Premier film de Hiromasa Yonebayashi au sein de son studio Ponoc, Mary et la Fleur de la Sorcière sort en France distribué par Diaphana Distribution. Second film d’animation japonais sortant dans nos salles cette année, ils nous emmène aux côté de Mary dans le monde des sorcières et de la magie.
Alors que les sorciers ont moins la côte au ciné depuis la fin d’Harry Potter, Hiromasa Yonebayashi compte bien remettre une couche de magie dans nos salles obscures. Rappelons un peu qui est le bonhomme. Yonebayashi avait su se faire une place non négligeable au sein du studio Ghibli. Rejoignant le studio en 1996 pour travailler sur Princesse Mononoke, il y réalisera deux films (Arrietty et le Petit Monde des Chapardeurs, Souvenirs de Marnie) avant de le quitter en 2014 pour fonder son propre studio.
Une volonté d’affirmer son identité artistique dans un environnement où on doit imiter les grands maîtres ? Difficile à dire tant son style s’est imprégnée des œuvres sur lesquelles il a travaillé. Marchant sur les traces de ses prédécesseurs au point d’en singer leur logo, Yonebayashi sort sa première production du studio Ponoc en espérant bien prendre le relais d’une ère qui touche à sa fin.
Retour à l’enfance
Le film nous emmène aux côtés de la petite Mary Smith qui vient d’arriver à la campagne. La jeune fille s’y ennuie à mourir et malgré sa volonté d’aider son entourage, sa maladresse l’empêche de faire quoique ce soit. Un jour alors qu’elle explore la forêt, elle découvre une mystérieuse plante lui conférant des pouvoirs magiques. Apparait alors un balai volant l’emmenant jusqu’à une école de magie où elle fait la rencontre de Madame Mumbletchuk la directrice et le Docteur Di, professeur de chimie.
C’est tout ce qu’il faut pour nous propulser dans le monde magique de Mary. D’un scénario d’une simplicité des plus enfantines, la jeune fille va vivre toutes sortes d’aventures. Ne cherchez pas de grands propos philosophiques ou humanistes, on est pas là pour ça. Ce film parle à cette part d’enfance qui sommeille en nous. Il émerveille de son univers coloré, fait rire de ses dialogues naïfs, nous attache à ces personnages stéréotypés… Avec peu, Mary et la Fleur de la Sorcière arrive à nous emmener dans son univers pendant 1h40.
Little Witch Aesthetica
Cela, Yonebayashi le doit en grande partie à l’esthétique et la qualité technique irréprochable de son film. Aux commandes d’un nouveau studio, on pouvait s’inquiéter quand au visuel de l’œuvre. Privé des talents de Ghibli, une baisse de qualité significative par rapport à ses précédentes productions était à redouter. Rassurez-vous, la transition s’est faite à merveille. De ses décors somptueux à son animation d’une fluidité et d’un dynamisme exemplaire, le film est un véritable luxe pour les yeux. Impossible de prendre le visuel à défaut, c’est un enchantement de tous les instants. Cerise sur le gâteau, les effets numériques sont parfaitement intégrés à l’image sans qu’une vallée dérangeante ne vienne casser le plaisir de visionnage.
Ces qualités sont extrapolées lors de l’arrivée à l’école. A partir de là, le film se lâche complètement et nous offre ses designs les plus fous. La scène de la visite de l’école en cela est extraordinaire et compte plus d’une bonne idée à chaque plan. Seulement, c’est aussi là qu’on touche aussi à un des problèmes du film. Si cette école nous est longuement introduite et séduit par ses nombreuses idées, tout ceci passe très vite à la trappe. En effet, le lieu parait davantage comme un prétexte à un repère de méchants plutôt qu’à une véritable école puisque Mary n’y fait rien de scolaire. Jamais on ne la verra assister à un cours et aucun élève n’a de rôle dans l’histoire. Ce lieu n’a d’école que le nom, d’une beauté équivalente à la frustration qu’il procure.
Manque un coup de baguette magique
Passé l’émerveillement de la découverte de ce lieu, le constat s’impose. Arrivé aux deux tiers du film, celui-ci a épuisé toute sa créativité d’un seul coup. Tout ce qui a été mis en place jusque là est gâché par un plot twist changeant la donne. Le scénario part alors dans une quête de princesse en détresse inversée conventionnelle au possible. Plus de génie, plus de petites idées qui viennent réveiller l’intérêt. Le divertissement reste honnête mais la magie ne prend plus. L’histoire avance mais sans surprise, l’émerveillement qu’on avait connu auparavant a disparu.
Pourtant, le film ne manque pas de qualités derrière ça. On se surprendra à rire à de nombreuses reprises au cours de l’histoire. Il faut dire que malgré le nombre réduit de personnages, ils ont le mérite d’être haut en couleurs. Personnellement, j’ai un faible pour le raton laveur maniaque des balais, on est sûr de se marrer à chacune de ses apparitions. Je n’ai d’ailleurs pas parlé des musiques de Takatsu Muramatsu qui sans égaler celles d’un grand compositeur du studio Ghibli s’en tire avec les honneurs. Après sa performance l’année dernière sur Lou et l’Île aux Sirènes de Masaaki Yuasa, ce compositeur fait clairement parti des talents à suivre pour les prochaines années.
Ma sorcière mal aimée
Il est difficile de ne pas reconnaître les faiblesses de Mary et la Fleur de la Sorcière. Son univers sous-exploité, son dernier tiers faiblard, ses personnages stéréotypés qui en rebuteront plus d’un… Pour un premier coup, l’essai n’est pas totalement transformé. Et malgré tout, c’est un film qu’on a envie d’aimer. Le film dispose de suffisamment de qualités, surtout visuelles, pour en faire le divertissement qu’il prétend être. C’est un spectacle tout à fait recommandable que vous pouvez aller voir en famille et qui ravira petits et grands. Cependant, si il symbolise un passage de flambeau entre deux générations, espérons que Ponoc n’en est qu’à l’échauffement pour que la flamme ne s’éteigne pas. L’avenir nous le dira, ici en tout cas, on ne s’inquiète pas.
Mary et la Fleur de la Sorcière de Hiromasa Yonebayashi est sorti dans les salles françaises le 21 février 2018 et est distribué par Diaphana Distribution.
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