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Le fabuleux destin de Georges Delerue | Seriefonia

Un très grand nom de la musique de film en France est au cœur de Seriefonia : nous évoquons Georges Delerue ce mois-ci.

[Extrait Sonore « La Révolution Française »]

[« SérieFonia : Season V : Opening Credits » – Jerôme Marie]

C’est le premier mercredi du mois… et c’est SérieFonia. Et un SérieFonia 100% français, s’il vous plait. Enfin… Presque. Parce que le grand, que dis-je, le très grand Monsieur dont je vais vous parler aujourd’hui a également beaucoup travaillé à ou pour l’étranger. D’ailleurs, autant vous le dire toute de suite : cette pastille va inévitablement demeurer extrêmement réductrice… Comprenez-bien : entre projets télé et ciné, il atteint pas loin des 400 productions ! Sans même compter ses opéras, ballets, pièces de théâtre et j’en passe… Alors, de qui s’agit-il ? Eh bien, soit vous vous en doutez, soit vous l’savez déjà : du seul, de l’unique… Georges Delerue.

[« Le Mépris – Camille » – Georges Delerue]

Mythique parmi les plus mythiques de la musique de film française : c’était un extrait du Mépris, composé pour Jean-Luc Godard en 1963… Alors… comme j’ai beaucoup de choses à vous raconter et que je ne veux pas vous infliger un trop long tunnel de blabla, je ne vais pas forcément faire comme d’habitude en m’arrêtant sur un film en particulier pour introduire chaque morceau… Non, je vais plutôt simplement ponctuer le récit de certaines de mes partitions préférées au gré d’un récit qui, je vous l’avoue, est en grande partie issu des pages que je lui avais consacrées dans « Le guide des compositeurs de musique de film », co-écrit avec mon ami Romain Dasnoy en 2017 et toujours disponible dans toutes les bonnes librairies aux éditions Ynnis… Ainsi que des différents articles parus du temps du magazine CinéFonia… Eh hop, un p’tit placement de produit, ça ne fait jamais de mal. Allez, avant d’entrer dans le vif du sujet, faisons un p’tit détour par L’été meurtrier…

[« L’été meurtrier – Theme » – Georges Delerue]

C’était pour Jean Becker en 1983 et on y retrouvait Isabelle Adjani et Alain Souchon… Peu de personnalités peuvent se targuer d’avoir remporté, la même année, à la fois le César et l’Oscar de la meilleure musique pour deux films de nationalités différentes. Georges Delerue fait partie de ceux-là. Avec, d’abord, L’Amour en fuite pour François Truffaut… Cinquième et dernier film (après Les quatre cents coups en 59, Antoine et Colette en 62, Baisers volés en 68 et Domicile conjugal en 1970) que le réalisateur a consacré à son personnage-phare : Antoine Doinel, incarné à l’écran par Jean-Pierre Léaud…

[« L’amour en fuite – Theme » – Georges Delerue]

Et ensuite avec I Love You, je t’aime (également connu sous le titre A Little Romance) de George Roy Hill ; avec nul autre que Laurence Olivier et Diane Lane dans les rôles principaux. Une idylle adolescente, sublimée autant par la magie des images shootées à Venise que par celle de la musique du compositeur, enfin reconnu par ses pairs en cette nouvelle décennie 1980…

[« I Love You, je t’aime – Venice » – Georges Delerue]

55 ans (et plus de 30 ans de carrière) avant cela, c’est 12 mars 1925 que le petit Georges Henri Jean-Baptiste Delerue naissait à Roubaix, dans un milieu ouvrier mais non moins passionné de musique et de cinéma. Toutefois, alors qu’il est tout juste adolescent, il doit quitter sa formation en métallurgie pour partir travailler dans une usine afin de participer aux frais de la famille… Bien qu’il ait étudié la clarinette au conservatoire, il n’était absolument pas question pour lui de se laisser ne serait-ce que rêver à un tel revirement d’évolution professionnelle. Au mieux, pensait-il peut-être intégrer les rangs de la fanfare du quartier… Mais à force de persuasion, il parvient à négocier ses après-midis et à retourner au conservatoire pour apprendre le solfège et le piano…  

