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Massacre d’Oradour-sur-Glane : chronique d’un jour ordinaire qui se transforma en drame historique

Au lendemain de la pendaison massive de Tulle, l’horreur frappe encore le Limousin. Le 10 juin 1944 signe un jour sombre pour le village d’Oradour-sur-Glane. Les SS débarquent dans la commune et massacrent la population : il en résulte un bilan de 642 morts. 70 ans après le drame, que reste-t-il du souvenir du village martyr ?

Qui aurait pu prévoir une telle tragédie aux lendemains du débarquement en Normandie ? Pourquoi le choix d’Oradour-sur-Glane ? Quel était donc ce groupe de soldats qui a commis l’impardonnable ? Autant de questions qui ont traversé ces 70 dernières années. L’incompréhension devant autant de violence, tel est le reste d’un souvenir douloureux pour toute une région victime de la folie SS.

Une visite médicale qui tourne mal

Le samedi 6 juin 1944 est apparamment une journée comme les autres, animée par deux événements : la distribution de tabac et la visite médicale. Les enfants des différents hameaux convergent vers les écoles pour retrouver leurs camarades. Les rues s’animent peu à peu. Le débarquement en Normandie quelques jours plus tôt est sur toutes les lèvres. Forme de tranquillité avant la tempête, la libération paraît proche. Un temps radieux s’annonce dans le ciel à peine clairsemé de nuages. L’insouciance de ce qui va se passer, est-ce surement pour cela que le nombre de morts a été aussi important. Ce qui devait être un jour ordinaire de printemps a viré au cauchemar.

Dès le début de l’après-midi, 130 hommes en armes s’acheminent vers Oradour-sur-Glane. Arrivés devant le village, de petites équipes l’encerclent. Plusieurs personnes sont alors fauchées lors de rafales isolées. Au fur et à mesure le village est cerné. Le commandant SS Diekmann installe son quartier général à l’écart du bourg, dans la ferme de Masset. Il ordonne aux habitants de se rassembler sur le champ de foire en prétextant un contrôle d’identité. La population radounaude obtempère sans résister. Des camions viennent et déchargent les habitants raflés dans les hameaux. Quatre mitrailleuses sont braquées sur les 400 personnes réunies.

Au cours de l’après-midi, les SS investissent les écoles du village et obligent les instituteurs à les mener jusqu’au Champ de foire. Puis, progressivement, deux groupes se forment sur place : les hommes d’un côté, et les femmes et enfants de l’autre. Le second groupe, constitué de 245 femmes et 193 enfants, est conduit jusqu’à l’église où ils sont enfermés. Paul Désourteaux, l’équivalent du maire, s’entretient brièvement avec Adolf Dieckmann. Rien ne semble se passer. Seulement, après une longue attente, les hommes sont répartis en six groupes escortés à différents points du village. Les crépitements des mitraillettes retentissent. Pendant ce temps, une forte explosion retentit et des cris s’élèvent de l’église en feu. Les SS achèvent les blessés et mettent le feu aux corps déjà calcinés. Les impotents sont quant à eux brûlés vifs tandis que les enfants sont abattus par rafales.

En à peine quelques heures le paisible village que constituait Oradour-sur-Glane est réduit en un charnier où les flammes ont remplacé les fleurs en éveil.

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Les acteurs du massacre

Qui sont donc les auteurs de ce massacre ? Il s’agit d’un détachement du 1er bataillon du 4e régiment de Panzergrenadier Der Führer appartenant à la Panzerdivision Das Reich de la Waffen-SS. Les tortionnaires portent le nom d’Heinz Lammerding, chef d’état-major De Heinrich Himmler, d’Adolf Dickmann, qui commande l’assaut mené contre le village d’Oradour ou encore de Heinz Barth, 24 ans, qui a participé au massacre.

Diekmann, réputé cruel et froid, refuse à plusieurs reprises tout compromis avec la population. Le but est clair : faire un coup d’éclat dans une région réputée être un terreau de résistance. Forme de punition ou tout simplement pur sadisme ? Il est sûr que le traumatisme créé est à la hauteur du massacre perpétré. Comme choquée, pendant plusieurs semaines, la population reste hagarde.

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Les victimes sont connues, certains étant des notables de la région. Joseph Beau, ancien maire d’Oradour, révoqué par l’administration Pétain en 1941, est exécuté dans l’une des granges du village avant que les SS y mettent le feu. Son corps n’a pas pu être identifié… Paul Desourteaux, nommé à la tête de la délégation spéciale qui remplace le conseil municipal révoqué, le 10 juin 1944, est rassemblé avec la population au champ de foire. C’est à ce moment-là qu’il propose à Diekmann que ses 4 fils et lui-même soient pris comme otages et que les SS épargnent les Radounais. L’officier refuse. Peu après, le médecin est mitraillé avec une vingtaine d’autres hommes dans le chai Denis. Denise Bardet, jeune institutrice brillante, a en charge une classe de cours élémentaire. Le 10 juin est le jour de son anniversaire. Elle déjeune avec sa mère, l’après-midi, elle regagne sa classe. C’est là qu’elle est obligée d’accompagner ses élèves sous la menace des SS dans l’église… Le lendemain, on retrouve son corps au pied de l’autel, les bras entourant le cadavre d’une petite fille.

