Colère : ils étaient des millions à manifester hier place Tahrir, au Caire, à l’occasion du premier anniversaire de l’ascension de Mohamed Morsi au pouvoir. Les opposants du président égyptien redoublent d’actions en appelant à une deuxième révolution. Ils revendiquent pas moins de 22 millions de signatures pour la sortie du chef du gouvernement. Le pays est-il au bord d’une guerre civile ?
Les dix plaies d’Egypte, ces châtiments infligés par Dieu, par l’intermédiaire de Moïse ne semblent pas avoir suffit au pays des pharaons. Il a fallu qu’une autre punition s’ajoute aux dix dernières. Et, à l’image de la Mer Rouge, elle risque de tout submerger sur son passage. Elle, c’est la campagne « Tamarrod » (=révolution, en arabe), une organisation soutenue par quelques 22 millions de signataires, qui en appellent à une deuxième révolution pour renverser Mohamed Morsi, accusé d’autoritarisme, au profit des islamistes.
En janvier 2011, une série de manifestations, de grèves et de dégradations avait eu raison du président Hosni Moubarak, à cause de la corruption et des abus d’une « dictature militaire ». Moins de trois ans après la « Révolution du Papyrus », la rue lance une nouvelle fois un ultimatum à son successeur, Mohamed Morsi. Hier, ce sont près de 14 millions de manifestants qui se sont rassemblés place Tahrir, lieu emblématique de la « première » révolution. Les forces de police n’ont même pas insisté pour couvrir la protestation, elles se sont même fondues dans le décor, comme pour témoigner de leur solidarité aux « rebelles ».
Dans un communiqué intitulé « déclaration révolutionnaire numéro 1 », le FSN (Front du Salut National) demande à « toutes les forces révolutionnaires et tous les citoyens de maintenir leurs rassemblements pacifiques sur les places, dans les rues, les villages et les hameaux du pays […] jusqu’à la chute de tous les éléments de ce régime dictatorial ».
Pour les égyptiens, Mohamed Morsi est suspecté d’asseoir un système autoritaire afin de mettre en place un régime basé sur les lois islamiques, ce courant extrême de l’Islam qui prône le retour à la Charia. Le président est, de plus, incapable de redresser l’économie de ce pays en faillite : l’inflation explose, le chômage bat des records, le cours de la monnaie est en chute libre.
Les « Frères Musulmans », qui pensaient avoir la mainmise sur la vie politique égyptienne, se voient douloureusement remis en question. Après avoir essuyé plusieurs attaques depuis leur siège au Caire, ceux qui ont permis l’ascension de Mohamed Morsi perdent toute crédibilité.
L’Egypte, premier pays arabe démographiquement (80 millions d’habitants), rejette la vague d’islamisation qui semblait déferler sur les abords du Moyen-Orient. Les partisans de la laïcité prônent un retour à l’Ancien Régime – celui-là même qui avait été détruit par une révolution, nostalgiques d’un temps où la situation économique était plus stable.
Les partisans de l’actuel président égyptien redoublent cependant d’efforts, insistant sur la légitimité de leur poulain, élu lors de la toute première élection libre de l’histoire du pays des Pharaons avec de 13,23 millions de voix. Ce dernier a, quant à lui, appelé à engager un dialogue, estimant que « c’est la seule façon pour parvenir à une entente ».
Pour autant, l’armée redoute des débordements dans ce climat hostile, après que la dernière rixe entre les anti et les pro-Morsi ait causé la mort de huit personnes, la semaine dernière. C’est pourquoi le général Abdel Fatah Al-Sisi a adressé lui aussi un ultimatum à l’intention des forces politiques du pays. Dans son allocution, le chef de l’état-major a assuré n’avoir qu’un seul objectif « soutenir la volonté du peuple égyptien en ce moment, c’est-à-dire appuyer l’organisation d’une élection présidentielle anticipée ». Mohamed Morsi n’a donc plus que 48 heures pour quitter le pouvoir, sinon quoi, l’armée lancerait une « campagne de désobéissance civile totale ».
Le général Abdel Fatah Al-Sisi a cependant démenti toute éventualité de coup d’Etat, prétextant ne plus souhaiter s’impliquer en politique. Cet appel a été accueilli chaleureusement par l’opposition ; l’ex-candidat aux présidentielles, Amr Moussa, voit cette exhortation comme une « occasion historique qu’il ne faut pas laisser passer ». Pour autant, une dictature militaire n’est pas à exclure ; l’Egypte entière avait tremblé en 2011, pour que ces derniers quittent les affaires.