[« Rich and Famous – Suite (London Sessions) » – Georges Delerue]

Ça, c’était pour Riches et célèbres, avec Jacqueline Bisset, en 1981… Au conservatoire, il tombe sous le charme des œuvres de Richard Strauss, dont il s’inspirera toute sa vie et perpétuera ouvertement la fibre romantique. Malheureusement, le destin s’acharne et une simple chute de vélo réveille les souffrances d’une scoliose qui le gardera immobilisé pas loin d’une demi année… une épreuve qui va plus que jamais éveiller aussi bien sa vocation que sa détermination. Malgré son retard, il s’accroche au point de remporter de nombreux prix d’interprétation et de composition et de se voir, enfin, admis au conservatoire de Paris à partir de 1945.

[« Le dernier métro – Générique de fin » – Georges Delerue]

Histoire de coller à la période, je viens de vous caser un peu du générique de fin du Dernier métro, encore et toujours pour François Truffaut, et qui lui a d’ailleurs valu de remporter son troisième César en 1981 !… Une fois à Paris, Georges Delerue est toujours dans le besoin malgré l’obtention d’une bourse. C’est pourquoi il agrémente son cursus en trouvant des petits contrats de musicien qui, de mariages en fêtes en tout genre, le conduisent également à côtoyer les clubs jazzy de la capitale. De rencontres en rencontres, il commence à proposer ses partitions à qui veut bien les prendre. Nous sommes alors en 1947… Au même moment, il s’initie à la direction d’orchestre sous la houlette de Roger Desormière, ancien directeur des ballets russes et attaché à l’Orchestre national de France jusqu’en 1951. Quelques musiques de chambre plus tard, il commence à se rapprocher du cinéma par le biais du compositeur Jean Marion, dont vous vous souvenez peut-être pour ça…

[« Le Bossu, 1959 – Générique » – Jean Marion]

Le Bossu, avec Jean Marais et Bourvil en 1959… mais aussi Le Capitan, sorti l’année suivante, ou encore Les mystères de Paris, les OSS 117 bien avant ceux de Jean Dujardin… et même une version télé des Trois Mousquetaires, signée Claude Barma avec Jean-Paul Belmondo en D’Artagnan. Georges Delerue devient alors l’arrangeur de Jean Marion, tout en continuant d’enchaîner les concours. Finalement, il est engagé en qualité de compositeur et chef d’orchestre à la alors très fameuse RTF ; j’ai nommé la Radiodiffusion Télévision Française. Il musicalise alors les films jusque-là muets de René Clair : Un chapeau de paille d’Italie, de 1928, et Les deux timides, de 1929. Documentaires, court-métrages… tout y passe… jusqu’à ce qu’il partage l’affiche musicale du film Amour de poche avec Alain Goraguer et Marc Lanjean. Trois ans plus tard, Alain Resnais lui offre la moitié de son premier vrai long-métrage (et pas des moindres) avec Hiroshima mon amour, qu’il co-signe avec l’italien Giovanni Fusco…

[« Hiroshima mon amour – Theme » – Georges Delerue & Giovanni Fusco]

A la vision du film, les piliers de la Nouvelle Vague, François Trufaut et Jean-Luc Godard, s’enflamment et c’est ainsi qu’on le retrouve, seul cette fois, à la baguette de Tirez sur le pianiste, Antoine et Colette ou encore Jules et Jim pour le premier et du Mépris pour le second. Tout aussi vite, d’autres grands noms tels que Claude Sautet, George Lautner, Gérard Oury, Philipe de Broca ou encore Edward Molinaro se tournent également vers lui et mettent à toute épreuve son talent… tout terrain. Comme ici avec Hibernatus, en 1969…

[« Hibernatus – Valse de l’hiberné et Final » – Georges Delerue]

Autant dire que sa carrière est lancée ! Il lui arrive même de composer jusqu’à huit films par ans ! C’est notamment le cas en 64… juste avant de s’attaquer au cultissime Corniaud en 65… et prend tout autant de plaisir à se partager avec le petit écran ; comme sur Jacquou le Croquant en 1969, Arsène Lupin joue et perd, bien plus tard en 1980… sans oublier cette institution que sont devenus Les Rois Maudits, toujours avec Claude Barma. C’était sur la deuxième chaîne de l’ORTF, entre le 21 décembre 1972 et le 24 janvier 1973…

