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Le racisme systémique, enjeu des élections américaines ?

(Agence France – Presse / Drew Angerer)

Trayvon Davis, Michael Brown, George Floyd et plus récemment Jacob Blake. Ces noms sont désormais connus du grand public. Tous sont des afro-américains et victimes d’exactions policières. Alors, en vertu de la compétition électorale qui s’annonce, il convient de revenir sur la genèse et l’évolution d’un système ancré sur le racisme. 

Ce n’est, en effet, pas par hasard que l’on parle d’un racisme systémique, soit inhérent au fonctionnement de la société. Les deux candidats à la présidence, Donald Trump et Joe Biden, en ont bien conscience. Ils ne peuvent pas faire abstraction de ces événements tragiques qui se multiplient sur le sol américain. Face à ce qui est devenu un problème, tous deux se targuent d’une approche bien différente de la solution. Tandis que la stratégie du “ Law and order  » est privilégiée par le candidat républicain, le banc démocrate quant à lui table sur l’engagement de changements profonds, par le bais du dialogue et de la coopération. Mais laquelle de ces stratégies sera payante ? Le problème en lui même est t-il soluble ou encore trop profond pour la charge d’un seul Homme ?  

Les vestiges d’une histoire ségrégationniste 

Le racisme est consubstantiel, inséparable de l’existence même des Etats-Unis. Une des clés de son implantation se trouverait inévitablement dans la guerre de sécession. Entamé en 1861, ce conflit idéologique né d’un désaccord concernant l’abolition de l’esclavage aura vu s’affronter les “deux Amériques“ pendant plus de 4 ans. Une guerre faisant près de 600 000 victimes mais aussi vectrice d’espoir, gage de la première victoire des noirs dans leur quête de droits civiques. Un succès, néanmoins, de courte durée. En effet, ce n’est que quelques jours après que des résistants sudistes, hantés par l’issue du conflit et par la perspective de l’émancipation des noirs, donnent vie au Ku Klux Klan. Très présent jusqu’en 1950, le KKK aura su fédérer, recueillant en son sein plus de 5 millions de sympathisants à son apogée. Elle aura également réussi à mettre à exécution, en partie, son plan d’éradication. On lui imputerait plus de 4 000 assassinats. Du coté du sud de l’Amérique , l’attachement à l’esprit de la confédération ne s’est pas arrêté là. En témoigne l’édification de statues au XXème siècle dans plusieurs villes américaines, venant rendre hommage à des personnalités sécessionnistes. Ainsi, si ce conflit est révolu officiellement depuis 1865, les stigmates, eux, sont toujours apparents de nos jours. 

          Statue de Jefferson Davis, président de la confédération, cible des manifestants, en marge du mouvement de protestation contre l’affaire George Floyd, en juin dernier. ( Dylan Garner / Richmond Times dispatch )  

Une fracture raciale que personne n’est parvenu à rompre. Même Barack Obama, alors premier président noir des Etats-Unis et porte voix des minorités et de la question raciale, s’est montré impuissant. Mais qu’en est t-il des candidats à la présidence 2020 ? 

Trump et la stratégie du “ law and order “  

La méthode de Trump est claire et concise : il faut à tout prix restaurer l’ordre quitte à aggraver la fracture raciale. Confronté au cours de son mandat au cas de George Floyd et à l’affaire Jacob Blake, le chef de la première puissance mondiale s’est montré impassible, promettant un recours absolu à la force en vue d’assurer la sécurité. L’ayant affirmé publiquement, il se présente comme le candidat du respect de la loi et de l’ordre.

Une stratégie savamment illustrée dans son discours de réaction au décès de Georges Floyd où il apparaissait « une main sur la loi“, en brandissait la bible et “une main sur le revolver“, entouré d’un dispositif de sécurité renforcé. La dépêche d’unités de police militaire afin de réprimer les émeutes, a pourtant, conduit à une escalade des tensions. Il a d’ailleurs assuré que les intrus à la maison blanche auraient été accueillis avec les chiens les plus méchants et les armes les plus menaçantes”. Une solution qui semblerait à double tranchant car elle s’accompagnerait d’une escalade dans les tensions des relations inter-communautaires. 

