Comme le nom du prochain Bond, Seriefonia s’est fait attendre mais pour mieux vous régaler avec cette spéciale « Bond » … James Bond.
SERIFONIA, SEASON 8 OPENING THEME by Jérôme Marie
Oui, je sais, elle arrive un peu en retard… Mais ne m’en veillez pas, c’est bon… la voici, la voilà… C’est la huitième saison déjà. Et c’est toujours… SérieFonia.
[The Name’s Bond… James Bond, from Casino Royale by David Arnold]
Vivien : “Allo ?”
Tristan : “Mister White, We need to talk.”
Vivien : “Who is this ?”
Tristan : “The Name is Bond… James Bond.”
[Dr. No’s Fantasy, from Dr. No by Monty Norman Orchestra]
Peu importe que vous soyez plutôt Sean, Georges, Roger, Timothy, Pierce ou Daniel… S’il y a bien un élément qui a su traverser les âges sans jamais trahir le matricule, c’est bien la musique. On l’attribue souvent exclusivement à John Barry… Et c’est d’ailleurs quasiment vrai… Mais, en réalité, pas moins de dix compositeurs se sont succédé pour mieux relever les défis musicaux qu’impliquent les 25 aventures cinématographiques officielles de l’agent secret de sa Majesté : double-zéro-sept (prononcé à l’anglaise). C’est pourquoi la présente émission vous sera proposée en deux parties… Celle que vous écoutez actuellement s’étendra de la sortie de Dr. No en 1962 à celle de Tuer n’est pas jouer en 1987… Et la seconde, qui sera diffusée dès le mois prochain, ira de Permis de Tuer en 1989 jusqu’à, naturellement, Mourir peut attendre en 2021. Eh oui, deux SérieFonia… Il n’en fallait pas moins pour faire honneur à la grande richesse musicale qui accompagne la saga depuis ses tout débuts…
[Audio Bongo, from Dr. No by Monty Norman]
Lorsque Monty Norman est approché au début des années 60 par les producteurs Albert R. Broccoli et Harry Saltzman, alors en quête d’un compositeur pour le premier volet de ce qui deviendra très vite la saga cinématographique James Bond, le musicien est le premier surpris. Il faut dire qu’il a débuté sa carrière en tant que chanteur dans des big bands ; seulement quelques années auparavant et que, côté écriture, il se spécialise plutôt dans l’art des comédies musicales… Aussi, lorsqu’il est invité à venir s’imprégner de l’atmosphère du tournage en Jamaïque, avec sa femme et tous frais payés, il est bien décidé à faire tout ce qu’il peut en vue de relever ce nouveau défi et, par là-même, cette nouvelle opportunité de vie.
[Underneath the Mango Tree, from Dr. No by Monty Norman]
Alors qu’il entreprend de composer les morceaux dits « locaux » ou « folkloriques », tels que Underneath the Mango Tree que les acteurs ont besoin de pouvoir chanter directement sur le plateau, il est également personnellement invité par l’auteur et créateur du personnage-même de 007, Ian Flemming en personne, qui le reçoit dans sa propriété de Goldeneye… Une villa d’Oracabessa… qui ne donnera son nom à un film que bien des années plus tard, en 1995. Norman est aux anges… Il engage même des musiciens autochtones pour interpréter les morceaux… Mais… Pour ce qui est de donner une véritable identité à ce héros atypique… Disons que c’est une autre paire de manches. Etonnement, quand il pense à Bond, il lui revient sans cesse en tête cette chanson originellement écrite pour le spectacle décliné du roman Une Maison pour Monsieur Biswas…
[Bad Sign, Good Sign, from A House for Mr Biswas by Monty Norman]
Oui… Aussi improbable que cela puisse paraître… Tout vient de là. Le hic, c’est que… Bah on est quand même pas mal hors sujet, là, non ? C’est en tout cas ce que se disent les producteurs. Qui décident… d’appeler quelqu’un d’autre à la rescousse. Et le moins qu’on puisse dire… C’est qu’ils ont bien fait.
