Le mercredi 4 janvier, le Sergent israélien Elor Azaria a été reconnu coupable d’homicide et encourt jusqu’à 20 ans d’emprisonnement. Une décision judiciaire qui fait polémique dans le pays et qui pourrait amener à une grâce présidentielle pour le soldat.
Un verdict très attendu
Les versions divergentes délivrées par le Sergent Elor Azaria lors de son procès n’auront pas joué en sa faveur au tribunal. Condamné ce mercredi 4 janvier pour homicide volontaire, le soldat risque jusqu’à 20 ans de prison.
Retour sur les faits. Le 24 mars dernier, Abdel Fattah al-Sharif, un palestinien de 21 ans, a attaqué au couteau des soldats israéliens dans la ville d’Hébron, en Cisjordanie. Mis hors d’état de nuire et entouré d’une dizaine de militaires, le jeune palestinien est allongé par terre, blessé, lorsqu’un soldat israélien s’approche de lui et lui tire une balle dans la tête à bout portant. Une scène entièrement filmée et postée sur les réseaux sociaux qui a suscité une réelle émotion dans le monde arabe mais pas que. « Un acte horrible, immoral et inique », avait été notamment dénoncé par l’envoyé spécial de l’ONU au Proche-Orient. Elor Azaria, âgé de 19 ans au moment des faits, a été jugé coupable d’homicide devant un tribunal militaire israélien mercredi 4 janvier. Une sentence lourdement critiquée par une partie de la population israélienne.
Une société israélienne divisée
La condamnation du Sergent fait la Une des journaux israéliens, qui consacrent une grande importance à cette affaire. L’opinion publique est divisée et des tensions se font sentir en Israël. Entre ceux qui plaident pour le respect par l’armée de valeurs éthiques et ceux qui voient le soldat comme « un héros qui a protégé son peuple », le débat reste compliqué. En effet, les supérieurs hiérarchiques d’Elor Azaria brandissent le code éthique qui impose originellement à Tsahal, l’armée israélienne, de strictes consignes de tir et le concept de « pureté des armes ». Moshé Ya’alon, vice-ministre de la défense, ainsi que Gadi Eisenkot, général et chef d’état-major, ont condamné ce geste, contraire à la morale de l’armée de Tsahal selon eux. Seulement, une grande partie de la population n’est pas de cet avis puisque selon un premier sondage, 67% des Israéliens souhaitent voir le Sergent de 20 ans gracié selon le quotidien progouvernemental, Israel Hayom. Une bonne partie de la classe politique est également de cet avis quitte à, parfois, sombrer dans le populisme. Ainsi, l’actuel ministre de la défense israélienne, Avigdor Lieberman, a déclaré : « Mieux vaut un soldat vivant à la gâchette facile qu’un soldat tué pour avoir hésité à ouvrir le feu ». Naftali Bennett, ministre de l’Éducation, a même proposé de décorer Elor Azaria pour son geste. 55 000 personnes se sont insurgées du verdict contre « l’un de leurs enfants qui s’exposent pour les protéger contre le terrorisme » sur les réseaux sociaux pendant que 18 000 autres signaient une pétition réclamant la grâce du soldat. De nombreuses manifestations réclamant la grâce de ce dernier ont lieu dans Tel-Aviv depuis l’annonce du tribunal. Les menaces et messages haineux ne cessent de se multiplier à l’égard des trois juges militaires qui ont déclaré le Sergent coupable. La sécurité a été renforcée autour de ces derniers, menacés de mort, selon les médias.
Un État dans l’embarras pour la grâce présidentielle
« Les soldats sont nos fils et nos filles », a écrit le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, positionné de manière ambigüe dans cette affaire. S’il condamne, d’une part, le geste du soldat en dénonçant tout d’abord « des agissements contraires aux valeurs morales » de Tsahal dans un communiqué, il passe ensuite un coup de fil au père du soldat à qui il a dit « ressentir sa douleur ». De plus, il est désormais le premier à réclamer la grâce présidentielle. En effet, si la grâce présidentielle est acceptée, c’est l’image de toute une armée qui se veut et dit exemplaire et d’un État qui sont en jeu. Depuis septembre 2000 et le début du deuxième Intifada, plus de 250 enquêtes ont été ouvertes par l’armée israélienne à la suite de décès de Palestiniens et seuls 17 de ces dossiers ont conduit à des poursuites militaires selon une organisation israélienne de défense des droits de l’homme. En l’espace de 16 ans, seulement 7 soldats israéliens ont été condamnés suite au décès volontaire de Palestiniens. La condamnation du soldat est ainsi une bonne occasion pour l’armée israélienne de prouver qu’elle est capable de juger objectivement les abus commis par ses soldats. En effet, si la grâce présidentielle était exercée pour cette affaire, l’identité et la crédibilité de l’armée israélienne pourraient être remises en question.