Du coté de la communication politique, le président n’a pas fait fait preuve d’une véritable habilité, se montrant même offensant pour certains. Peu après l’événement, il a fait une prise de parole remarquée : “J’espère que George nous regarde de là-haut en pensant que ce qui arrive au pays est grandiose. C’est un grand jour pour lui, c’est un grand jour pour tout le monde. […] C’est un grand jour en termes d’égalité“. Les reproches ont alors fusé envers le chef républicain, préférant vanter le rebond économique que de prendre au sérieux cette bavure policière. À ce titre, quant à l’affaire du 23 août dernier, Donald Trump s’est risqué à une comparaison déroutante : “ Tirer sur un gars dans le dos plusieurs fois… Ils n’auraient pas pu faire quelque chose de différent ? Ils n’auraient pas pu le combattre ? Je veux dire, en attendant, il aurait pu chercher une arme. […] Ils ont craqué, comme dans un tournoi de golf, ils manquent un putt d’un mètre“. Son fils quant à lui s’est permis de retweeter le casier judiciaire du prévenu, ce qui en nous en dit davantage sur l’état d’esprit de l’actuel président. 

En empruntant cette démarche, il cultive cependant l’attrait de rassurer sa base conservatrice. Trump reprend en réalité des codes bien établis, qui lui avait d’ailleurs permis d’être élu en 2018. En exploitant le thème de l’insécurité et des violences urbaines, il donne assurément raison à une partie de la classe blanche apeurée par l’idée d’une immigration massive. 

Biden, le candidat des minorités ?

L’approche semble tout autre du côté du candidat démocrate. Il veut se montrer plus rationnel et mesuré dans son action. Réfutant un usage excessif de la force, l’apaisement des tensions et davantage de concertations sont ces maîtres-mots. On pourrait aisément penser sur ce sujet que la tâche du clan démocrate est facilitée ; l’électorat noir étant manifestement déjà acquis au parti en question. Pour autant, il est prêt à parier que les minorités ne vont pas se contenter de regarder la couleur du parti pour être conquis. Il faut une concrète mobilisation et l’ancien vice-président de Barack Obama a l’air de l’avoir bien saisi. En qualité d’opposant politique, il s’est déjà investi sur le sujet en se positionnant sur le cas Jacob Blake. A contrario de Trump, il fit de preuve de réactivité, exigeant le lancement d’une enquête pour que la transparence soit faite et que les policiers rendent compte de leurs actes. 

D’autre part, les américains ont pu constatés que ses ambitions sur le sujet étaient grandes. Dans le cadre d’un message publié sur Twitter, à l’occasion de la fête nationale américaine, Biden s’est montré conquérant, arguant être à même d’enrayer la problématique du racisme systémique qui perdure “depuis plus de 240 ans“. L’histoire américaine n’est pas un conte de fées. La bataille pour l’âme de cette nation est un push-and-pull constant depuis plus de 240 ans. Mais c’est une bataille que nous pouvons et allons gagner ensemble“. Autre atout de son coté, la part des minorités est en constante hausse sur ces dernières élections et devrait représenter 30 % de l’électorat américain en novembre. La population latino-américaine est, elle, en nette augmentation dans les “ swing States  » (l’Arizona, le Wisconsin, la Pennsylvanie, la Caroline du Nord et la Floride). Des états indécis qui sont majeurs dans l’issue du scrutin. 

La nomination de Kamala Harris en tant que colistière est un réel message adressé aux minorités. La sénatrice de Californie pourrait, en outre, officier comme la première femme vice-présidente. De plus, n’en déplaise à M. Trump, cette élue de 55 ans est née de parents immigrés, d’une mère indienne et d’un père jamaïcain. Elle reflète le renouveau et la vision progressiste que souhaite insuffler le leader démocrate à sa campagne. Un choix qui a su ravir les plus fervents sympathisants démocrates. Dans cette perspective, Biden a donc vocation à promouvoir le dialogue et engager des changements profonds pour réintégrer les minorités dans la société et le processus politique. Un chantier qui se révélerait titanesque pour le clan démocrate, tant l’idée d’une société américaine régie par la cohabitation entre tous les américains semble utopiste.  

En définitif, le racisme systémique est sans nul doute une thématique clé de cette élection qui s’annonce serrée. Aux deux candidats de l’exploiter au mieux pour espérer convaincre de nouvelles voix dans « l’élection la plus importante dans l’histoire de notre pays » selon Donald Trump. 

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Journaliste sportif, politique et société
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