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Le Japon : une terre de cataclysmes

Seulement trois ans après la catastrophe nucléaire de Fukushima, provoquée par un séisme de magnitude 9 puis un tsunami de plus de 30 mètres de hauteur, le Japon est à nouveau touché par un énième péril climatique: le typhon Neoguri. Et il pourrait, une fois encore, faire subir au pays du Soleil Levant de lourds dégâts matériels et humains.

Depuis plusieurs jours, le Japon est le théâtre de pluies torrentielles présageant l’arrivée imminente du typhon Neoguri sur la capitale nippone, Tokyo. Ce cyclone tropical a déjà atteint les côtes de la préfecture de Kagoshima sur l’île de Kyushu, à un millier de kilomètres au sud-ouest de Tokyo. Se déplaçant à une vitesse de 30 km/h, il ne devrait pas tarder à s’abattre sur la ville la plus peuplée du Japon (plus de 13 millions d’habitants). Une monstrueuse force de la nature qui devrait être suivie de vents violents (jusqu’à 250 km/h), d’une vague de 14 mètres de haut et de coulées de boue, qui ont d’ores et déjà fait une victime (un enfant de 12 ans). Ainsi, près de 590 000 personnes ont dû être évacuées et plus de 200 vols annulés. Tout le pays est en alerte –une réunions gouvernementale du ministre chargé des catastrophes a même eu lieu ce jeudi matin à 10 heures, heure locale (soit 3 heures du matin en France)–alors que les cyclones tropicaux sont légion dans la région. Néanmoins pas d’une telle intensité, et surtout pas au mois de juillet.

Parcours du typhon Neoguri.

Parcours du typhon Neoguri.

Une contraignante géographie…

Mais « ce typhon se mêle au front d’eau habituel de la saison des pluies, ce qui entraîne une forte instabilité et des précipitations sur l’ensemble du pays avec des pics terribles», expliquait ce matin une météorologue du premier média japonais, NHK. En effet, le Japon fait partie de la zone –allant de l’Inde au Sud-Est de la Chine– qu’on nomme Asie des moussons et qui, comme son nom l’indique, est arrosée par de très abondantes précipitations en été. Et les typhons qui se forment donc à cette période ont de plus grandes chances d’être dévastateurs.

Ainsi, sur les 45 cyclones tropicaux que l’on dénombre en moyenne chaque année dans le monde, 17 se forment dans le nord-ouest du Pacifique, aux abords du Japon. Du fait que les eaux du Pacifique sont les plus chaudes au monde (jusqu’à 30°C), ce qui facilite la naissance des typhons. Mais également parce que l’archipel, très étendu –il va de la latitude de Montréal à celle de la Nouvelle-Orléans– connaît de considérables contrastes climatiques : on passe d’un hiver froid avec de la neige à un climat tropical et très chaud l’été. De même, les montagnes, abruptes et morcelées, occupant plus de 85 % du territoire, l’essentiel de la population se concentre sur les littoraux, plus touchés en cas de catastrophes climatiques, et notamment de raz-de-marée.

De tout temps le Japon a subi des tsunamis, comme en témoigne cette estampe japonaise du XIXe siècle.

De tout temps, le Japon a vu ses côtes noyées par des tsunamis, comme en témoigne cette estampe japonaise du XIXe siècle.

D’ailleurs, selon une étude coréenne publiée le 15 janvier 2014 et s’appuyant sur cinq bases de données dans le Pacifique nord-ouest entre 1977 et 2010, les typhons ont aujourd’hui tendance à être à leur intensité maximale à l’approche des côtes japonaises. Les auteurs de l’étude avancent comme principale raison l’augmentation de la température de surface de l’océan Pacifique due au changement climatique ainsi qu’à une concentration humaine trop importante et dont l’activité participerait à la fragilisation de l’espace et de l’environnement. Toutefois, les projections climatiques prévoient que le changement climatique entraînera une légère baisse du nombre de cyclones, bien que dans le même temps ceux-ci s’en trouveront intensifiés en termes de puissance.

