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Laurent Fabius à Téhéran: la réconciliation ?

Cette visite dans la capitale iranienne sonne comme une volonté d’estomper l’intransigeance française sur le dossier nucléaire. Le premier ministre des affaires étrangères fera-t-il bonne figure ?

En 2003, Hassan Rohani, ancien négociateur sur le nucléaire, avait reçu en Iran Dominique de Villepin, alors ministre des affaires étrangères. Objectif : éviter une crise ouverte sur ce dossier. Douze ans plus tard, c’est Laurent Fabius que l’on retrouve à Téhéran, un accord en poche, afin de clore ce dossier qui aurait risqué de détruire les relations bilatérales.

Pas de tapis rouge pour M. Fabius !

Laurent Fabius n’arrive donc pas en territoire conquis. Depuis l’annonce de sa visite, des conservateurs iraniens n’hésitent pas à rappeler le rôle « néfaste » de la France lors des négociations sur le nucléaire. Le site conservateur Mashregh News accuse d’ailleurs Laurent Fabius d’avoir « assisté aux négociations en tant que représentant des régimes rétrogrades arabes et du régime envahisseur sioniste – Israël – ». Pour de nombreux Iraniens, cette accusation n’est pas sans rappeler le refus du ministre français en novembre 2013, à Genève, d’appuyer un texte présenté par les Etats-Unis et l’Iran qu’il jugeait insuffisamment « exigeant ». Cette intransigeance avait alors retardé de deux semaines la conclusion de l’accord.

Le 14 juillet dernier, le chef de la diplomatie française avait confié au Monde qu’il défendait toujours sa ligne de « fermeté constructive » qui avait « permis d’aboutir à un accord suffisamment robuste ». Selon François Nicoullaud, ancien ambassadeur de France à Téhéran, « M.  Fabius aura à démontrer que la position de la France était bien motivée par la prolifération nucléaire et non par l’hostilité vis-à-vis de l’Iran ou la volonté de plaire à ses partenaires, l’Arabie saoudite et Israël ».

Les chefs de la diplomatie ayant participé aux négociations à Genève qui se sont achevées dimanche 24 novembre 2013. crédit: AFP/FABRICE COFFRINI

Les chefs de la diplomatie ayant participé aux négociations à Genève qui se sont achevées dimanche 24 novembre 2013. crédit: AFP/FABRICE COFFRINI

Entre Laurent Fabius et l’Iran, c’est une longue histoire

Lauren Fabius n’en est pas à son coup d’essai avec la République islamique. Cinq ans après avoir été nommé premier ministre par François Mitterand, en février 1979, Laurent Fabius avait connu des heures sombres avec l’Iran. Alors qu’il se trouve propulsé dans les méandres de la guerre Iran-Irak (1980-1988) et des contentieux franco-iraniens, Téhéran avait décidé de faire payer le prix fort à Paris. La raison : le soutient de la France au président irakien, Saddam Hussein. Les hostilités se sont alors ouvertes au Liban, causant l’assassinat de l’ambassadeur Louis Delamarre, puis de plusieurs attentats contre les intérêts français.

En 1984, la France décide d’entamer des négociations avec l’Iran sur quatre dossiers : les ventes d’armes à l’Irak, l’asile offert à l’opposant Massoud Radjavi, le maintien en détention d’Anis Naccache et le contentieux lié au prêt Eurodif, prêt qui avait été accordé en 1974 par le chah d’Iran à la France pour la construction de l’usine d’enrichissement d’uranium de Tricastin, que la France n’a jamais remboursé. Les tergiversations françaises vont lui coûter cher : trois vagues d’attentats en France, causant une vingtaine de morts et le kidnapping de treize Français au Liban.

Selon M. Nicoullaud « Laurent Fabius en a beaucoup souffert et en a gardé un souvenir épuisant ». Les éditorialistes iraniens se souviennent aussi du passage de M. Fabius à la tête du gouvernement français, mais cette fois-ci, pour une toute autre affaire : la contamination du virus VIH. Depuis plusieurs jours, ces derniers réclament des excuses de M. Fabius et des dédommagements pour les 300 Iraniens qui ont été contaminés après avoir subi, entre 1984 et 1985, des transfusions avec des produits sanguins vendus par la société française Mérieux.

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Il n’est pas rare de voir sur des sites conservateurs une diabolisation de l’ancien premier ministre par le biais d’une photo détournée en avis de recherche, où il est présenté gorgé de sang et affublé d’une étoile de David, en référence à ses origines familiales de confession juive. Le président Hollande, afin de réagir aux critiques portées contre son ministre, a déclaré lundi 27 juillet que «les attaques portées contre Laurent Fabius sont des attaques contre la France ».

L’ingérence iranienne face à l’intransigeance française 

Cependant, le dialogue et la coopération sont souhaités en France comme en Iran afin de régler les crises qui déstabilisent la région, de la Syrie au Yémen, en passant par l’Irak et le Liban. Le président Hollande a d’ailleurs déclaré le 23 juillet, dans le cadre d’un entretien téléphonique avec son homologue Hassan Rohani, que la France voulait voir un changement d’attitude de la part de Téhéran, accusé d’ingérence dans les affaires internes des pays arabes et de visées expansionnistes au détriment de son rival saoudien. De son côté, Téhéran souhaiterait voir moins d’intransigeance dans les propos tenus à Paris sur son allié syrien, Bachar Al-Assad, et un appui plus mesuré aux puissances du Golfe.

« La visite de M. Fabius peut créer de nouvelles opportunités, assure Ellie Geranmayeh, analyste à l’European Council on Foreign Relations (ECFR). L’Iran peut faire le calcul politique de se rapprocher de Paris pour rompre son alignement avec les pays arabes. Il peut aussi tirer profit de la bonne relation qu’elle entretient avec l’Arabie saoudite pour, à terme, trouver un chemin vers la réconciliation et le règlement des crises dans la région ».

Ce dont nous sommes sûrs, c’est que quelles que soit les avancées de la France avec l’Iran, M. Fabius restera confiant sur les perspectives qui s’offrent aux entreprises françaises sur le marché iranien. Suite à la visite de cent chefs d’entreprises français en Iran, en février 2014, le gouvernement français souhaite retrouver les 80 entrepreneurs réunis par le Medef afin de voir, fin septembre, les potentialités de ce marché de 80 millions d’habitants.

crédit image de couverture: Jacques Demarthon/AFP

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