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Les guerres oubliées (3/3) : les clés du conflit au Yémen

Depuis 2014, une guerre civile dévaste le Yémen. Le pays vit « la situation humanitaire la pire au monde » selon l’ONU. Voici l’histoire d’une guerre devenue internationale, mais qui reste pourtant une guerre silencieuse.

Depuis 8 ans, le Yémen s’est enlisé dans une guerre civile qui a fait au moins 350 000 morts selon les chiffres de 2021 de l’ONU. Ce sont les conséquences du conflit sur les populations qui sont les plus meurtrières : 75% des civiles ont besoin d’aide humanitaire d’urgence. Ce conflit n’est plus aujourd’hui une simple guerre civile, il s’est internationalisé et est devenu un terrain d’affrontement pour les puissance du Golfe.

Les racines de la guerre

Le Yémen est un jeune pays, créé en 1990. Au début des années 2000, les chiites du Nords du pays entrent en conflit avec le pouvoir central. En effet, le Yémen est majoritairement sunnite, mais 40% de sa population est chiite. Cette minorité se sentait mise à l’écart. Le meneur des contestataires, Hussein Badreddin Al-Houthi donne son noms aux rebelles : ce sont les « houthistes ». La répression du gouvernement est sévère, mais les affrontements continuent.

2011 : le printemps arabe gagne aussi le Yémen. Comme en Tunisie, en Egypte ou en Syrie, les Yéménites descendent dans la rue. Etudiants et Houthistes s’allient pour demander le départ du président en place depuis 34 ans. Sous pression internationale, Ali Abdallah Saleh quitte son poste. C’est son vice-président, Abd Rabbo Mansour Hadi qui lui succède, initialement pour un mandat de deux ans, le temps de faire la transition démocratique. Mais au bout de deux ans, rien ne change.

Des projets divergents pour le nouveau Yémen

Pour reconstruire le Yémen après la révolte du peuple, une solution est proposée : transformer le pays en un Etat fédéral avec six provinces. Le projet prévoit que le gouvernorat de Saada, où sont concentrés les Houthiste soit élargi au sud. Mais les rebelles refusent : ils demandent une région qui soit en leur totale possession avec un accès à la mer.

A l’été 2014, les Houthistes reprennent les armes et s’allient avec les pro Saleh. Ils étendent leur influence sur toute la partie Sud de Yémen, prenant Sanaa la capitale. En janvier 2015, ils assiègent le palais présidentiel et Hadi, le président en place, part en exil en Arabie Saoudite.

Une guerre civile devenue internationale

Avec le départ du président, la guerre a pris une toute autre ampleur. Le Yémen est devenu le terrain d’opposition indirecte de l’Arabie Saoudite et de l’Iran, deux pays traditionnellement ennemis qui veulent étendre leur influence.

L’Iran, pays chiite, était soupçonné de financer les rebelles Houthistes depuis les années 2000. L’Arabie Saoudite refuse de laisser son rival étendre l’influence chiite à ses frontières. Elle crée une coalition de pays arabes sunnites avec le Maroc, l’Egypte, le Soudan, les Emirats arabes unis, le Bahreïn, le Qatar, le Koweït et le Pakistan. L’opération militaire, appelée « Tempête décisive », est initialement appuyée par une résolution de l’ONU. Les Etats-Unis fournissent une aide logistique et une aide de renseignement. L’Arabie Saoudite assure que l’objectif est « défendre le gouvernement légitime d’Hadi« . Sauf qu’Hadi n’a pas grand chose de légitime..

En mars 2015, les bombardements du Yémen par l’Arabie Saoudite commencent. Le président iranien condamne une « agression militaire » et une « démarche dangereuse », et supporte d’autant plus les houthistes. L’intervention, qui ne devait durer que quelques semaines, est toujours en cours aujourd’hui. Tous les partis en place sont accusés de procéder à des crimes de guerre.

La situation en juin 2015• Crédits : Visactu

Le Yémen, un terreau fertile pour le terrorisme

Dès 2011, le désordre du pays a permis à la branche locale d’Al Quaïda de s’y implanter. Pendant un an le groupe djihadiste a même administré Moukalla, un port du Sud-Est du Pays, qu’elle a transformé en mini-Etat, avant d’être délogé par la coalition en avril 2016.

Les Emirats Arabes Unis mènent des frappes intensives avec l’aide de drones américains contre les djihadistes. Mais l’organisation prospère grâce à la guerre : elle recrute de nouveaux militants et s’enrichit.

L’effondrement de l’Etat

Un rapport de l’ONU en 2018 montre que l’Etat du Yémen a pratiquement cessé d’exister. Son contrôle du territoire est quasi-inexistant : si le Nord est contrôlé par les Houthi-Saleh, le sud est composés de zones divisées autonomes et violentes, animées par des mouvements séparatistes.

L’Etat ne distribue plus les salaires à la plupart des fonctionnaires des zones rebelles depuis 2016. Aucun contrôle sur l’économie n’est possible : les prix ont flambé et les trafics en tout genre se sont multipliés. La cause : la coalition impose un blocus sur le premier port du pays, Hodeida, tenu par les Houthistes. Cet acte, une violation du droit humanitaire, affame le pays et empêche qu’une aide humanitaire soit mise en place.

La pire crise humanitaire au monde

Les conséquences de cette guerre sont terribles : les infrastructure sont dévastées et les populations affamées. Selon l’ONU, qui réclame la levée du blocus, 22 millions de personnes ont un besoin d’aide humanitaire urgente, pour une population totale de 28 millions de personnes. Plus de 11 millions de personnes souffrent de la famine.

L’OMS a également montré que la guerre avait permis le développement du choléra. Les conséquences de cette maladie ont été énormes en raison du manque d’accès aux soins et à l’eau potable. Plus de 2000 Yéménites sont morts du choléra en 2017.

Plusieurs cycles de négociations ont eu lieux entre le gouvernement yéménite et les houthistes, sans résultat.

A lire aussi : Les guerres oubliées (2/3) : les clés du conflit en Ethiopie

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