Les victimes sont nombreuses, près de 200 enfants ont péri. Agés souvent que de quelques années, ils sont les martyrs d’une barbarie SS sans nom. Robert Hébras, l’un des rares survivants, se trouve avec un groupe d’hommes important dans la grange Laudy. Pendant longtemps, ils font face aux canons des mitrailleuses jusqu’à ce que la fusillade éclate. Le rescapé raconte : « Les cris de douleur, la chaleur, l’odeur du sang mêlée à celle du foin, de la poussière et de la poudre transformèrent cette grange en enfer. Je ne réalisais pas ce qui se passait. Tout se déroula très vite et, lorsque les mitrailleuses se turent, des plaintes, des gémissements et des cris montèrent de l’amas de corps brisés. J’avais plusieurs hommes sur moi. J’avais soif. Je ne savais pas si j’étais blessé. Je restais figé, comme mort. »

Que reste-t-il du massacre ?

Amas de ruines au lendemain du massacre, Oradour-sur-Glane n’est plus que l’ombre d’elle même lorsque les premiers secours débarquent. Auparavant, un groupe de SS tente de faire disparaître les traces de leur crime en enterrant les cadavres des victimes. Ils finissent rapidement par abandonner leur tâche, laissant les dépouilles joncher les sols brûlés.

Dans les jours qui suivent, plusieurs volontaires arrivent sur les lieux du massacre. Jacques Augereau, 19 ans en juin 1944, est membre de l’association informelle « Jeunesse secours » à Limoges. Il se souvient : « Le village avait été brûlé, ça nous le savions. On pouvait voir la colonne de fumée depuis Limoges… Mais nous ignorions absolument ce qu’étaient devenus les gens. Nous ne l’avons su qu’une fois sur place… ». Il continue : « Arrivés à une vingtaine de kilomètres d’Oradour, nous avons été pris par l’odeur. Une odeur de brûlé et de chair décomposée, absolument infecte… » Ces volontaires sont les premiers à prendre la mesure de ce qu’il vient de se passer. Reste encore à déterrer les corps souvent recouverts de chaux.

« Nettoyer » le village meurtri de ces restes de corps, essayer de reconstruire ce qui a été détruit avec une telle violence, autant de défis qui se présentent aux rescapés. Le choix est rapidement fait : les ruines doivent demeurer telles qu’elles pour témoigner de la brutalité d’un régiment, trop lâche pour affronter les ennemis invisibles résistants.

Aujourd’hui, le village se trouve face à un paradoxe : garder les vestiges de l’Histoire tout en laissant la nature faire son œuvre. Certaines parties du village martyr sont devenues inaccessibles au grand public. Cela n’empêche cependant pas à plus de 300 000 personnes de sillonner les ruines de la commune sinistrée. La pédagogie des publics les plus jeunes, tel est l’objectif du Centre de la mémoire d’Oradour-sur-Glane. Ouvert le 16 juillet 1999, ce lieu est symbolique de la mémoire du massacre.

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Au fil des années, des tentatives de justifications variées ont été avancées, une lecture inepte des faits a été fournie. Mais comment raconter et justifier l’indicible ? Les alibis élaborés par les SS pour se disculper s’adressent dans un premier temps à leur propre hiérarchie. Ce n’est que lors du procès de Bordeaux qui commence en 1953 (photographie) qu’une partie des faits est mise en lumière. Néanmoins, loin d’être satisfaisant sur de nombreux points, le procès se constitue comme celui de l’hitlérisme, oubliant de juger réellement la responsabilité de chacun. Les condamnations varient entre cinq et douze ans d’emprisonnement de travaux forcés ou de cinq à huit ans de prison, provoquant la colère de l’Alsace dont sont originaires les tortionnaires. En effet, il se révèle que les soldats SS sont des Malgré-Nous enrôlés de force.

70 ans plus tard, la justice suit toujours son cours. En janvier 2014, Werner C., un ex-SS de 88 ans, est inculpé pour avoir participé au massacre. Peut-être est-il trop tard pour les proches des victimes, mais un pas important est fait pour établir un semblant d’équité.

Un symbole européen de la barbarie nazie

La visite du président allemand, Joachim Gauck, l’année dernière à Oradour-sur-Glane, en compagnie du Président de la République, François Hollande, a scellé un grand pas vers la réconciliation de deux Histoires. L’Allemagne semble vouloir assumer son passé et punir les crimes et les exactions commis par les Nazis. Racheter ses erreurs, est-ce là un souhait pour l’Etat allemand.

« Laisser le site en l’état », c’est ce que demande Robert Hébras, « Il faut qu’il y ait une trace de l’horreur qui s’est passée à Oradour. » Rendre compte de l’horreur passée, tel est le devoir de mémoire, mais surtout le devoir de préservation dans un lieu où les traces de corps couvrent encore les bâtisses à moitié détruites.

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