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L’utilisation du micro au théâtre : une nécessité dramaturgique ?

Si le théâtre est d’abord le « lieu où l’on regarde » comme l’indique son étymologie grecque, il est également celui qui a fait de l’oralité une culture. En effet, c’est au moyen de la voix que l’acteur transmet les mots, et la façon dont celui-ci porte le texte confère aux mots toute leurs puissances. Les mots éclatent donc par le moyen de l’oralité.

1. Un micro pour de nouvelles possibilités narratives ?

La présence des micros au théâtre est quasi systématique aujourd’hui. Ces derniers permettent d’amplifier la voix de l’acteur et lui offrent la possibilité d’apporter plus de nuances à son jeu. Ils lui permettent également de chuchoter, de jouer au lointain, dos au public sans que l’on ait pour autant besoin de tendre l’oreille pour l’entendre, et donc d’avoir dans sa façon de poser les mots quelque chose qui se rapprocherait davantage de la réalité. De plus, dans certains spectacles ayant recours à la musique ou à l’orchestre, l’utilisation du micro devient une nécessité dans la mesure où la voix, mêlée à la musique, peut rapidement être recouverte et ne plus exister pleinement. Ainsi, pour Roland Auzet, metteur en scène et compositeur, le micro répond à une exigence d’ordre artistique : « le micro permet de jouer sur un rapport d’échelle entre un acteur et 80 musiciens au plateau. »

 

2. Un micro pour palier à des contraintes techniques ?

Si le micro répond souvent à des exigences artistiques et donne aux acteurs plus de nuances dans leur jeu, il est également un moyen d’aider le comédien d’un point de vue technique en amplifiant sa voix. Cependant, n’est-il pas le propre d’un comédien de savoir poser sa voix ? N’est-il pas demandé au comédien de faire de sa voix un instrument et d’en jouer comme on jouerait d’un instrument de musique ? La voix est la signature du comédien, et certaines sont inoubliables. Pensons par exemple aux voix de Sarah Bernhardt, de Gérard Philipe ou encore de Jeanne Moreau. Chaque voix est unique, mais n’est-ce pas lorsqu’elle vibre pleinement que l’on peut percevoir son unicité ? Avec le micro, le comédien n’a pas besoin de travailler sa voix dans tous ses reliefs, dans toutes ses nuances. Il travaille cependant le texte, la ponctuation et sa façon de poser les mots, mais ce qui fait sa signature, son caractère, c’est à dire sa voix, perd une part de sa pureté… Sa façon de parler se rapproche donc de celle du cinéma. Or au Théâtre, monter sur scène n’est pas une action ordinaire, c’est un engagement. Engagement du corps, engagement par la voix. La voix de scène n’est pas une voix banale d’un individu quelconque. Elle est la voix portée au-devant de la scène, qui exprime la puissance des mots et la pensée de leur auteur. Nous pourrions donc nous demander si ce qu’il y a d’unique et de fort dans le théâtre, à savoir cet engagement par la voix et cette adresse directe au public ne se trouvent pas ainsi modifiés. En effet, le micro constitue un obstacle dans la mesure où il ne permet pas au public d’accéder pleinement à la voix du comédien. Celle-ci n’est plus une voix entièrement humaine, elle se trouve légèrement modifiée.

 

3. L’absence du micro est-elle envisageable de nos jours ?

Aujourd’hui, l’évolution des techniques permet une très belle acoustique dans les salles de spectacle. Toutefois, ces dernières, si elles sont relativement grandes et accueillent un nombre important de spectateurs, peinent à ce que tout le monde dans le public, quelle que soit sa place puisse entendre correctement. Le micro pâlit donc à cette difficulté. Les micros se sont surtout avérés nécessaires lors des représentations de pièces en plein air, notamment celles jouées dans la Cours d’Honneur du Palais des Papes pour le Festival d’Avignon. En effet, les conditions climatiques l’exigent quelquefois. Mais le public ne va-t-il pas prendre l’habitude des micros rendant ainsi difficile, voire impossible, une écoute sans intermédiaire avec la voix de l’acteur ? Le micro sur scène n’est-il pas essentiellement lié à une volonté de moderniser le théâtre ?

 

A l’enfant, on lui raconte des histoires, et c’est dans ce rapport intime qu’installe la voix que ce dernier s’endort, sans effort. Il est en confiance. Il en est de même pour le public. L’acteur, lui, raconte une histoire. La voix a donc quelque chose d’ineffable puisqu’elle installe une intimité entre le comédien et le public, elle créé un rapport de confidence avec celui-ci. Le micro peut être perçu comme ce qui facilite l’écoute et plonge d’emblée le spectateur dans l’atmosphère de l’histoire racontée. Mais il peut également être vu comme ce qui se place en travers du comédien et du public, comme un obstacle à l’écoute et la concentration lorsqu’il modifie, même légèrement, la voix portée. La question de la nécessité des micros sur scène reste un débat que les artistes d’aujourd’hui n’hésitent pas à entreprendre.

 

Sur le même sujet, voir aussi : Des micros HF dans les théâtres : révolution ou trahison

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