… qui conduit à un passé meurtrier

Le Japon serait-il un terrain propice aux catastrophes naturelles ? Il semblerait donc, et a fortiori lorsqu’on fait l’historique des drames climatiques que le pays a connu. Le premier cataclysme notable remonte à l’an 887, quand une violente secousse sismique mena à un désastre humain. Le Japon se situant au carrefour de trois plaques tectoniques, il s’y produit en moyenne 1 500 tremblements de terre par an. Dans la même veine, on peut aussi citer celui du 1er septembre 1923, dans la région de Tokyo-Yokohama, qui fut suivi d’un incendie et d’un tsunami. Il détruisit les trois quart de Tokyo et fit plus de 100 000 victimes. Ou encore celui de Kobe en janvier 1995 (5000 morts) et le séisme du 11 mars 2011, qui a causé la mort directe de 1 607 personnes et le décès indirecte (conséquences du stress et des radiations émises par l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima) de 1 656 âmes.

Mais l’archipel est également une véritable terre de feu puisqu’il compte près de 70 volcans en activité. Soit 10 % du total mondial alors que, de superficie, le Japon représente à peine 1,4% de la planète ! Conscients de cette multitude volcanique et du risque permanent encouru si ceux-ci se réveillent, les Japonais apprennent, dès le plus jeune âge, les exercices de simulation, de premiers secours et d’évacuation. En somme, la peur et l’anticipation font, depuis toujours, partie de leur culture. Malheureusement, cette préparation ne suffit pas toujours et, en 1792, lorsque le mont Unzen (volcan situé sur l’île de Kyushu) est entré en action, plus de 14 500 personnes ont trouvé la mort.

Le 18 août 2013, le volcan Sakurajima (sur l'île de Kyushu) entre en éruption.

Le 18 août 2013, le volcan Sakurajima (sur l’île de Kyushu) entre en éruption.

La population japonaise court moins de risques que celle du Pérou

Bien que le Japon soit donc dans la liste des pays les plus soumis aux catastrophes naturelles, les dommages qu’il subit pourraient être bien pires s’il faisait partie du Tiers Monde. En effet, la transformation d’un phénomène naturel en catastrophe dépend en grande partie du niveau de vie des pays et des populations concernées. Pour preuve, la majorité des 10 000 victimes du tremblement de terre de Mexico, en 1985, se trouvait dans les quartiers populaires. Et si l’on compare, par exemple, le cas du Japon et celui du Pérou, deux pays situés dans des zones de forte sismicité, le constat est d’autant plus évident : entre 1960 et 1981, le Japon a subi 43 tremblements de terre et autres catastrophes naturelles ayant causé au total 2 700 morts. Soit une soixantaine de victimes par événement. Alors qu’au Pérou, sur cette même période, on dénombre 31 catastrophes, qui ont causé 91 000 victimes. Soit en moyenne 2 900 décès à chaque drame.

De tels exemples sont nombreux et démontrent que la proportion dommageable causée par des catastrophes naturelles n’est pas dû qu’au hasard. Mais que, comme en économie, l’inégalité des moyens face aux risques entre pays du Nord et pays du Sud, fait que les riches ont plus de chance de survie que les pauvres. En effet, les populations les plus démunies sont souvent contraintes de s’installer sur les terres les moins sûres, car elles ont l’avantage d’être gratuites ou avec un loyer modique. Des zones qui sont soit inondables, soit menacées par des glissements de terrains en cas de séisme ou de pluies diluviennes, soit encore situées à proximité de volcans mais dont les sols sont particulièrement riches en vue de cultures agricoles. Et, comme si cela ne suffisait pas, l’habitat inadapté, sans fondations stables ou antisismiques, est aussi un facteur supplémentaire d’aggravation des dégâts causés.

Mais le pire dans ce cercle vicieux faiblesse économique/catastrophes climatiques est que ces dernières représentent à leur tour un frein considérable au développement des pays sinistrés, car il faut parfois plusieurs générations pour réparer les dommages qu’elles provoquent. Ainsi, au Nicaragua, les ravages engendrés par le séisme de 1972 ont représenté 209% du PNB (Produit National Brut). Et le tremblement de terre de Mexico, en 1985, a fait 4,3 milliards de pertes et alourdit la dette du pays de 15%. Espérons alors que le présent typhon Neoguri n’aura donc pas un tel impact, humain et financier, sur le Japon.

 

Une mère et sa petite fille se recueillent sur la côte d'Iwaki, près de Fukushima. © Kim Kyung-Hoon/Reuters

Une mère et sa petite fille se recueillent sur la côte d’Iwaki, près de Fukushima. © Kim Kyung-Hoon/Reuters

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