Emilie de Turckeim n’écrit pas pour la postérité. Ce qui l’intéresse, c’est ce qui se passe tout de suite et maintenant. Et là, c’est l’histoire d’une Sainte qu’elle nous raconte dans son dernier roman paru en septembre aux Éditions Héloïse d’Ormesson.
Sa biographie. Diplômée de droit français et anglo-américain à l’université de Nanterre, Emilie de Turckeim entrera par la suite à l’école doctorale de Sciences Po pour étudier la sociologie. De 2005 à 2007, elle sera financée par l’Agence Nationale de Recherche sur le Sida pour écrire sa thèse sur la sexualité des jeunes homosexuels et leurs comportement de prévention vis à vis du virus. Son roman, Les Amants Terrestres (en 2005, aux éditions du cherche-midi, ndlr) sera le premier d’une longue série. La jeune écrivain publiera huit romans en 6 ans, et sera vite connue pour son style cru et sans langue de bois.
Une Sainte. C’est l’histoire d’une héroïne qui veut devenir une Sainte. Elle s’occupe d’un vieux monsieur, de son chat, de sa mère malade en maison de repos, et visite un prisonnier chaque semaine. Elle évolue dans un univers à la mi-chemin entre la réalité et le conte de fée, dans lequel: quand des jumelles se font avaler de moitié par un python, le docteur recoud une enfant à partir des deux moitiés ; Marie est une actrice porno ; Roméo et Juliette sont un vieux couple ; l’herbe est peinte en vert tous les jours, et quand il pleut il faut la repeindre à nouveau. Le récit est émaillé de fables, de mini histoires racontées pour la mère malade, et est chargé de questions métaphysiques.
Emilie de Turckeim arrive en avance pour l’interview, toute effervescente, avec sous son bras un sac à main décoré d’un (vrai) playmobil. Lorsque je la complimente sur son petit bonhomme, elle m’avoue qu’il était mieux avant, quand il avait encore son sombrero jaune. Je lui dis que ce n’est pas grave, et qu’il est très bien même sans son chapeau.
Tout marche par deux dans votre roman. Les personnages, qu’ils soient frères, sœurs, en couple, ou simplement amis sont à deux. Et chaque événement ou action a son pareil, comme si chaque chose était systématiquement reflétée dans un miroir.
Tout à fait. Mon roman se situe en fait dans un monde en équilibre, où il faut donner pour recevoir en retour.
Pourquoi veut-elle être une sainte à tout prix?
Parce qu’elle est fascinée par la religion, c’est une sorte de rêve qu’elle veut accomplir.
Il y a t’il un lien entre la religion et le fait de visiter des prisons?
En fait oui. Les visiteurs de prisons, lorsqu’ils discutent avec les prisonniers ont une sorte de pouvoir sur eux, et il en est de même pour les prêtres lors de la confession.
Comme votre héroïne, vous avez été visiteuse de prison.
Oui. Je le suis depuis 2004, au centre pénitentiel de Fresnes.
Pour quelle(s) raison(s) avez-vous commencé?
La curiosité. J’y pensais souvent, et en fait la prison est l’endroit où on est abandonné à la perfection. Ce sont les bois sombres des contes de fée. Je voulais les aider.
Qui sont vos auteurs préférés?
Les auteurs impressionnistes, comme Virginia Wolf. Je préfère quand le lecteur est acteur, et qu’il interprète à sa manière le livre. Je pense que c’est comme ça que les livres sont bien lus.
Je cite votre roman: « Art de la négociation, faculté d’empathie et de miséricorde sont de rares qualités dans le règne animal. »
Mon roman évoque aussi les lois humaines et les lois de la nature. Les animaux sont jugés comme des hommes (ndlr: voir le procès des deux pythons dans Une Sainte) et vice versa.
Avez-vous des idées de thèmes pour votre prochain roman?
Oui, j’ai envie d’écrire sur l’Amérique latine et les modèles. Emilie de Turckheim est modèle vivant pour des peintres et des sculpteurs, une expérience qu’elle relate dans La Femme à modelée paru en 2012, ndlr.
Quels sont vos projets en cours?
L’adaptation de mon roman le Joli Mois de mai (2010, aux éditions Héloïse d’Ormesson, ndlr) en film.
Emilie de Turckeim était l’invitée des As du placard. Réécoutez l’émission en cliquant ici.