[James Bond Theme, from Dr. No by Monty Norman & John Barry]
Sur le conseil de l’un de leur collègue mélomane de chez United Artists, Harry & Cubby se tournent vers un certain… John Barry. Pourtant, vu de loin dans le noir, ce dernier semble avoir un peu le même profil que Monty Norman… Car lui aussi s’est fait connaître grâce à un big band : le John Barry Seven. Et c’est d’ailleurs avec ces mêmes musiciens et partenaires que Barry va enregistrer ce premier morceau pour Bond ; sans se douter qu’il deviendra à ce point iconique. Toutefois, il ne reste crédité qu’en qualité d’arrangeur sur ce premier film. Pire : les producteurs ne songent même pas à lui pour prendre la relève de Norman à partir du second volet, qui débarque dès l’année suivante : Bons baisers de Russie.
[From Russia With Love, from From Russia With Love by Lionel Bart]
Le fait est qu’ils ont déjà confié la chanson d’ouverture (interprétée par Matt Monro) à celui à qui l’on doit le Musical Oliver! De 1960 : Lionel Bart. Et puisque celui-ci se charge du générique, autant qu’il fasse tout le reste, non ?! Sauf que, là aussi, petit problème : Lionel Bart, bien qu’étant compositeur, ne sait en réalité ni lire ni écrire la musique… Ce qui peut passer quand on travaille seul… Mais beaucoup moins lorsque l’on s’atèle à une production cinématographique de l’envergure de Bond. Parce que oui, Dr. No a rencontré un succès inattendu. Particulièrement en Angleterre… Sean Connery est instantanément devenu la nouvelle coqueluche de ces dames et le modèle à suivre pour ces messieurs… Moralité : la suite doit pouvoir tenir la cadence. De mini-phénomène, James Bond doit devenir un incontournable. De « simple » espion… Devenir un héros.
[007, from From Russia With Love by John Barry]
Appelé une nouvelle fois à la rescousse, John Barry dégaine ses sonorités plus incisives, plus modernes, presque rock n’roll… qui tranche d’entrée avec les sonorités plus légères d’un Dr. No. Avec Bons Baisers de Russie, le « son » Bond est né. Le thème est désormais un hymne. J’ose le jeu de mot : un « morceau » de cinéma. Ni plus ni moins. Désormais, l’Aura de 007 passe inexorablement par la musique. Barbara Broccoli, fille d’Albert et future productrice de la saga, dira d’ailleurs de John Barry qu’il « est l’un des éléments moteurs du monde de James Bond, car c’est un personnage solitaire et qu’il faut lui donner une identité grâce à différentes choses, comme la musique ».
[James Bond with Bongos, from From Russia With Love by John Barry]
La machine est définitivement lancée… Le monde entier est au courant : désormais, ce sera un film de James Bond par an. Au moins jusqu’en 1965. Dr. No a posé les bases. Bons Baisers de Russie les a sublimées… Et, en 1964, Goldfinger s’apprête à les transcender… Notamment grâce à un John Barry bien décidé à imposer sa marque comme jamais personne ne l’avait fait sur une franchise auparavant. Et ça commence par le fait de garder le contrôle sur la chanson d’ouverture… D’autant que les somptueux génériques ressemblent de plus en plus à de véritables petits films dans le film… D’authentiques œuvres d’art aussi abstraites que sexy… qui contribuent tout autant à imposer cette fameuse « marque de fabrique 007 » que la musique elle-même. A partir de Goldfinger… et ce, jusqu’à Octopussy en 1983 (avec, toutefois, de petites exceptions en 1973 sur Vivre et Laisser Mourir, en 1977 sur L’Espion qui m’aimait, et en 1981 sur Rien que pour vos Yeux), John Barry va donc s’assurer d’écrire non seulement les musiques de chacun des films, mais aussi leurs chansons-titres. Les mélodies de ces dernières pouvant donc dorénavant se fondre à celles des partitions globales de manières fluide, logique et viscérale… y compris dans les moments d’action.
