Arme de séduction ou objet de critiques, l’intégration de la cigarette dans les oeuvres d’art a toujours fait un tabac. De Mel Ramos aux contemporains, elle s’affirme comme un sujet de prédilection qui dénonce, provoque ou fascine.
FEMMES ET CIGARETTE
Dans les années 60, Tom Wesselmann se sert de la cigarette comme un complément de la féminité. Dans ses oeuvres, elle devient l’accessoire de la femme : une fumée aux courbes fluides valorise la douceur qui émane de ses peintures. La cigarette est perçue comme un objet glamour, et renforce la tension sexuelle jusque-là mise en évidence par ces bouches pulpeuses ou certains attributs féminins valorisés.
Grand Nu Américain n°2, Smoker et Still Life © Tom Wesselmann.
Le pop artiste Mel Ramos instrumentalise à son tour la cigarette, qu’il représente avec des femmes nues. À la manière des publicités américaines de l’époque, le peintre américain remet en cause le concept de la femme-objet, au moyen de son art : le cigare et la cigarette sont des meubles à la taille imposante qui soutiennent les corps. Une vision critique qui peut laisser percevoir la domination du consumérisme au milieu du vingtième siècle.
Davidoff et Vantage (Galerie Fluegel-Roncak) © Mel Ramos
MESSAGES ÉCOLOGIQUES
L’installation Cigarette Ash Landscape de l’artiste chinois Yang Yong Liang fonctionne dans une démarche dénonciatrice, presque environnementaliste. Les cendres de l’énorme cigarette en combustion font écho à celles qui jonchent le sol fleuri. La plasticité de l’artiste, qui a composé ses cendres avec des collages d’images en noir et blanc de paysages urbains, est destinée à venir rompre la pureté des fleurs blanches. Le message est clair, c’est le thème de la pollution de la nature – notamment causée par la cigarette – qui est abordé.
Cigarette Ash Landscape © Yang Yong Liang
L’écologie passe aussi par la vie humaine. Les enfants, cible favorite des partisans de l’anti-tabagisme, sont les premiers concernés par le tabagisme passif relaté depuis quelques années dans les campagnes publicitaires sanitaires. Frieke Janssens a choisi de mettre en scène dans sa série Smoking Kids des bambins désinfantilisés, fumant à la manière des adultes. Provocation ou dénonciation ? L’artiste belge fait en tout cas preuve d’un esthétisme particulièrement fascinant en mêlant dérision et quête d’identité.
Série Smoking Kids © Frieke Janssens
Véhiculée dans les médias ou dans les débuts du cinéma hollywoodien, l’image de la cigarette s’éternise dans les moeurs. Les acteurs de l’art et de la communication instrumentalisent à leurs fins le symbolisme du tabac, qui peut avoir une portée politique, sanitaire ou sociale, grâce à son universalité.
Maxime Gasnier