortir seule dans la rue. Sortir en groupe ça rassure. On a peur d’être agressée parce qu’on cultive cette peur. Quand je vois que le ministre indien du tourisme veut distribuer une guide « de ce qu’il faut faire où ne pas faire » aux touristes dans les aéroports, ça me choque. Quelle image cela renvoie du pays! Vous êtes accueillis et on vous signale tous de suite que vous ne devez pas porter de jupes sinon vous allez vous faire agresser. En Inde on cultive cette peur. Tout est bon pour garder les femmes dans le droit chemin. »
En Inde on cultive cette peur.
Andrea Gomez ajoute: « Beaucoup d’hommes m’ont déjà demandé pourquoi j’étais habillée ainsi (short et tshirt). Dans le pays on a une vision très rétrograde des agressions sexuelles. Si une femme a été agressée c’est peut-être à cause de ses habits… voilà comment la plupart des Indiens réfléchissent. Si elle se fait agresser la victime est coupable car elle l’a cherché. »
En 2013, six hommes avaient été arrêtés après avoir violé collectivement une touriste suisse. Ces évènements questionnent la capacité du gouvernement indien à garantir la bonne sécurité des touristes étrangers.
*Nom modifié