[« Les Rois Maudits – Générique » – Georges Delerue]

C’est en 1966, pour le britannique Fred Zinnemann, que le reste du monde s’ouvre à lui… Le film s’intitule Un homme pour l’éternité, et la montée dramatique de son ouverture, martelée entre clavecin et puissantes percussions, précède de peu ses débuts américains sur Promenade avec l’amour et la mort de John Huston et Les Cavaliers de John Frankenheimer. Cependant, Georges Delerue n’aime pas trop voyager. Si bien qu’il reste très présent en France, où il poursuit activement sa collaboration avec Truffaut. Ainsi, La nuit américaine sort la même année que l’une de mes partitions préférées… Le jour du dauphin, pour le réalisateur Mike Nichols…

[« The Day of the Daulphin – Farewell » – Georges Delerue]

Fort de ses succès et de son Oscar remporté pour I Love You, je t’aime : une nouvelle vie s’impose néanmoins. Finalement, il part s’installer à Los Angeles et devient le plus français de tous les compositeurs américains… C’est ainsi qu’il peut faire le grand écart entre, par exemple, le Riches et célèbres de George Cukor et l’inoubliable Garde à vue de Claude Miller…

[« Garde à vue – Theme » – Georges Delerue]

Ou encore entre Conseil de famille, de Costa-Gavras…

[« Conseil de famille – Theme de famille (Variation) » – Georges Delerue]

Et… l’inoubliable Platoon, d’Oliver Stone. Nous sommes alors en 1986…

[« Platoon – Theme (London Sessions) » – Georges Delerue]

Toutefois, et bien que maniant de main de maître l’art des émotions les plus vives, il est pourtant arrivé – aux détours de certains problèmes de production – que sa musique soit finalement remplacée au profit de celle d’autres compositeurs… Ce fut notamment le cas sur A propos d’Henry, de Mike Nichols, qui lui préférera finalement les sonorités nouvelles d’un Hans Zimmer… Tout comme Disney avait déjà contraint le réalisateur Jack Clayton à se séparer de lui en 1983, pour La foire des ténèbres, parce que sa composition sonnait, je cite : « beaucoup trop sombre »… C’est vrai de c’est dommage pour un film fantastique à tendance horrifique de sonner trop sombre… Et cette partition trop sombre, elle ressemblait à ça…

[« Something Wicked This Way Comes – The First Witch » – George Delerue]

Bon, au final, il a été remplacé par James Horner… Alors, on est content quand même… N’empêche… Fallait-il voir en ces évictions les prémices d’une ère changeante et soudain moins propice au romantisme classique ? Je vous le disais en introduction, jusqu’à sa disparition en mars 92 à l’âge de 67 ans, il aura proposé plus de 350 partitions pour le cinéma et la télévision… Ses dernières années comptant d’ailleurs certaines œuvres parmi ses plus intenses ; comme les deux colossaux volets de La Révolution Française (comprenant Les Années lumière de Robert Enrico et Les Années terribles de Richard T. Heffron)…

[« Les Années Lumière – Déclaration des droits de l’Homme  » – Georges Delerue]

Black Robe de Bruce Beresford, titré ainsi en référence à la soutane, la robe noire, de prêtres chargés de convertir les Indiens au christianisme, au début des années 1630, sur le sol de ce qui deviendra, plus tard, la ville de Québec…  

[« Black Robe – First Kiss » – Georges Delerue]

Sans oublier le formidable « Concerto de l’Adieu », qu’il compose peu de temps avant sa mort pour le film Dien Biên Phu. Une sublime pièce pour cordes, particulièrement inspirée et aux accents malheureusement prémonitoires…

[« Dien Biên Phu – Concerto de l’Adieu » – Georges Delerue]

