C’est une figure importante de la série Power Rangers aux côtés de Shuki Levy : Ron Kenan nous livre les secrets de fabrication du générique.
En 2023, la saga culte Power Rangers a fêté ses 30 ans d’existence. La série initiée par Haim Saban qui a ramené aux Etats-Unis le sentaï, n’en finit plus de générer des séries dérivées. Et comme toute série, il y a un générique devenu iconique avec les années, un générique co-écrit par Ron Wasserman, Shuki Levy et Ron Kenan.
Comme il se définit lui même, Ron Kenan est « co-auteur » du fameux « Go Go Powers Rangers« , mais aussi « ancien Président de Saban Music« , « co auteur de musiques pour X-Men et Spiderman, ainsi que le producteur de toutes les musiques pour Saban pendant deux décennies« . C’est donc un témoin privilégié pour comprendre comment se fabrique un thème culte !
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Quels souvenirs gardez-vous de vos premières collaborations avec Saban et Levy ?
Quand j’ai été embauché, j’étais vice-président de l’administration musicale. Mon travail consistait à être responsable de tout le côté commercial de la musique et de l’édition musicale. On était en 1987, Saban commençait tout juste à devenir autre chose qu’une maison de disques. Avant, Haim et Shuki faisaient uniquement de la musique mais à ce moment-là, ils ont commencé à coproduire des dessins animés et à travailler avec la DIC. Et donc mon travail consistait essentiellement à prendre le relais pour permettre à Haim de conquérir le monde sans avoir à s’occuper du côté commercial. Et d’une certaine manière, je l’ai fait aussi pour Shuki parce que tous deux étaient extrêmement occupés à produire et développer la société. Je me souviens que les trois premiers mois étaient fantastiques, j’étais avec Haim à chaque réunion, je le suivais et j’apprenais tout ce qu’il y avait à apprendre. Et être constamment aux côtés de Haim Saban, c’est une sacrée expérience parce qu’il s’agit probablement de l’une des personnes les plus brillantes au monde. J’aurais aimé en avoir davantage mais après quelques mois, j’étais tout seul. Et je travaillais aussi avec Shuki, qui était notre compositeur principal et qui abattait beaucoup de travail. Mon travail, en dehors de l’édition musicale, consistait aussi à m’occuper de l’organisation. Nous commencions à produire beaucoup de séries et il fallait une très bonne organisation. Ce n’était plus une petite boîte. Même si lorsque je suis arrivé, nous n’étions que 12. C’était donc une très petite entreprise, dans un bureau plus petit avec un studio. Et bien sûr, c’est à partir de là que ça s’est étendu.
Comment décririez-vous Haim Saban en tant qu’homme et en tant que producteur ?
Haim Saban est une des personnes que j’aime le plus au monde. Il est vraiment incroyable. Lui et moi, on a été proches dès le début. Il était à mon mariage, près de Paris. C’est un homme simplement brillant. Et ce que j’aime chez lui, c’est qu’il n’a pas vraiment changé au fil des années. C’est un homme simple, les milliards et les zéros supplémentaires sur son compte en banque ne l’ont pas changé en tant que personne. C’est un type génial et super créatif. Il l’a toujours été très, bien sûr. Il a commencé à faire de la musique et il n’a jamais perdu sa passion et son intérêt pour la musique. Même plus tard, quand il était bien trop occupé pour être impliqué dans la production musicale, il voulait toujours écouter ce qu’on faisait pour les émissions importantes. Il voulait entendre ce qu’on avait. « Laissez-moi écouter ! Laissez-moi écouter ! ». Il est toujours passionné par la musique, encore maintenant.
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Est-ce que vous avez reçu des indications ou des instructions de la part de Haim Saban ou de Shuki Levy pour composer les Power Rangers ?
Pour chaque projet, on devait évidemment comprendre de quoi il s’agissait. Avoir quelques bases. Et puis, je pouvais décider du style que je voulais. Je vous l’ai dit, on avait une certaine autonomie. Dans les années suivantes, il y avait plusieurs compositeurs et plusieurs studios, et beaucoup de travail créatif se déroulait en parallèle. Pour chaque projet, on se préparait pour comprendre de quoi il s’agissait, et on proposait des styles de chansons appropriés. Souvent, c’était à l’instinct.