[Dawn Raid on Fort Knox, from Goldfinger by John Barry]
Quatre trompettes, cinq trombones, quatre cors, un tuba et une Shirley Bassey pour parachever le tout : Goldfinger s’impose instantanément en quintessence bondienne… et restera à jamais pour Barry son James Bond préféré. En tout cas, celui sur lequel il se dit le plus fier du devoir accompli au service de sa Majesté… Guy Hamilton, le réalisateur du film, avouera d’ailleurs n’avoir quasiment pas collaboré à la musique… Il aimait, respectait et faisait toute confiance à Barry, qu’il a laissé œuvrer tranquillement (et rapidement) dans son coin. Grand bien lui en a pris, tout est là : l’aventure, la passion, la violence, le suspense… Le tout orchestré au shaker et surtout pas à la cuillère…
[The Death of Goldfinger/End Titles, from Goldfinger by John Barry]
Malgré ses déboires avec la production, Sean Connery (qui se sent floué financièrement parlant) enchaîne les films Bond à une vitesse vertigineuse. Après les trois premiers, Opération Tonnerre débarque en 65 et On ne Vit que Deux Fois en 67. Fidèle au poste, John Barry continue de le pârer de son meilleur smoking musical ; même s’il aimerait bien – parfois – commencer à sortir des sentiers battus. Pour Opération Tonnerre, il envisage une chanson inspirée du surnom dont les Italiens ont affublé l’agent secret : « Mr. Kiss Kiss Bang Bang ». Il va d’ailleurs jusqu’à l’enregistrer, avec Dionne Warwick, mais face à la volonté des producteurs de pouvoir compter sur l’impact d’une chanson titrée en miroir du film, il change son fusil d’épaule. La formule reste donc inchangée, mais elle n’en est pas moins efficace. Sur terre… comme sous la mer…
[Underwater Mayhem, from Thunderball by John Barry]
Depuis la fin du tournage de On ne vit que deux fois, la tension est à son comble entre producteurs et comédien. Sean Connery en a marre et n’a de cesse de le faire savoir. Au point même de dire… Jamais, plus jamais. Hum… Le genre de phrase qu’on est sensé dire qu’une fois… Un coup de gueule… Doublé d’un coup de bluff… Qui fait flop. Car pour Albert R. Broccoli et Harry Saltzman, ce n’est pas l’homme qui fait le Bond mais plutôt le Bond qui fait l’homme. Ils en sont convaincus : bien habillé et bien maquillé, n’importe qui peut devenir l’agent 007 ! Alors… Prenons le premier mannequin qui passe et ça fera surement la blague. Et puis, un bleu… Au moins, ça ne nous fera pas chier ! Hi, hi, hi… Les pauvres… S’ils avaient su, ils n’auraient jamais fait une telle… Connery (oui, désolé, fallait bien que je la place à un moment ou à un autre).
[This Never Happened to the Other Fella, from On Her Majesty’s Secret Service by John Barry]
A propos d’Au service secret de sa Majesté, John Barry dira : « Quand George Lazenby a été choisi pour remplacer Sean Connery, je suis revenu au thème de Bond. Mon but était de rendre Lazenby aussi bondien que possible par le biais de la musique ». Voilà… Aussi bondien que possible… Tout à coup, on en est là. Parce que oui, ça crève l’écran : Lazenby n’est pas Connery. Certes, physiquement, il peut passer pour Bond… Mais en termes de jeu… Restons gentils et disons simplement qu’on est loin du compte. Et, malheureusement, ça se confirme immédiatement… Dès les premières secondes… Dès le « Gun barrel »… Maladroit, maniéré et posant un genou à terre pour un « meilleur » effet tape à l’œil… Un geste inutile et tout sauf crédible en cas d’action… dont le premier message qu’il envoie (malgré lui) aux spectateurs est : « Ouaip… ça va être compliqué. »
[Gun Barrel, from On Her Majesty’s Secret Service by John Barry]
Pour ceux qui ne le sauraient pas, ce qu’on appelle le « Gun Barrel », c’est cette courte séquence d’introduction donnant l’impression d’être filmée depuis l’intérieur d’un revolver, où la perspective du spectateur épouse celui de la balle, pendant que James Bond marche fièrement de profil (et de droite à gauche), avant de se tourner soudainement face caméra… et de tirer le premier. Présent depuis le tout premier film, à l’initiative du décorateur et artiste Maurice Binder, cet élément d’habillage de la saga contribue – au même titre que la musique et la séquence-générique – à assoir tout nouveau film officiel James Bond au sein de sa filmographie. Un passage obligé. Attendu et jubilatoire. Surprenant parfois. Surtout parmi les plus récents. Et qui, pour le coup, en fait du chemin… Depuis celui de Dr. No en 1962…
[Gun Barrel, from Dr. No by Monty Norman]
Jusqu’à celui de Mourir peut attendre en 2021…
[Gun Barrel, from No Time To Die by Hans Zimmer]
N’empêche, en dépit de l’attribution du rôle à George Lazenby (qui, de son propre aveu était autant en roue libre qu’hyper vaniteux au moment du tournage), Au service secret de sa Majesté reste l’un des meilleurs opus de la saga. Dynamique, servi par une excellente intrigue et mettant en vedette l’une des plus mémorable James Bond Girl de tous les temps (sublime Diana Rigg en irremplaçable Tracy), le film fonctionne envers et contre lui-même, tout en permettant à John Barry de s’essayer à de nouvelles prouesses… électroniques.
