Puisqu’aucun homme n’a une autorité naturelle sur son semblable, et puisque la force ne produit aucun droit, restent donc les conventions pour base de toute autorité légitime parmi les hommes« . Rousseau, dans le Contrat Social, Livre I, chapitre 4.
Cette conception du droit, plus loin considérée comme un contrat entre les hommes, fut élaborée et pensée dans le but d’établir la paix sociale. Plus largement, dans une société les normes fixées par l’Etat sont là pour permettre la cohésion, le bon fonctionnement de celle-ci. Ainsi, la justice est affaire d’une autorité supérieure au peuple ; tout comme la violence légitime, celle de l’Etat.
L’homme en société (pris comme animal social) s’oppose donc à l’homme à l’état de nature, il n’y a plus de « œil pour œil, dent pour dent » qui tienne, les hommes au fur et à mesure des siècles ont appris à ne pas se faire justice eux-mêmes, mais à s’en remettre à l’Etat protecteur. En principe.
Car, que devenons-nous penser du déplacement du camp de Roms aux pieds de la cité des Vergers de Saints Louis dans le XVe arrondissement de Marseille ce 27 septembre ? « Des démantèlements de camps, il y en a toutes les semaines ! ». Oui, par les forces de l’ordre. Mais jeudi 27 septembre (seulement trois jours après leur arrivée), ce sont pour la première fois des habitants qui se sont eux-mêmes chargés du « sale boulot », décidant après quatre jours de chasser des familles, allant même jusqu’à incendier les lieux de leur campement. Tout cela, sans complexe.
Mais comment qualifier ce geste, si ce n’est sous un signe de méfiance, de peur, et de crainte de « l’autre ». Certes, cela révèle en premier lieux le manque de prise en compte des pouvoirs en place, n’ayant pas réagi à temps aux appels répétés des habitants de la cité, ce qui fut d’ailleurs l’angle d’attaque principal des médias qui couvrirent l’événement. Mais quatre jours…
En effet, cette solution « prise dans l’urgence » met, en réalité, la lumière sur un phénomène d’ostracisation qui tend à s’amplifier en France comme dans certains pays d’Europe, rejetant « l’autre » au delà de nos frontières sociales et physiques.
Ici, les hommes remplaçant les forces de l’ordre dénaturent l’acte de « démobilisation ». En effet, démobiliser des gens, les « chasser » même, ne peut être toléré comme une affaire d’hommes à hommes. Car sous quel prétexte un homme peut-il s’avérer supérieur à un autre ? Quel simple citoyen possède un pouvoir légitime sur un autre ? Les marseillais de la cité des Vergers de Saint Louis sont pour sûr citoyens français et possèdent donc plus que les Roms un droit de logement sur le sol de l’héxagone, mais rien ne légitime la violence de leur acte qui malheureusement est passée à la trappe médiatique.
De plus, cet acte « extra-ordinaire » traduit également une tendance à la déshumanisation qu’une certaine frange de la population semble accorder à nos voisins roumains. « On a tout brulé (…) c’était sale » avec « une odeur terrible ». On peine à croire que ces gens parlent là de familles.
Tout cela nous montre alors que la population ne semble pas avoir saisi le problème que les « Roms » constituent pour l’Etat Français (d’ailleurs très critiqué sur sa politique), soit un problème d’intégration. En effet, par leur implication directe ces français traduisent ici un besoin de prendre le rôle des autorités pour traiter « un mal ». Un mal qui pourrait être autant imputé à la sur-médiatisation de la politique sévère à l’encontre de ces populations, qu’à l’erreur politique même de ne pas résoudre le problème dans le bon sens.
Finalement, cet événement ne semble être que la partie visible de l’iceberg de stigmatisation et de haine qui agite de nombreux pays aujourd’hui , révélant une violence qu’il serait dangereux de négliger, même dans un contexte de crise où le radicalisme prime.
Clara Losi