A la veille de la commémoration du 99e anniversaire du commencement du génocide arménien, le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, présente les condoléances de la Turquie « aux petits-enfants des Arméniens tués en 1915 » lors des massacres perpétrés contre cette communauté par l’Empire Ottoman. Sommes-nous en train d’assister à une déclaration historique de la part du Premier ministre turc ou n’est-ce qu’une manœuvre politique ?
Telle est la question que l’on pourrait se poser au vu du communiqué du Premier ministre Erdogan. En effet, le chef du gouvernement turc fait pour la première fois directement référence aux événements survenus entre avril 1915 et juillet 1916.
Un génocide arménien toujours pas reconnu par l’Etat turc
« On ne peut contester que les dernières années de l’Empire ottoman aient été une période difficile, entrainant des souffrances pour des millions de citoyens ottomans, turcs, kurdes, arabes, arméniens et autres, quelle que soit leur religion ou leur origine ethnique. » soutient le Premier ministre turc. Il semble qu’un langage nouveau se mette en place dans un contexte politique où le négationnisme reste de prime. La stratégie de la Turquie paraît avoir changé sur cette question.
Admettant la souffrance de la population arménienne pendant le conflit, il n’en reste pas moins qu’aucune reconnaissance du génocide n’a été affirmée, le mot n’ayant pas été prononcé.
Un communiqué prononcé au nom de la « libre expression en Turquie »
Prononcé sous l’égide de la liberté d’expression, cette déclaration ne semble pourtant pas aller dans le sens d’une libération de la parole autour du génocide. En effet, après les blocages récents de Twitter et de Youtube, et une multiplication des arrestations de journalistes, la liberté de la presse est loin d’être acquise. Il ne faut pas oublier que le pays est situé à la 154e place sur 180 selon le « Classement mondial de la liberté de la presse » établi par Reporters sans Frontières en 2014.
L’instrumentalisation des médias laisse donc présager une instrumentalisation de l’opinion publique. Le rejet pur et simple du génocide n’est plus admis dans un contexte où, d’une part, la Turquie veut entrer dans l’Union Européenne, et d’autre part, une partie de la société civile turque est prête à reconnaître l’existence de cet épisode très sombre de l’histoire turque.
Ainsi, la stratégie politique du gouvernement turc paraît aller dans le sens d’une volonté d’apaisement tout en maintenant un négationnisme caractérisé. Dès lors, le questionnement sur sa sincérité reste de mise, même si un bol d’air frais a été accordé, aussi court soit-il, à une communauté arménienne qui s’apprête à fêter l’anniversaire du centenaire l’année prochaine.
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