[Ski Chase, From On Her Majesty’s Secret Service by John Barry]
Les synthés ne substituent pas à l’orchestre. Au contraire, ils l’accompagnent. Le soulignent et assènent une puissance nouvelle aux couleurs musicales du spectre Bond… Oui, j’en suis plutôt fier de celle-là… Tout au moins, c’est là l’effet recherché par John Barry… Qui a également la grande idée de demander à Louis Armstrong, déjà très malade, de poser sa voix, rauque et fragile à la fois, sur les mots de We Have All The Time in the World… Une chanson marquante… Ecrite par Barry et Hal David, pour une séquence l’étant tout autant… Et qui, elle aussi, reviendra en écho déchirant bien des années plus tard.
[We Have All The Time In The World, from On Her Majesty’s Secret Service by John Barry & Hal David]
En dépit de son statut de film « malade », Au service secret de sa Majesté reste l’un des Bond les plus marquants. 007 y tombe pour la première fois réellement amoureux… Va jusqu’à se marier… et devenir veuf très rapidement dans la foulée. Le montage est dynamique et exécute même quelques prouesses afin de gommer au mieux le surjeu constant de Lazenby. La musique… continue de compter parmi les meilleures. Mais, malgré tout, il n’atteint même pas les 90 millions de dollars de recette… Quand On en vit que deux fois et Opération Tonnerre en rapportaient respectivement 111 et 140… Une dégringolade (somme toute relative dans la mesure où le film n’a couté que 7 millions) qui prouve bien que l’absence de Sean Connery dans le rôle pose problème. Pas le choix : Albert R. Broccoli et Harry Saltzman doivent ravaler leur fierté… avant de supplier leur Bond originel de revenir… et de lui accorder l’augmentation de salaire tant revendiquée…
[Moon Buggy Ride, from Diamonds are Forever by John Barry]
Un dernier tour de piste pour Connery… Enfin presque… qui réussit le pari escompté. Bien que le film ait longtemps été envisagé comme une suite directe à l’intrigue du volet précédent, il est finalement décidé de privilégier une aventure plus… autonome… tout en tentant de revenir aux origines du succès. Pour mieux y parvenir, Shirley Bassey est appelée au chant (extrêmement suggestif)… et Guy Hamilton (réalisateur de Goldfinger) à la mise en scène ; pendant que Sean Connery rend au personnage à la fois toute l’étendue de son charisme et de sa désinvolture cynique. Les diamants sont éternels devient alors le film le plus cher de la saga (7 200 000 dollars de l’époque) et en rapporte… 116 ! La courbe se ré-inverse. L’intérêt des spectateurs semble repartir de plus belle… Mais malheureusement, Sean Connery est clair : cette fois, c’est sûr, du haut de ses 41 ans, on ne le reverra jamais… plus jamais… dans le costume de 007. Cette fois, la franchise va devoir être capable de se réinventer… pour de bon.