Un destin et une carrière incroyable… Ponctué par un Oscar et trois Césars… Sachant qu’il a été nommé pas moins de sept fois à la cérémonie française et cinq fois à l’américaine. La première fois, c’était en 1970 pour Anne des mille jours… un biopic sur la courte vie de Reine d’Anne Boleyn, seconde épouse d’Henry VIII, ici campée par Geneviève Bujold… qui aurait du être la Capitaine Janeway de Star Trek Voyager, mais qui a préféré partir après ses premiers jours de tournage… Oui, je sais, c’est un peu hors sujet et ça n’a rien à voir avec Georges Delerue, mais j’aime bien placer du Star Trek Voyager dès que je peux… Quoi qu’il en soit, Anne des mille jours, ça sonnait comme ça…

[« Ann of the Thousand Days – Overture » – Georges Delerue]

Cette partition a d’ailleurs également été nommée aux Golden Globes de 1969, mais sans succès… Quant à ses autres nominations aux Oscars, c’était pour Julia, de Fred Zinnemann en 78…

[« Julia – Suite » – Georges Delerue]

Et enfin et surtout pour l’une de mes préférées ever… Agnes of God, de Norman Jewison en 1986. Attention, instant de grâce…

[« Agnes of God – Symphonic Suite for Chorus and Orchestra» – Georges Delerue]

Ce qui est amusant, c’est que, côté Césars, il opère un tiercé gagnant en 79, 80 et 81. Oui, vous avez bien entendu : trois années de suite… Trois années de suite ! Je vous ai déjà diffusé les extraits de L’amour en fuite (1980) et du Dernier métro (1981)… Mais son premier trophée, c’était  donc en 79, pour le Préparez vos mouchoirs, de Bertrand Blier, avec l’indétrônable duo des Valseuses : Gérard Depardieu et Patrick Dewaere…

[« Préparez vos mouchoirs – Theme » – Georges Delerue]

Alors, les récompenses c’est bien sympa… mais ce n’est pas forcément représentatif de ce que l’on peut préférer, voire même retenir, chez un artiste. Du coup, je m’en voudrais de vous quitter sans ajouter quelques petits morceaux supplémentaires triés sur le volet… Bien que, naturellement, je n’ai pas la prétention de dire que j’ai écouté ou entendu l’intégralité de ses 350 musiques de films… Néanmoins, je retiendrai chaleureusement… Le retour de l’étalon noir, en 1983. Juste parce que j’ai passé une bonne partie de ma jeunesse devant…

[« The Black Stallion Returns – Stowaway and the Clipper » – Georges Delerue]

Jumeaux… oui, oui, celui d’Ivan Reitman avec Arnold Schwarzenegger et Danny DeVito… J’vous jure, c’était bien de Georges Delerue… Et c’est justement parce que c’est improbable que c’est aussi cool… et beau à la fois.

[« Twins – Main Title » – Georges Delerue]

Un p’tit coup de cœur télé avant de vous quitter… Je remonte jusqu’en 1968 et, même si j’suis vieux, eh bien… pas à ce point-là. C’est pourquoi je n’ai jamais vu la série Thibaud ou les Croisades : le fameux… Chevalier Blanc incarné alors par André Lawrence. En revanche, le disque, je l’ai beaucoup, beaucoup écouté… Et là, je vous glisse le thème dédié à la Comtesse de Flandres : Sybille d’Anjou.

[« Thibaud ou les Croisades – Le thème de Sybille » – Georges Delerue]

Il y en a encore tant et tant d’autres… La passante du Sans-Souci, La vingt-cinquième heure, Chouans !, La Gifle, Salvador, Police Python 357… Et pourtant, comme je me sens pousser des ailes révolutionnaires en ces temps compliqués… C’est sur un nouvel extrait de La Révolution Française que je vais vous quitter. Un, parce que c’est excellent. Et deux, parce que ça va faire plaisir à Alex. Alors, je vous quitte là-dessus et vous donne naturellement rendez-vous le mois prochain… Mais d’ici là, n’oubliez pas : Liberté, égalité, fraternité ! Enfin, si un jour ça devient vraiment possible…

[« La Révolution Française – Hymne à la Liberté » – Georges Delerue]

A écouter aussi : La collaboration Brian Tyler – Breton Vivian | Seriefonia | VL Média (vl-media.fr)

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