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Législatives marocaines : manipulation royale et extrémisme religieux

 

La campagne pour les élections législatives a commencé officiellement le 24 septembre. Le parti de la justice et du développement (PJD, islamiste) au pouvoir depuis 2011 doit faire face à de nombreuses accusations du parti authenticité et modernité (PAM, centre-gauche). C’est une lutte qui semble biaisée. Le PJD bénéficierait du soutien de prédicateurs intégristes tandis que le PAM du support peu discret, et illégal, du pouvoir royal.

Pour les législatives, le PJD se définirait comme étant « à référentiel islamique et non islamiste »

Qu’est ce que le Parti de la justice et du développement ?

Le PJD est arrivé au pouvoir en 2011 au début du Printemps Arabe. Le roi Mohamed VI avait alors dû réformer la constitution et faire tenir des élections législatives anticipées afin de calmer la colère de la rue. Le peuple demandait plus de libertés et de transparence dans la vie politique. Ces élections ont alors été remportées haut la main par le PJD. Le parti a ensuite pu confirmer sa popularité aux élections  locales et régionales de 2015, s’emparant alors de certaines villes.

LePJD  bénéficie notamment de l’image d’un parti propre, qui n’est pas touché par la corruption et le clientélisme. De plus les membres du parti refuse le terme d’islamistes. Il peuvent donc ainsi assoir leur présence dans les villes mais également au sein de la classe moyenne marocaine. Celle-ci est plutôt modérée sur les questions religieuses. Cependant il est difficile d’évaluer la popularité du parti aujourd’hui, les sondages d’opinions étant interdits au Maroc.

 5 ans de PJD au pouvoir, un bilan mitigé

Le parti a permis un retour à la stabilité mais les engagements économiques n’ont pour la plupart pas été tenus. En fait, ces 5 dernières années ont surtout été caractérisées par un très certain immobilisme politique. Très peu de réformes on été votées. Parallèlement, les éléments islamiques du programme n’ont fait que de timides apparitions.

De fait, il s’agit avant tout d’un parti conservateur. Il fige le débat sur la plupart des questions de société plutôt que de trancher. Ainsi la condition des femmes ne s’est pas améliorée et à même parfois empirée, pour ce qui est du nombre de femmes élues par exemple. On peut aussi évoquer le cas d’un procès contre deux femmes pour atteinte aux moeurs. Il leur avait été reproché d’avoir des robes trop courtes. Ces positions ne sont pas intrinsèque au parti. Elles correspondent à une grande partie de la population marocaine dans laquelle on observe une forte résurgence du conservatisme depuis près de 10 ans.

le secrétaire général du PJD lors d'un meeting à Tanger en Novembre 2015 crédit image : reuters

le secrétaire général du PJD lors d’un meeting à Tanger en Novembre 2015
crédit image : reuters

Le PAM, vers une bipolarisation de la vie politique marocaine

Le PAM serait l’alternative au PJD, il a été créé en 2008 en opposition à la croissance de l’islamisme dans la vie politique marocaine par Fouad Ali El-Himma, très proche du Makhzen, le pouvoir royal. Mais suite au violent échec qu’il essuie en 2011, il doit alors quitter le pouvoir. Ce parti d’inspiration progressiste libéral serait aujourd’hui théoriquement le deuxième parti le plus important du pays. Il est possible de douter de ce classement. En effet le parti bénéfice d’une sur-médiatisation de la part des chaînes d’États contribuant ainsi à surévaluer l’importance du parti. Ce parti bénéfice également d’un réseau d’influence important dans l’élite marocaine et également à l’échelle locale. Il compte d’ailleurs le plus de conseillés communaux.

Ce parti est donc celui qui fera face au PJD le 7 octobre, le  reste des partis se contenteront sauf quelques rares exceptions à se rattacher au PJD ou au PAM.

crédit image : MAP législatives maroc

un congrès du PAM en Janvier 2016, crédit image : MAP

Des élections législatives sous haute tension

Depuis 15 jours, des scandales et des accusations ne cessent de faire la une de la presse marocaine. Ainsi, le PJD se dirait victime d’une cabale politique orchestrée par l’entourage du Roi et le PAM. L’affaire remonte au 10 septembre, lorsque le palais royal publie un communiqué dans lequel il remet sèchement en place le ministre de l’habitat, Nabil Benabdellah, membre d’un parti de gauche allié du PJD. Il avait publiquement accusé le PAM d’être aux ordres du palais, en pointant du doigt le fondateur du parti authenticité et modernité, Fouad Ali El-Himma, lui même extrêmement proche de Mohammed VI. Le roi n’aurait alors pas supporté l’affront.

Cet événement qui peut sembler anodin est extrêmement rare, tout particulièrement moins d’un mois avant des élections législatives. Le roi  doit être théoriquement un arbitre de la vie politique marocaine mais ne peut soutenir publiquement un parti.

Le PJD, un parti « d’islamistes radicaux » d’après le PAM

Mais les choses ne s’arrêtent pas là. Pour Ilyas El-Omari, le leader du PAM, le PJD aurait un agenda caché visant à instaurer un État islamique au Maroc. Le PJD n’aurait pas pu l’appliquer de 2011 à 2016 car il ne bénéficierait pas d’une coalition suffisamment puissante pour mettre en place son programme.

La société marocaine ne serait pas encore tout à fait favorable à un Islam rigoriste touchant à tous les aspects de la société. Mais pour Ilyas El-Omari, le risque serait réel. Le PJD serait en mesure d’appliquer un programme radical si il parvient à obtenir une majorité absolue à l’Assemblée. Ilyas El-Omari aurait d’ailleurs déclaré en parlant du PJD : « Récemment, le Premier ministre (membre du PJD ,ndlr) a dit se référer, en sa qualité de chef du parti, à la doctrine d’Ibn Taymiyya ». Il s’agit d’un théologien sunnite du XIVe, souvent instrumentalisé par certains groupes jihadistes et également utilisé par les frères musulmans.

Une campagne politique « sale »

Pour rajouter de l’huile sur le feu, une marche anti-PJD a eu lieu le 18 septembre à Casablanca. Pourtant aucun mouvement politique ne revendique ce rassemblement et les organisateurs restent anonymes. Les regards se sont alors tournés vers le palais royal et le PAM.

législatives maroc

La marche anti PJD du 18 septembre, Casablanca. Source: Reuters

D’après les militants du PJD, le parti serait victime de « forces de l’ombre »,  et parle également de      « tahakoum » (autoritarisme) de la part du pouvoir royal.

Le PAM de son côté tenterait de faire oublier l’image de parti au service du roi, mais cela semble difficile. L’image d’un parti corrompu et anti-démocratique lui colle à la peau. Enfin c’est une affaire de moeurs qui a touché le PJD la semaine dernière. Deux élus du PJD, chacun mariés ont reconnu avoir une relation extra-conjugale, discréditant ainsi le parti sur sa propre politique familiale extrêmement traditionaliste.

Dimanche dernier, le PJD a tenu son premier grand meeting à Rabat et a rassemblé plus de 10 000 partisans. Pour eux, la victoire semble certaine mais la réalité est tout autre. Il est très difficile à l’heure actuel de distinguer un favori.

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