[Live and Let Die, from Live and Let Die by Paul McCartney & Wings]
Car non seulement Sean Connery est bel et bien parti… Mais John Barry aussi. C’est donc toute l’identité de Bond, y compris musicale, qu’il va falloir réenvisager. Guy Hamilton, en revanche, reste derrière la caméra et la charte graphique inchangée… Petite subtilité toutefois : exceptée son apparition dans l’incontournable « Gun Barrel » d’ouverture, le nouveau 007 n’entre en scène qu’après la séquence de pré-générique et le générique. Son nom est désormais Moore… Roger Moore ; alors âgé de 46 ans. Et il s’impose à l’image tout en douceur… Au réveil, naturellement lové dans les bras d’une jolie femme. Pas de grande cascade ou de grande scène d’action. Le monde l’a déjà accepté. Il est Bond, point. Après la rudesse de Connery, le flegme de Moore s’impose donc en toute évidence, sous une douce lumière feutrée et une touche musicale beaucoup plus… romantico-jazzy…
[Bond to New York, from Live and Let Die by George Martin]
Roger Moore a bien failli devenir James Bond dès Au service secret de sa majesté, mais n’ayant pu se libérer des obligations télévisuelles ayant fait son succès (Le Saint d’abord et Amicalement Vôtre ensuite), l’affaire n’avait pu être entendue. Avec lui, c’est toute une nouvelle ère qui commence. Arrive le temps des gadgets et de bien plus de légèreté. Selon certains, on y perd. Selon d’autres, on y gagne. Toujours est-il que Vivre et laisser mourir est un carton. Avec ses 161 800 000 dollars de recette… C’est, en 1973, l’opus de loin le plus rentable de la franchise. Et il fallait bien un membre des Beatles pour fêter ça… Avec son tube interplanétaire, Live and Let Die, Paul McCartney aurait pu briser la règle instaurée par John Barry et voulant que ce soit le compositeur du film qui soit également en charge de la chanson. Mais le fait est que la tradition reste tout de même d’actualité. Certes, McCartney compose, écrit et enregistre la chanson personnellement mais, depuis le début des années 60, il a l’habitude de travailler avec le producteur George Martin ; que l’on surnomme souvent… Le cinquième Beatles.
[New Orleans, from Live and Let Die by George Martin]
Fidèle au poste, Martin officie à la production de la chanson et Broccoli et Saltzman ne restent pas insensibles à son apport. Après sept films, dont six à lui tout seul, John Barry est occupé ailleurs… Il leur faut donc un nouveau compositeur… et à quoi bon aller chercher plus loin que ce qui est juste là, devant nous ? Au sein de l’industrie, George Martin est presque une légende. Entre 1962 et 1970, il a produit, arrangé et même joué du clavier sur les plus grands tubes de Beatles. Jusqu’à cumuler pas moins de 30 « Number Ones » aux Hit-Parades UK et US. Pas mal pour un fils de charpentier, ayant appris la musique en total autodidacte dès l’âge de six ans ! Juste en écoutant du Rachmaninov et en tâchant de le reproduire au piano… Trois fois rien, quoi. Après la Seconde Guerre Mondiale, il décroche une bourse et s’inscrit enfin dans un vrai cursus à la Guildhall School of Music and Drama de Londres et choisit le hautbois comme instrument de prédilection. Après quoi, il embrasse une carrière de musicien classique à la BBC d’abord et à EMI ensuite.
[Solitaire Gets Her Cards, from Live and Let Die by George Martin]
En parallèle, il s’invente plusieurs pseudonymes afin de produire des albums plus… populaires… et collabore avec des artistes comme Peter Sellers ou Sofia Loren. Enfin, dès 1961, le manager des Beatles, Brian Epstein, se tourne vers lui dans l’espoir de convaincre EMI de les signer… Mais Martin est loin d’être conquis par ce qu’il entend (une réinterprétation d’une chanson traditionnelle écossaise) et rejette la proposition. Heureusement pour lui, Sid Coleman (directeur général d’une entreprise d’édition associée à EMI) se laisse quant à lui convaincre et impose le groupe à Martin en dépit de son refus initial. Quelques déboires et deux changements de batteurs plus tard… Le reste, c’est de l’Histoire… En plus de travailler sur leurs albums, George Martin se retrouve également compositeur de leur long-métrage Yellow Submarine. Une expérience qui le conduira à collaborer avec le réalisateur Mike Hodges sur son film Retraite Mortelle en 1972. Fort de toutes ces expériences, il est donc choisi pour succéder à John Barry et a, par conséquent, la lourde tâche de devoir respecter les fondations du passé tout en embrassant le radical changement de personnalité orchestré par Roger Moore…
[James Bond Theme (Film Version), from Live and Let Die by George Martin]
Malgré cette expérience, Martin choisira de ne pas faire carrière dans la musique de films… et ne signera que Les optimistes d’Anthony Simmon (également en 73) et Honky Tonk Freeway de John Schlesinger en 81. Au lieu de ça, il compose et produit des albums pour… Tiens, tiens… Shirley Bassey, Céline Dion ou encore Jeff Beck. Il travaille aussi avec Sting, Cher, Peter Gabriel… Il remporte pas moins de 6 Grammy Awards et est même fait Commander puis Chevalier par la Reine Elizabeth. En gros… ça va, quoi. Néanmoins, il perdra une bonne partie de son audition à force de travail… avant de s’éteindre paisiblement à l’âge de 90 ans en mars 2016. Vous l’aurez donc compris, lorsque James Bond revient (comme il le promet toujours) pour son neuvième film seulement un an plus tard, Martin ne rempile pas. Mais qui donc pour le remplacer ?
