Jeanne Reynolds porte-parole de la Coalition Large pour une Solidarité Syndicale Etudiante (CLASSE), une des principales organisations étudiantes qui depuis près de 100 jours mènent la grève, nous a gentiment accordé un entretien téléphonique depuis le Québec où la grogne continue après la rupture des négociations.
C’est une jeune femme charmante et combattive qui s’est attelée à nous expliquer les raisons de ce combat qui semble désormais s’installer dans la durée. Son organisation partisane d’un syndicalisme étudiant de combat mène avec d’autres la fronde des étudiants au Québec afin que leurs revendications se transposent dans la rue. Il s’agit véritablement de maintenir sous pression un gouvernement libéral qui ne semble pas décider à céder aux revendications estudiantines.
Jeanne Reynolds insiste vraiment sur la conjecture pour inscrire le combat des étudiants québécois dans un cadre beaucoup plus large que la simple augmentation des frais de scolarité. En effet si celle-ci peut sembler pour nous, européens, faible, la Classe souligne les nombreuses tentatives du gouvernement pour abattre le modèle social québécois. Cette dynamique générale de privatisation des services publics, et les projets nombreux de taxes (notamment sur la santé publique) donne l’impression aux étudiants que le gouvernement libéral de Jean Charest tente de restreindre l’accès de la population aux services publics alors même qu’il a multiplié les cadeaux fiscaux aux plus aisés.
De fait elle pose clairement la question du bien fondé de cette politique en s’interrogeant sur ses bénéficiaires, et doute de l’action du gouvernement pour mener une politique du bien commun.
Ainsi la Classe s’oppose clairement au principe même d’une hausse qu’elle estime injuste. D’après Mlle Reynolds l’éducation ne devrait pas être un bien payant, mais un véritable service. Elle dénonce donc vigoureusement l’idée sous-jacente à cette hausse : la métamorphose des universités québécoises en entreprises. Elle relève ainsi que des sommes très importantes sont englouties dans la promotion publicitaire des universités, ce qui crée une concurrence entre les universités qu’elle juge malsaine puisque ces dernières en viendraient à « se voler des élèves ». En outre elle insiste aussi sur l’argent dépensé en masse dans la « recherche appliquée » (l’application de la recherche dans un but commercial) qui nécessite toujours plus d’investissements.
En s’opposant à cette hausse les étudiants québécois s’opposent donc à la commercialisation de ce qui leur est cher : leur éducation.
Mais Jeanne Reynolds au nom de la Classe ne fait pas que dénoncer ce qu’elle considère comme une injustice, elle émet des propositions :
1) Elle demande la réorientation des fonds déjà disponibles au sein des universités
2) Elle insiste fortement sur sa vision du financement de l’université : par l’impôt seul moyen de financement réellement juste et progressif.
3) Mais surtout elle dénonce ce paradoxe du gouvernement qui a supprimé ces dernières années une taxe sur le capital et qui semble maintenant chercher désespérément des moyens de financement.
Enfin elle suggère une nouvelle répartition fiscale, le passage de 3 paliers d’imposition à 6, ce qui permet selon elle à 85 % de la population de payer moins ou mieux d’impôts qu’à l’heure actuelle et surtout de récolter 1 milliard de dollars Canadiens supplémentaires.
Jeanne Reynolds revient sur la rupture Jeudi passé des négociations par le gouvernement de Jean Charest (Centre droit), elle précise que la lueur d’espoir qu’avait constitué l’ouverture des négociations après près de 100 jours de grève s’est éteinte lorsque les étudiants ont compris que le gouvernement tenait à ne pas perdre la face politiquement et ne cèderait donc pas à leurs revendications. Constatant ce blocage le gouvernement a déclaré que les différentes parties se trouvaient dans une impasse.
Le mouvement semble donc devoir continuer et se durcir même alors que la solidarité au sein de la société québécoise s’organise. Jeanne Reynolds témoigne des nombreuses amitiés de la part de la population, de ces nouveaux manifestants de tout âge qui spontanément sont venus manifester à leur côté après la promulgation de la loi 78. D’après elle le mouvement dépasse largement et de loin la grogne estudiantine pour être véritablement l’expression d’un malaise social grandissant. Preuve en est, les nombreux dons que la Classe perçoit pour continuer le mouvement.
Pour info Jeanne Reynolds nous confirme que de nombreux étudiants français étudiant au Québec participent aux manifestations avec leurs camarades canadiens. Eux aussi semblent être plus que jamais conscients du risque d’une commercialisation de l’éducation.
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