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INTERVIEW – Kevin Razy, humoriste citoyen

Dans le cadre de son spectacle «Mise à Jour», nous nous sommes entretenus avec Kevin Razy. Youtubeur, humoriste et bientôt acteur, l’homme aux multiples casquettes nous délivre avec modestie les clés de son succès grandissant.

RVL : À la rentrée vous allez revenir avec une version remaniée de votre spectacle, est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus ?

Cette version remaniée de mon spectacle «Mise à jour» va me permettre de me détacher de l’humour dit «d’observation» pour me recentrer sur des choses qui me touchent et qui touchent les gens. Je parlerai de sujets de société un peu plus «touchy». C’est une évolution.

Dernièrement, la vidéo de votre sketch «Les attentats et Daesh» a fait grand bruit. Vous y critiquiez notamment le traitement des attentats par BFMTV. Comment est né ce sketch ? Comment expliquez-vous ce buzz ?

Mes sketchs partent toujours d’une réflexion personnelle. Lors des attentats de Charlie Hebdo, nous avons atteint l’apogée du grand n’importe quoi de l’information en continu dont je n’ai jamais été fan. L’idée d’en parler sur scène m’est donc venue naturellement.

J’ai été surpris par l’avis des gens, le sketch leur faisait du bien. Un gars qui se trouvait sur la promenade des anglais le 14 juillet m’a expliqué qu’il ne pensait pas pouvoir rire un jour de ces évènements et qu’il me remerciait. C’est dans ces moments que tu te rends compte que le travail d’humoriste est utile, limite médical.

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Vous avez récemment confié que vos parents auraient préféré que vous ne fassiez «pas de vagues en France». Pourquoi, et ce malgré leur avis, avez-vous cette volonté de vous engager, de «mettre à jour» la société ?

Mes parents ont un peu peur parce qu’à l’île Maurice, lieu de leur naissance, les gens ne sont pas très à l’aise avec la critique du gouvernement. Je les comprends mais je ne veux pas parler de choses insipides constamment. J’aime attiser la curiosité des spectateurs, entrouvrir des portes.

Selon vous, l’humour est-il une meilleure arme que la politique pour délivrer un message social ?

L’humour est un vecteur bien plus fort que n’importe quelle campagne politique. Le rire est commun à tout le monde. J’aime bosser avec des universitaires et des journalistes pour traiter certains sujets. Mon but est de vulgariser les choses mais je dois être sûr de ce que j’avance.

Est-ce que vous vous imposez certaines limites ? Comment trouver un équilibre entre l’humour léger et le message parfois lourd de sens ?

L’expérience aide car cela fait dix ans que je fais de la scène et que j’écris pour d’autres. À force on voit ce qui plaît ou pas. En ce qui concerne les limites, je sais que je peux me permettre de dire plus de choses que d’autres sur scène car j’ai l’air du nounours un peu doux. Le capital sympathie entre en jeu.

Vous êtes à la fois Youtubeur et artiste sur scène. Quelles différences faites vous entre les deux ?

La scène, c’est la performance. Si le sketch foire, tout le monde le sait ! On est limité par l’imaginaire des gens alors qu’en vidéo on a une large palette. On peut faire du «FaceCam», des parodies de clips, des productions très léchées comme au «Studio Bagel». Mais, malgré tout cela, mon premier amour reste la scène.

Kevin Razy

Vos vidéos font souvent le buzz. Avez-vous une recette magique ?

C’est vrai que j’ai en moyenne une vidéo par an qui fait parler d’elle, ce n’est pas donné à tout le monde. Mais, il n’ y a pas de recette. Quand je pense qu’une de mes vidéos va marcher elle ne fonctionne pas et inversement. Du coup, plus le temps passe et moins je fais de vidéos car j’ai peur de décevoir. Pour progresser, je pense qu’il faut se remettre en question perpétuellement, lire les avis constructifs et regarder ce qu’il se passe ailleurs.

Vous êtes très proche de vos fans que vous appelez affectueusement vos «samoussas». La célébrité ne vous monte donc pas à la tête ?

Non, car j’ai eu une célébrité très lente et très progressive. Ce qui m’arrive aujourd’hui est la récompense d’un travail entrepris depuis dix ans. Je dis souvent que la célébrité a cinquante étages où certains ont pris l’ascenseur et moi l’escalier. Du coup, j’ai les genoux solides. J’ai eu le temps de m’attacher à mes samoussas puis je suis un maniaque des notifications. J’aime débattre et même qu’on me corrige pourvu qu’il y ait de l’échange. Voir un jeune de 15 ans qui se stimule grâce à mes prises de position, ça me porte !

Vous êtes d’ailleurs très sensible aux dérives de la jeunesse hyper connectée, n’est-ce pas ?

Les jeunes se sont déconnectes des valeurs des jeunes de ma génération. Avec les réseaux sociaux, tout va trop vite, on ne sacralise plus rien. Délirer avec ses potes c’est cool mais il faudrait essayer de se reconnecter avec des choses importantes. Beaucoup disent que je ne suis pas légitime pour tenir ce type de discours alors que je ne suis pas né humoriste tout comme un boulanger n’est pas né avec un rouleau de pâtisserie. En tant qu’homme et citoyen français j’ai le droit de parler de la vie en société. En plus, mon métier a parfois plus d’influence que celui des hommes politiques. Si Mister V prend position demain à propos d’un sujet, il aura plus de poids qu’un gars d’Europe Écologie Les Verts.

Votre CV est bien rempli, que vous reste-il à accomplir ?

Je rêverais d’avoir ma propre émission comme « Le Petit Journal ». Puis le cinéma, bien sûr. Je viens de tourner un film avec Ahmed Sylla, « L’Ascension », qui sortira bientôt. Ce sera une bouffée d’air frais !

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