[Let’s Go Get ‘Em, from The Man with the Golden Gun by John Barry]
Eh bah… Pourquoi pas… John Barry ?! Ouais, lui aussi nous a fait « une Sean Connery ». A savoir partir juste le temps d’un film pour mieux se faire désirer et revenir pour le suivant. Problème : L’Homme au pistolet d’or est loin de répondre aux attentes et des critiques et du public. Ça y est, c’est confirmé : sous l’incarnation de Moore, les aventures de James Bond lorgnent de plus en plus vers la comédie. De surcroit, un peu poussive. C’est bien simple, seul Christopher Lee en grand méchant emporte l’adhésion. Les recettes entre Vivre et laisser mourir et celui-ci passent de nouveau sous la barre des 100 millions… Et même John Barry avoue de son côté que ce Bond est son pire Bond. Plutôt molle et, il est vrai, peu inspirée, sa partition se laisse objectivement découvrir en bel ouvrage (bah ouais, faut quand même pas déconner… Même du « mauvais » John Barry reste indubitablement de la « bonne » musique de film)… mais peine désespérément à développer une réelle saveur. Pour preuve, même son « Gun Barrel » sonne… autrement.
[Gun Barrel / The Island, from The Man with the Golden Gun by John Barry]
Finis les arpèges de guitare… Place aux cordes et à la trompette. C’est comme tout, faut s’y faire. Barry renie son apport au film au point que, pendant un temps, il ne reviendra à la composition qu’un film sur deux. Dans l’ordre, vont venir en renfort Marvin Hamlisch sur L’espion qui m’aimait en 1977… Et Bill Conti sur Rien que pour vos yeux en 1981. Le premier ayant pour tache de faire entrer Bond dans l’ère disco…
[Bond 77 (James Bond Theme), from The Spy Who Loved Me by Marvin Hamlisch]
Et le second de lui ouvrir gentiment, mais surement, les portes de la nouvelle décennie…
[Runaway, from For Your Eyes Only by Bill Conti]
C’est marrant comme on entend bien à la fois les recliquas de la fin des seventies et les promesses synthétiques de ce début des eighties. La preuve que les films James Bond évoluent avec leur(s) temp(s). Pour le meilleur comme pour le (moins) pire. Bon, Bill Conti, vous le connaissez forcément. Les Rocky, les Karate Kid, ainsi que pas mal d’autres Stallone comme F.I.S.T., Haute sécurité et même A nous la victoire en 1981. On lui doit aussi Les Maîtres de l’Univers, la version américaine du Grand Bleu, Year of the Gun, Thomas Crown, ou encore Nord et Sud 1 et 2 à la télévision… Je ne vous ferai donc pas l’affront d’en rajouter une couche en vous refaisant toute sa biographie. Pour ce qui de Marvin Hamlisch, en revanche, je subodore que ce soit un peu plus délicat…
[Nobody Does It Better (instrumental), from The Spy Who Loved Me by Marvin Hamlisch]
Selon Lewis Gilbert, qui a réalisé trois aventures de Bond (On ne vit que deux fois, L’espion qui m’aimait et Moonraker), L’espion qui m’aimait reste son favori. Il va d’ailleurs jusqu’à affirmer que « Nobody Does It Better » est la meilleure chanson d’entre toutes. C’est vrai qu’elle a connu un beau succès dans les charts… Composée par Hamlisch, sur des textes de Carole Bayer Sager entonnés par la voix de Carly Simon, la mélodie revient régulièrement tout au long du métrage… Exactement comme pouvait le faire John Barry sur ses propres partitions. Mais ce qui est intéressant ici, c’est la grande influence qu’a eu la musique classique dans l’approche, pourtant ouvertement disco, de Marvin Hamlisch. Beaucoup de Mozart, un peu de Bach et de Chopin… Avec, par ailleurs, un zest de Maurice Jarre posé là dans un coin… Et c’est bel et bien tout ce mélange des genres qui confère à cet opus musical sa petite dimension à part…
[Ride to Atlantis, from The Spy Who Loved Me by Marvin Hamlisch]
