Du 14 mai au 22 septembre 2014, le Centre Pompidou présente une grande exposition sur l’artiste français Martial Raysse. Si vous avez des envies de peintures pop, de couleurs acides et autres néons fluorescents, prenez un peu de temps et profitez-en pour découvrir l’un des premiers peintres français contemporains.
Peu connu du grand public, le plasticien français, ami et membre des Nouveaux réalistes, nous présente les œuvres de sa vie dans une rétrospective importante, alors que celui-ci se faisait ces derniers temps volontairement plus discret.
Au milieu des murs blancs de l’exposition, de grands tableaux, dessins et sculptures forment le parcours impeccable d’un artiste à la vie créative riche. Entre collages pop et films expérimentaux, le visiteur peut se promener au fil des installations fluorescentes et colorées.
L’inventeur du pop art français
Né en 1936, Martial Raysse se tourne vers les arts plastiques dès son plus jeune âge. Dès 19 ans, il se lance dans la peinture. Il commence par réaliser des assemblages combinant des matériaux plastiques, détritus et objets neufs. En quelques années seulement, il devient l’un des meilleurs peintres abstraits de la Côte d’Azur. Après un voyage aux Etats-Unis et après avoir fait partie du pop art américain, il appartient, dès sa fondation en 1960, au mouvement des Nouveaux réalistes. C’est d’ailleurs à cette même période que l’artiste participe à l’exposition collective Dylaby au Stedelijk Museum d’Amsterdam aux côtés de Jean Tinguely, Daniel Spoerri et Niki de Saint-Phalle. L’événement se constitue comme un enchainement d’environnements conçus par des artistes.
Les années 60 sont le signe d’œuvres ultra colorées, la plupart sont inspirées de grands classiques de la peinture ou d’affiches publicitaires. En témoigne le détournement de La Grande Odalisque d’Ingres dans la série Made in Japan (ci-après). Raysse lui peint le visage en vert. Ce pastiche devient l’œuvre la plus connue de l’artiste. Entre couleurs écarlates, utilisation de néons et objets réutilisés, ses œuvres font preuve d’un succès éclatant. Il devient alors la grande star de l’art contemporain.
C’est porté par cette gloire qu’il s’installe aux Etats-Unis. Quand il ne détourne pas des chefs d’œuvre, il met les femmes au cœur de son travail, notamment dans les courts-métrages qu’il conçoit. Jésus-Cola, réalisé en 1966, donne une nouvelle dimension parodique et plastique à sa production. Ici, le virtuose s’approprie le cinéma au même titre que les publicités et les tableaux anciens. Véritable expérience cosmique, les spectateurs de l’exposition sont incrédules en découvrant de prime abord le film. Face aux successions de scènes étranges et qui n’ont a priori pas de sens, ces derniers rient devant tant de fantaisie.
Martial Raysse aime déconcerter et c’est d’ailleurs ce qu’il avait aussi fait dans L’Appel des cimes – Tableau horrible (ci-dessous) un an plus tôt. L’ouvrage, constitué d’une montagne de couleurs désaccordées, surmontées d’un néon à la couleur blafarde, est l’antinomie de ce qu’il a accompli auparavant. D’ailleurs, il s’explique : « J’ai troqué la vie dans la couleur par les plastiques, les fluorescences, le néon, les lumières artificielles et maintenant les rapports faux, la dysharmonie, les tableaux avec erreurs, mal faits, affreux, le mauvais goût, l’horrible, enfin et surtout ce qui est artificiel. »
A partir des années 70, son style change. Le plasticien tourne le dos à ce qui l’a rendu célèbre et se lance dans une peinture plus figurative. Natures mortes, scènes de genre, portraits, installations… autant d’ouvrages qui se distinguent par leur caractère, souvent étrange, voire incompréhensible pour un public non averti. C’est notamment ce que l’on peut voir avec l’installation Oned Laon. Les images qui s’élancent dans le ballet géant sont l’évocation de l’aventure communautaire dans laquelle s’est engagé Raysse au Maroc. Le public reste ici perplexe quant à signification de l’œuvre. Et c’est peut-être là tout le génie de l’artiste français.
Capable d’intriguer en même que de fasciner, les installations fluorescentes ravissent les enfants et nous rappellent une époque où l’art était foisonnant.
Un artiste majeur de notre temps
La rétrospective consacrée au travail de Martial Raysse n’intervient que tard dans la vie de l’artiste. Il doit attendre l’âge de 78 ans pour que le Centre Pompidou lui dédie une exposition à la hauteur de son talent. Pourtant, Raysse inscrit l’art français dans la modernité avec une cohérence et une logique implacable. La Raysse Beach (ci-dessous), réalisée entre 1962 et 2007, est une installation avant même que le terme ne soit utilisé dans le vocabulaire artistique. Vrai sable, publicités de pin-up, bouées d’enfants, couleurs acidulées, véritable jukebox… Autant d’éléments qui font de cet ouvrage une œuvre majeure du peintre.
En 1976, Le Grand Départ, son premier long-métrage nous donne une réflexion sur la peinture et nous plonge dans un imaginaire rayssien saisissant. L’histoire est celle d’un gourou, d’une communauté hippie, de la peur de la fin du monde et d’un départ vers un ailleurs paradisiaque. Ici, les acteurs ont des masques d’animaux sur la tête, et les femmes sont dévêtues. « J’étais un cinéaste connu, remarque-t-il en 1972. Maintenant, je suis un cinéaste sans moyens. Parce que j’ai décidé d’employer les techniques de mon époque, je repars de zéro. Et dans quelle ambiance… » Loin d’être un réaliste, Raysse s’instaure comme la rencontre entre le pop et le minimalisme. La preuve en est avec Spring Morning (ci-joint) réalisé dès 1964.
Ce sont les années 80 qui seront au cœur des premiers bronzes et des lectures érudites qui accompagnent l’évolution de Raysse, s’éloignant du même coup du pop art. De plus en plus, le plasticien s’intéresse à l’histoire même de la peinture. Il va inclure dans ses ouvrages la combinaison de différents courants artistiques. Les thématiques bucoliques se mélangent aux références mythologiques et littéraires. Diverses techniques picturales sont expérimentées, notamment la sculpture (ici : D’une flèche mon cœur percé, 2008).
Ainsi, ces dernières décennies sont marquées par la création de grandes compositions picturales. La peinture figurative y est réhabilitée, donnant source à de nombreux détails illustratifs. L’ampleur du format d’Ici Plage, comme ici-bas aura de quoi émerveiller plus d’un visiteur. Le macroscopique côtoie le microscopique pour donner une œuvre singulière et impressionnante de technicité.
C’est donc la présentation d’une trajectoire singulière que nous donne à saisir le Centre Pompidou. A travers les œuvres emblématiques de l’artiste, le public découvre un point de vue unique, celui d’un peintre à la virtuosité hors pair pastichant les archétypes féminins popularisés par la publicité.
Montrer à travers une pointe comique la diversité et les imperfections de l’humanité, tel est l’objectif de Martial Raysse, aujourd’hui considéré comme « l’artiste français le plus cher du monde ».
Martial Raysse. Centre Pompidou, place Georges Pompidou (IVe). Du mercredi au lundi, de 11 heures à 21 heures, jeudi jusqu’à 23 heures.
Tarifs : 12 euros (plein), 10 euros (réduit)
Exposition du 14 mai au 22 septembre 2014.