Et voilà, ce qui devait arriver est arrivé. La fin d’une époque. Une chute, la deuxième après l’Euro serbe l’an dernier. La France du handball doit se résoudre à tourner une page de son histoire. La défaite face à l’ennemi historique croate (23-30) hier soir sur le parquet de Saragosse est l’épilogue de près de cinq ans de bonheur. Une aventure, celle des « Experts », débutée à Pékin lors des jeux olympiques de 2008. La Chine, théâtre du début de l’histoire. La suite de la génération des « Costauds » champion d’Europe en 2006 en Suisse, le début d’une ère de domination mondiale quasi-ininterrompue. Mais hier à la fin de la rencontre, les « Experts » ont quitté la scène dans l’ombre,la mémoire du français reste éternel mais la reconstruction au lendemain de l’échec espagnol sera longue et semée d’embuches. Didier Dinart et Daouda Karaboué ont mis un terme à leur carrière internationale, et la relève peine à arriver même si l’émergence de petits nouveaux comme Valentin Porte laisse entrevoir un soupçon d’espoir.
Ce championnat du monde en Espagne a été la troisième grosse compétition internationale en un an après le championnat d’Europe raté en Serbie et les Jeux Olympiques de Londres cet été. La marche de trop pour les troupes de Claude Onesta en poste depuis 2001. Les cadres se sont montrés beaucoup trop absents tout au long de la compétition à l’image du meilleur joueur du monde, Daniel Narcisse. Les jambes étaient lourdes, la tête ailleurs. Les « Experts » se sont reposés sur leurs acquis structurés depuis la campagne olympique de Pékin, sans se forcer depuis le début du championnat du monde. Et la France a chuté, lourdement, hier en quart de finale face aux Croates, une équipe face à laquelle les français réussissaient bien (en finale au mondial 2009, 24-19, et lors de l’Euro 2010, 25-21). Les Bleus ont perdu le combat opposé dès les premières minutes de jeu à l’image du KO infligé par Drago Vukovic à Xavier Barachet. Le gardien croate, Aliovic, a été intenable et sur la fin la formation de Slavko Goluza a donné une leçon de hand à des troupes tricolores en perdition (6-2). Pour la première fois depuis 1999, la France n’atteindra donc pas les demi-finales d’un mondial.
La fin d’une époque est également l’occasion d’une petite rétrospective du chemin parcouru depuis quatre ans. Une équipe où sont passés quatre meilleurs joueurs du monde, Thierry Omeyer, Nikola Karabatic, Daniel Narcisse et Bertrand Gilles. Les « Experts » restent et resteront l’une des plus grandes équipes de tous les temps. La seule formation de l’histoire à conserver un titre olympique dans son sport (Pékin 2008 et Londres en 2012), et également l’unique à détenir en même temps trois titres internationaux majeurs (JO 2008, Mondial 2009, et Euro 2010). De Pékin à Londres, les Bleus de Onesta ont remporté cinq titres sur leurs six compétitions disputées. On a donc au bilan : des jeux olympiques chinois sur le sommet du monde, où tout le monde a encore en mémoire le 25e but de la demi-finale, le but décisif de Daniel Narcisse face à la Croatie pour s’imposer sur le fil (25-23) et atteindre sa première finale olympique où les « Experts » s’imposeront tranquillement sur l’Islande (28-23) ; le mondial Croate de 2009, l’éclosion au poste d’arrière de Xavier Barachet, et du pivot du Paris Handball, Cédric Sorheindo, pour en apothéose disposer de l’hôte de la compétition en finale 24-19 ; la confirmation un an plus tard à l’Euro 2010 face aux même croates (25-21) ; et enfin, le championnat du monde 2011 au Danemark. Le plus difficile. Dans la salle surchauffée de Malmö, la victoire face aux Danois, à la maison, après des prolongations interminables (37-35).
Mais voilà, cette équipe n’est pas imbattable. Et la France du hand va s’en rendre compte lors de l’Euro serbe de 2012. Une défaite inaugurale face à l’Espagne (26-29), et une autre face à la Hongrie (23-26) lui offre l’accession au second tour sans le moindre point au compteur. Un nouveau revers face à la Slovénie (26-28) et contre la Croatie (22-29), viendront ponctuer l’aventure serbe malgré le nul final face à l’Islande (29-29). Les joueurs de Claude Onesta ne trouveront jamais le déclic, et ne disputeront pas de matches de classement. Un échec passager pense-t-on, et les jeux de Londres viendront confirmer cette appréhension. Une préparation parfaite, et une campagne ponctuée par une victoire face à la Suède en finale (22-21). Un deuxième titre olympique et de l’espoir pour la suite, un renouveau. On pense alors que l’Euro 2012 n’est qu’un mauvais souvenir, mais on connait la suite.
« Ce qui nous a manqué, c’est le rythme. Les autres équipes ne jouent pas forcément vite mais s’engagent. Or, il n’y a rien de tout ça en équipe de France. Les tauliers ont été tellement absents. Je ne sais pas si ça va être un début de réflexion de la part de la fédération. Toutes les équipes, à part l’Espagne, qui a gardé l’ossature des Jeux Olympiques, en ont profité pour renouveler leur effectif. La Croatie n’a pas pris Ivano Balic. Elle ne joue plus en marchant, en portant le ballon. Les joueurs montent plus vite maintenant. Mais, nous, on n’a rien fait. C’est le syndrome de la Suède. Cette dernière avait implosé en 2002, après avoir été championne d’Europe. Elle n’avait pas su renouveler son équipe. Et, là, nous sommes en train de réaliser la même chose. » le constat, au lendemain de la défaite face à la Croatie, tiré par l’ancien entraineur Daniel Constantini dans le quotidien « L’Equipe » est amer. « Jamais une équipe de handball n’a autant dominé le monde, ni la Roumanie des années soixante-dix, ni la Russie de la fin des années quatre-vingt-dix. Ça a été agréable à vivre mais ça n’est pas facile d’envisager la suite. » Les leçons sont claires. On ne sait de quoi la suite sera faite, mais une chose est sûre, au dessus de la déception, la France entière vous remercie pour les moments de bonheur partagés. La France du hand ne peut mourir si facilement, et les promesses des petits nouveaux comme Valentin Porte sont porteuses d’espoir. Une page se tourne, mais une autre s’écrira. Il y aura un après « Experts » comme il y a eu un après « Costauds ».