Né en juin 1944 d’un père musicien, Marvin Hamlisch entre dès six ans à la fameuse Julliard School de New York. A 20 ans, il travaille déjà à Broadway en tant que pianiste ; notamment sur le Musical Funny Girl avec Barbra Streisand. Après quelques pièces, il est repéré par le producteur Sam Spiegel (à qui l’on doit par exemple Le pont de la rivière Kwaï et Lawrence d’Arabie), qui favorise ses premières connexions dans le monde du cinéma. Il fait ses débuts en qualité de compositeur de musique de film en 1968, avec Le plongeon de Frank Perry et dès 1974, il remporte ses premiers Oscars pour Nos plus belles années et L’Arnaque. Après son seul et unique film Bond, il officiera notamment sur Le choix de Sophie (lui aussi Osacrisé), D.A.R.Y.L. ou encore l’excellent A Chorus Line, réalisé en 1985 par Richard Attenborough d’après le spectacle justement composé par Hamlisch dix ans plus tôt. Petite anecdote sympa : son importance dans l’univers des Musicals est tel qu’il est invité à jouer les guests dans un épisode d’Une nounou d’enfer dans le courant des années 90. Dans l’épisode 18 de la saison 3 pour être précis… où il ne joue pas son propre rôle mais celui de son sosie ! Une bien belle carrière… qui prend fin le 6 août 2012 lorsqu’il disparait à l’âge de 68 ans.
[Centrifuge, from Moonraker by John Barry]
Pour le reste de la période qui nous intéresse ici, John Barry redevient l’agent spécial musical attitré de la franchise. Après Moonraker en 1979, il enchaîne sans discontinuer Octopussy en 83, Dangereusement vôtre en 85 et Tuer n’est pas jouer en 87. Ce qui monte le curseur de ses compositions Bond à pas moins de 12 films sur les 25 produits à ce jour… Malgré tout, sa carrière est loin, très loin, de se limiter à ça ! D’ailleurs, restez bien jusqu’à la toute fin de l’émission, je vous rediffuserai la pastille SérieFonia que je lui avais consacré en 2020… C’est pour ça que je ne vous ai pas refait toute sa filmo tout à l’heure… Allez, petite anecdote sur Moonraker… Vous saviez que Steven Spielberg a toujours rêver de réaliser un James Bond… et que c’est même pour ça qu’il a engagé Sean Connery pour devenir le papa d’Indy dans Indiana Jones et la dernière croisade ? Eh bien au moment de la production de Moonraker, Spielberg a reçu un coup de fil de Cubby Broccoli… Son cœur s’emballe… Il se dit que c’est peut-être son moment… Mais, en fait, le producteur voulait simplement lui demander s’il voulait bien le laisser utiliser… ça…
[The Dialogue, from Close Encounter of the Third Kind by John Williams]
Oui, les fameuses cinq notes de John Williams pour Rencontre du troisième type. Ils en ont besoin pour un gag. L’action de Moonraker se déroulant en partie dans l’espace, ils souhaitent multiplier les références aux films du genre et ce thème serait parfait en digicode d’entrée d’une pièce sécurisée. Spielberg accepte immédiatement, tout en précisant au producteur qu’il mourait toujours d’envie de venir travailler sur la saga. « oui, oui » lui lancera Cubby… Sans jamais donner suite. Quelques années plus tard, alors qu’il produit Les Goonies avec Richard Donner, Tonton Steven se dit qu’il y glisserait bien le thème de James Bond lors de l’apparition du personnage de Data… A son tour, il appelle Cubby pour lui demander le même service inversé. Ce à quoi le producteur répond… par la négative ! Surpris, Spielberg lui demande pourquoi un tel refus alors que, lui-même, avait immédiatement accepté du temps de Moonraker… « Eh bien… parce que le thème de Bond comporte plus que cinq notes ! » lui rétorque son interlocuteur. « L’échange n’est pas équitable »… Sacré farceur le Cubby ! Spielberg y croit un court instant… Avant d’exploser de rire en comprenant que Broccoli plaisantait. N’empêche… Tonton Steven n’a jamais réalisé de film Bond…
[Follow that Car, from Octopussy by John Barry]
Octopussy et Dangereusement vôtre sont les deux derniers films avec Roger Moore. Et Dangereusement vôtre est le premier Bond qu’il m’ait été donné de voir au cinéma ! Sachant que, naturellement, j’avais déjà vu tous les précédents en VHS… Merci le vidéoclub de Papa ! On va pas se mentir, côté musique, on est un peu dans la routine… Même si Octopussy comporte tout de même de beaux petits moments de bravoure. Et une superbe Aura féminine qui domine l’ensemble. Logique : le film lui-même porte le nom d’une femme. Elle est interprétée par la comédienne Maud Adams… qui était déjà apparue dans L’homme au pistolet d’or. Dans un autre rôle. Ce qui est rarissime dans la saga 007… Et Octopussy, John Barry la sublimait… comme ça…
