Made in Abyss c’est un peu la série de toutes les attentes. À la fois mignon et creepy, dans un univers riche et fantastique aussi beau que terrifiant, le titre tente de se faire une place dans le dur monde des seinen psychologiques et s’y taille une grosse part du gâteau.
S’il n’a pas l’impact marketing du mastodonte The Promised Neverland, Made in Abyss a pour lui l’avantage d’avoir eu une adaptation animée par le studio Kinema Citrus qui a mis tout le monde d’accord. C’est donc sans surprise que le manga originel débarque chez nous pour le bonheur des fans de la première heure, chez un éditeur à l’importance croissante : Ototo.
Standing, on the edge ♪
On ne peut pas dire qu’il soit grand mais l’éditeur, branche tous publics des éditions Taifu Comics, se fait régulièrement remarquer en publiant des mangas adapté de light novels à succès. De fait, Ototo se place comme le plus grand des petits éditeurs. Ici pas de light novel : Made in Abyss est un pur manga, écrit par Akihito Tsukushi et l’oeuvre est déjà bien connue grâce aux simulcast de son adaptation animée l’an dernier, un des titres phares de l’été 2017.
Œuvre à ne pas mettre entre toutes les mains, Made in Abyss raconte l’histoire de Rico, jeune fille vivant dans un orphelinat dont le but est de former de futurs explorateurs de l’Abysse : les Caverniers. L’Abysse est un gigantesque gouffre sans fond. Mystérieux, dangereux, plein de trésors cachés et de reliques qui feront votre fortune et votre ruine. Mais c’est aussi une entité qui agit selon sa propre volonté et sonde l’âme de celles et ceux qui s’aventurent en son sein. L’Abysse est non seulement rempli de créatures ne cherchant qu’à se repaître de vos cadavres, mais en plus vous rend malade physiquement et mentalement. Plus on descend, plus les symptômes s’aggravent. Des sept paliers connus de l’Abysse, le premier donne des nausées tandis que les derniers vous rendent fou, détricotent votre humanité et finissent par vous tuer.
La mère de Rico est une célébrité. Elle est l’une des meilleures exploratrices de l’Abysse, mais Rico ne l’a jamais connue car elle est portée disparue depuis sa naissance. Mais un jour une lettre pleine d’espoir refait surface : un défi qui intime Rico de plonger dans les entrailles de l’Abysse pour la retrouver. Cela tombe bien, Rico vient de trouver Legu, un garçon robot aux bras mécaniques, amnésique, qui semble venir des profondeurs de l’Abysse. Ensemble ils vont commencer la descente dans le gouffre, sans promesse de retour, dans le but de la retrouver.
Affronter mille dangers à 12 ans dans un univers enchanteur plein de mystères à la recherche d’un parent disparu, c’est effectivement le scénario de départ de Hunter x Hunter. Là où le récit diffère c’est principalement dans son ton. Même si ce premier tome est plutôt gentillet et ne laisse rien transparaître de la brutalité du titre, seulement quelques indices sur le mal de l’Abysse, ce que subissent ceux qui l’affrontent, émaillent le récit ça et là.
Looking at the abyss ♪
Derrière ce style rondouillet se cache une œuvre d’une violence crûe rappelant la sauvagerie d’un Narutaru. Made in Abyss ne fait pas dans la dentelle et ceux qui ont regardé l’anime le savent. N’imaginez pas que l’aventure sera de tout repos. La suite éprouvera autant votre sensibilité que vos nerfs et les scènes d’action, d’une virtuosité assez rare pour vous couper le souffle, sauront déployer toute leur finesse au gré d’une mise en scène grandiose et d’un découpage haletant.
Pourtant le dessin tout en nuances de gris donne une impression de douceur, malgré un trait crayonné omniprésent et des trames très riches qui semblent avaler le peu de lumière que propose le récit. Des décors luxuriants invitent le lecteur à se perdre dans l’immensité d’un monde plein de richesses et de secrets. Le tout est parsemé de croquis descriptifs des objets, du bestiaire et de cartes décrivant l’Abysse avec minutie dans un style de carnet d’explorateur du XIXème siècle. Made in Abyss chercherait-il sa paternité dans les œuvres d’aventures de Jules Verne ? Peut-être bien que oui, tant le parallèle avec Voyage au centre de la Terre est évident.
La série est toujours en cours au Japon avec 6 volumes au compteur, ce qui pourrait faire craindre une stagnation du rythme de publication chez nous. Rassurez-vous, les tomes 2 et 3 de Made in Abyss sortiront respectivement en juillet pour Japan Expo et en septembre. Cela permettra de coller rapidement aux événements décris dans la série animée. Il faudra ensuite attendre janvier 2019 pour le tome 4 et la suite inédite des aventures de Rico et Legu.
Aussi beau que violent, Made in Abyss est un titre qui ne laisse pas indifférent. Akihito Tsukushi dépeint avec beaucoup de détails et de soin un univers fantastique frôlant la lisière du J-RPG sur un ton noir, voire horrifique, qui tranche avec l’âge des héros. Si vous n’avez pas peur de perdre votre vie et votre âme en plongeant dans l’Abysse, laissez-vous tenter par cette virée dans les entrailles du monde. Vous n’en reviendrez pas indemne, si toutefois vous en revenez.