Je vais vous donner un exemple, dans X-Men. En tant que guitariste de rock, j’ai toujours voulu introduire de la musique rock dans les séries parce qu’avant cette époque, dans les années 80, il n’y avait pas de rock, dans aucun dessin animé. Donc pour X-Men, je voulais faire du rock et j’avais essayé un tas de morceaux rock, mais rien ne marchait vraiment. Je n’aimais aucun des génériques produits. Et comme par hasard, j’ai fini par écrire le générique de X-Men avec le producteur de la série, Winston Richard. Mais ce qui est intéressant, c’est que , pour X-Men l’année suivante, Fox a rejeté l’idée du rock. J’avais toutes ces démos de génériques dans un style rock et j’étais déterminé à ce que ce soit du rock. J’ai choisi trois morceaux qui n’avaient pas de mélodie, c’étaient des démos de génériques pour X-Men, et je les ai apportés à Haim. Je ne me souviens pas si c’était à son bureau ou chez lui. Il s’intéressait beaucoup à ce qu’on allait faire pour les Power Rangers, ça allait être une grande série, je lui ai fait écouter trois des morceaux, et il en a choisi un. Et c’est celui-ci qui allait devenir le générique de Power Rangers ; curieusement, c’était une démo de chanson qui devait être utilisée pour X-Men, mais elle ne l’a jamais été. Haim m’a dit : « Oui, faisons ça. Et faisons quelque chose comme Go Go Power Rangers. »
« It’s Morphin’ Time »
Je me souviens d’avoir téléphoné au compositeur qui a fait le morceau, Ron Wasserman, et il était en studio, il attendait notre décision. Je lui ai dit qu’on partait sur la chanson des X-Men et au téléphone, je me souviens lui avoir chanté : « Tu fais juste Go Go Power Rangers, Go Go Power Rangers, you mighty morphin Power Rangers. » Et je ne sais pas si c’est à cause des accords ou si c’est venu de nulle part. Mais ensuite, je vais au studio en voiture et quand j’arrive là-bas, il a déjà posé les voix et le générique est prêt. C’est ça, l’histoire de Go Go Power Rangers.
Ron Wasserman était l’un des compositeurs réguliers de l’équipe et il était en studio. Il passait toutes ses nuits à créer de très bons morceaux. Et il a fait les voix sur Power Rangers aussi. Pour moi, avoir du rock dans les Power Rangers et polluer l’esprit des enfants avec des chansons heavy metal, c’était presque une quête personnelle, c’était mon objectif ! Et nous avons fait un album appelé Mighty Morphin Power Rangers : A Rock Adventure. Ron chantait tout, on a inventé le nom Mighty Raw, et on a enregistré un album entier à partir des chansons des épisodes. Je ne sais pas si vous connaissez cet album, mais vous savez, c’est un des préférés des fans. Je jouais toutes les parties guitares sur toutes les chansons. Ce qui est intéressant, en parlant de guitares, c’est que si vous écoutez le générique, aucune des guitares n’est vraie. Ce sont toutes des guitares synthé que Ron a ajoutées en studio. Les vraies guitares, elles sont dans la version longue que nous avons utilisée pour l’album A Rock Adventure. Et c’est moi qui joue.
C’est quelque chose de spécial pour un musicien, pour un producteur comme vous, de savoir que son travail est présent dans l’esprit de millions et de millions d’adultes, d’enfants qui aiment ce que vous avez fait, pas seulement aux États-Unis mais dans le monde entier ?
C’est très spécial. C’est incroyablement spécial et je m’en rends compte de plus en plus. J’ai toujours été le mec en coulisses. Je ne savais même pas que quiconque connaissait mon existence et c’était très intéressant d’aller à la Power Rangers Convention. Les gens venaient vers moi et me disaient : wow, vous êtes Ron Kenan ! Et ils étaient très excités. C’était tellement réconfortant. Je ne peux même pas expliquer à quel point c’était spécial. Nous avons fait un travail qui a eu un impact important et les enfants, les adultes d’aujourd’hui, ont un regard très positif sur tout ça et j’en suis très fier. Je suis fier de mon travail de composition, de mon travail de production, de mon travail de guitariste. C’est intéressant : vous voyez sur YouTube, par exemple ? Dans les commentaires, les gens demandent qui joue de la guitare, et il y a toutes ces rumeurs et aucune d’entre elles n’est vraie. Personne, personne ne sait que c’est moi. Et j’ai envie d’écrire un commentaire pour dire que c’est moi !