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Japon : le grand défi de Monsieur Abe

Largement victorieux aux élections sénatoriales ce dimanche 21 juillet, les japonais confirment la confiance qu’ils ont en leur nouvel élu, Shinzo Abe, élu fin 2011 à la tête de l’archipel nippon. Suivi d’une large majorité parlementaire, Abe a désormais un boulevard devant lui pour les 3 prochaines années, histoire de mettre en place comme il le souhaite sa révolution économique.

 

Le grand pari monétaire

C’est bel et bien une révolution monétariste à laquelle font face les japonais, pour une politique pourtant keynésienne. C’est l’idée, expressément théorisé par Keynes entre autres, de pouvoir relancer l’économie par des politiques monétaires. L’objectif est complètement historique, ce pourquoi il est encore difficile de déceler la réussite ou non d’une telle politique. C’est tout le courant monétariste qui a aujourd’hui les yeux rivés vers le Japon, la théorie quantitative de la monnaie étant l’indicateur qui a poussé les japonais à s’engager dans cette réforme. Cela suppose ainsi des anticipations adaptatives de relance de la consommation, auxquelles keynésiens et monétaristes souscrivent, et ce sur quoi le Japon pari aujourd’hui.

Inscrit à plus de 70% d’opinion favorable, Shinzo Abe doit cela en grande partie à sa politique économique ambitieuse, qui prévoit donc une injection massive de monnaie (doublement des liquidités japonaises d’ici). Par cette dévaluation massive, le pays chercher désormais l’inflation, coûte que coûte ! L’inflation pour relancer la consommation par anticipation des ménages, et à terme pour désendetter le pays.

Un pays dont la dette atteint des niveaux record, à plus de 250% du PIB, soit plus de 10 000 milliards d’euros, un gouffre financier, irréversible pour certains.  Mais l’avantage qu’a le Japon là-dessus est qu’il est le seul est unique à détenir cette dette. Il n’y a ni investisseur étranger, ni investisseur privé. C’est-à-dire qu’en cas de difficultés sur cette dette, ce sera au contribuable japonais de payer. Ce qui avantage considérablement le pays sur les marchés financiers, et leur permet de mettre en place une telle politique, là où en Europe la BCE peine à freiner l’accroissement des dettes souveraines et où les taux d’emprunts sont parfois très élevés (plus de 6% au Portugal, en Espagne, en Grèce).

En revanche, comme toute politique inflationniste, il faut savoir voir le bout. Car les japonais semblent prendre exemple sur les américains, et c’est justement ce qu’il ne faut pas faire. Là le Japon sera face à un grand défi, celui de couper les robinets (de liquidités) au moment où il le faudra. C’est pourquoi le Japon fait véritablement face à un moment historique : celui du redressement, ou celui de l’hyperinflation, soit deux chemins radicalement opposés, dont l’un se dessinera prochainement.

Et les effets de ce changement de paradigme sont déjà en marche. L’empire du Soleil-Levant se réveille. La croissance a, courant 2013, dépassé les 4%, ce qui fait du pays l’économie la plus dynamique du G7. Près de 900 milliards d’euros ont déjà été injectés. En outre le gouvernement prévoit d’injecter annuellement l’équivalent de 400 à 500 milliards d’euros.

Les prix à l’importation ont, eux, augmenté de plus de 30%. Mais cette politique a au moins eu le mérite d’alimenter un excédent courant qui ne fait que se réduire depuis plusieurs années grâce au retour sur les investissements réalisés à l’étranger. En revanche, s’agissant des exportations et de la demande intérieure, qu’il compte relancer, les effets se font encore attendre. Le gouvernement s’attaquera d’autre part à une série de réformes structurelles, notamment concernant les droits du travail jugés trop protecteur par les entrepreneurs du pays.

 

La diplomatie raffermie, le nucléaire oublié

Sur le plan diplomatique, le premier ministre, entré en fonction fin décembre 2012, table sur une fermeté à l’égard des pays de la région, notamment de la Chine. Si sa politique de relance augmente considérablement les prix à l’importation, c’est aussi notamment pour se désengager progressivement de pays comme la Chine, et retrouver de l’indépendance en termes de production. Rien de paradoxal donc pour le nationaliste qu’il est. Et pour le coup, cela semble aussi aller dans le sens de l’opinion publique japonaise.

Autre sujet, qui risque cette fois de coûter en popularité à Shinzo Abe : la stratégie en matière d’énergie. Vraisemblablement pro-nucléaire, il avait reporté, début 2013, à plus tôt la remise en route des 48 réacteurs encore à l’arrêt depuis la catastrophe nucléaire de Fukushima. Car pour faire face à des besoins en énergie qui n’ont pas changé, le pays a dû redémarrer des centrales au fuel, au gaz et au charbon. Des énergies fossiles qu’ils sont obligés d’importer, renchérissant une facture énergétique devenue telle que le Japon, habitué aux excédents commerciaux depuis des décennies se retrouve depuis deux ans en déficit commercial chronique. Malgré son impopularité, cette remise en route est vitale pour l’économie de l’archipel. Malgré ce qu’en dit l’épouse même du Premier ministre, qui s’était publiquement opposé à son mari.

 

Le retour au nucléaire semble donc nécessaire à un Japon qui continue de battre le record de dette publique en termes de PIB, surtout à un tel moment de transition économique. Ou du moins temporairement. Ce qui est clair, c’est que le Japon est face à un tournant historique. Certains économistes pensent que nous assistons au déclin économique du pays, comparant même cette situation à la république de Weimar au moment de l’hyperinflation en Allemagne. D’autres pensent que le pari peut fonctionner, à condition bien sûr de fermer les vannes au moment propice. C’est précisément le point clé de toute cette politique économique, et ce qui fera son succès, ou non ! A suivre donc.

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