[The Mysterious Octopussy, from Octopussy by John Barry]
Si jusqu’ici le travail sur les chansons s’est à peu près toujours bien passé… Rien ne va plus pour John Barry à partir de Dangereusement vôtre. Toujours dans le souci de moderniser la saga, c’est le groupe de new wave Duran Duran qui est choisi pour co-écrire et interpréter A View to a Kill… Du titre original anglais. Choc des cultures… Ou des générations… Les jeunes musiciens ne sont pas tendres avec leur ainé… Qu’ils qualifient ouvertement de connard… pardon du mot… En gros, ils auraient préféré faire ça sans lui… Mouais… ça a quand même été un des plus gros cartons de toutes les chansons de la franchise ça, non ?! Alors, merci qui ? Merci Barry ! Après le départ de Roger Moore, qui avait tout de même déjà 58 ans au moment de Dangereusement vôtre, les producteurs veulent Pierce Brosnan en nouveau Bond. C’est vrai que, physiquement, le choix paraît aussi évident qu’idéal. Problème : le comédien ne peut se libérer de ses obligations sur la série TV, Remington Steele… Si bien que le rôle échoue finalement à Thimothy Dalton. Eh, bon sang, je sais qu’il est souvent décrié… Mais moi, pour le coup, je le trouve absolument excellent…
[Inflight Fight, from The Living Daylights by John Barry]
Tuer n’est pas jouer marque un tournant. Un vrai. Et à plus d’un titre. Seulement voilà… Il arrive peut-être un peu trop tôt. Le monde n’est pas encore prêt pour un James Bond plus rude et humanisé. Mais ça, je vous en parlerai plus en détail le mois prochain, à l’occasion de notre seconde partie… Pour l’heure, contentons-nous de dire qu’il s’agit du dernier John Barry… qui, pour l’occasion, nous gratifie d’une petite apparition à l’écran ! C’est lui qui dirige l’orchestre lorsque le personnage féminin principal, Kara, joue du violoncelle… Sa partition, hybride, fait le plein de synthétiseurs… Années 80 obligent. Et c’est le groupe norvégien A-ha qui prend la relève de Duran Duran sur ce nouvel opus. Echaudé par sa précédente expérience avec des « jeunes », Barry se tient à distance. Même s’il doit toujours être présent pour les arrangements et l’inclusion du thème de la chanson à certains moments clés de sa partition… Et là encore, les choses se passent mal. Les membres du groupe ne supportent pas ce « partage des taches » et tiennent à rester les seuls maitres de leur musique. Eux aussi médiront passablement (pour le dire poliment) leur expérience avec John Barry sur ce titre… Dommage. Vraiment dommage. Parce que bon… C’était quand même ach’ment bien.
[The Living Daylights, from The Living Daylights by A-ah]
Mais puisqu’il s’agissait de sa partition favorite, c’est sur un peu de Goldfinger que j’aimerais clore cette première partie. Eh puis, c’est tellement agréable de finir sur quelque chose d’un brun rétro… Même que je vais vous laisser le morceau en entier ! Cela faisait très longtemps qu’il me tenait à cœur de vous proposer ce SérieFonia spécial James Bond… Que j’ai plus d’une fois repoussé face à l’ampleur de la tâche. Ca en fait des musiques à écouter et sélectionner ! J’espère donc que cette première traversée de l’univers muscal bondien vous a plu et que vous serez au rendez-vous pour la suite le mois prochain… Avec plein de David Arnorld et de Thomas Newman dedans ! Mais pas que. Vous le savez bien… Alors, merci à vous… A très vite et d’ici là, souvenez-vous… Vous avez tout le temps du monde devant vous…
[Bond Back in Action, from Goldfinger by John Barry]
[SérieFonia 2019-2020, Pastille 020 – Doctor John & Mister Barry]
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