Depuis le 17 octobre, le pays est en proie à de nombreuses manifestations dans plusieurs de ses régions. Les Libanais se sont réunis dans la plupart des grandes villes pour contester les nouvelles réformes prises par le gouvernement.
Les réformes de trop
Le soir du jeudi 17 octobre, c’est l’éclatement. Le gouvernement de Saad Hariri (Président du Conseil) annonce une série de nouvelles mesures : ce sont de nouvelles taxes concernant les cigarettes, l’essence et surtout sur les appels effectués sur l’application WhatsApp. C’est cette dernière mesure qui mit le feu aux poudres. En effet, WhatsApp est très utilisée au Liban et le coût de téléphonie mobile est déjà très élevé dans le pays. Ainsi, les Libanais descendirent dans les rues de Beyrouth (capital du Liban) et crièrent leur mécontentement. Il eut également plusieurs rassemblements dans certaines régions libanaises. Des pneus furent brûlés et les manifestants entamèrent l’hymne national armés du drapeau libanais.
Face à la situation, Saad Hariri annonça l’annulation sur les taxes relatives à WhatsApp, mais c’était déjà trop tard. Les manifestations se transformèrent en insurrection. Les Libanais scandèrent en coeur leur rejet de la classe politique en criant « Révolution ! ».
Ainsi, depuis jeudi dernier, le Liban est sous tension. Vendredi 18 octobre, le président Michel Aoun a annoncé une réunion de crise du gouvernement. Les manifestants répondirent alors avec plus de violence et demandèrent la démission du gouvernement.
Samedi 19 octobre, un des partis composant la coalition au pouvoir, les Forces libanaises, a communiqué la démission de quatre de ses ministres. Mais la foule en colère réclame que tous les dirigeants quittent leurs postes. Depuis dimanche 20 octobre, les villes de Beyrouth mais aussi Saïda, Baalbeck ou encore Tyr sont envahies par des milliers de manifestants.
Les banques, écoles et universités sont fermées depuis hier et de nombreuses routes sont coupées. Le peuple libanais s’est uni et dénonce la corruption qui gangrène la classe politique.
Un pays en crise depuis plus de 20 ans
Si les Libanais ont réagi aussi furieusement aux annonces du gouvernement, c’est parce que le pays connaît une situation de grande pauvreté depuis la guerre civile (1975-1990). Depuis la fin du conflit, une grande pénurie d’électricité, d’eau potable et d’infrastructures fragilise le Liban. En effet, plus d’un quart de la population vit sous le seuil de pauvreté selon la Banque Mondiale et le taux de chômage de la population active atteint 20%.
En 2015 avait eu lieu aussi une mobilisation importante demandant une gestion de la crise des déchets (mauvais traitement des déchets ménagers) qui perdure encore aujourd’hui. Pour finir, le Liban a aujourd’hui la troisième plus grande dette publique mondiale qui s’élève à plus de 86 milliards de dollars, soit plus de 150% du PIB (après le Japon et la Grèce). La croissance est presque nulle : 0,2 % en 2018. C’est dans ce climat économique complexe que la volonté de changement a grandi au sein de la population libanaise.
Mais il y a également le rejet de tout une classe politique qui est au pouvoir depuis plus de trente ans. Cette dernière est souillée par la corruption et le clientélisme depuis la fin de la guerre. Le président Michel Aoun fut par exemple un chef de guerre durant les années 1980 avant d’accéder au pouvoir et Saad Hariri, fils de Rafiq Hariri assassiné en 2005, est président du Conseil et milliardaire libano-saoudien dont la fortune éveille encore aujourd’hui plusieurs soupçons.
Les manifestations continuent malgré les annonces du gouvernement
Dans la soirée du lundi 21 octobre, le gouvernement libanais a adopté une série de mesures « essentielles et nécessaires » selon Saad Hariri. Il était question d’un budget 2020 sans impôts supplémentaires pour la population, une baisse de 50% des salaires du président et des ex-présidents, des ministres et des députés, ainsi que de nouvelles taxes sur les banques. De plus, Saad Hariri a déclaré répondre à la demande d’élections anticipées émises par les manifestants. Le Premier ministre avait menacé vendredi de manière dissimulée de démissionner en cas de rejet de son plan. Mais selon la presse libanaise, Paris et Washington l’en ont détourné de cette idée.
Ces réformes précipitées n’ont cependant suscité que l’hostilité des manifestants qui demandent bien plus : la chute du régime. À ce jour, le Liban est toujours paralysé par les manifestations et l’avenir du régime semble plus incertain que jamais.
Crédits photo : Illustratrice Nour Flayhan