Tout Pour Réussir, dix minutes d’interview avec Saad Merzak. Un retour sur la carrière d’une personnalité du monde médiatique, artistique ou économique, et les raisons de son succès. Aujourd’hui Saad reçoit Mathias Vicherat. Ancien Directeur de cabinet de la maire de Paris Anne Hidalgo, il est aujourd’hui Directeur Général Adjoint à la SNCF.
Saad Merzak : Vous êtes Directeur Général Adjoint à la SNCF depuis Janvier 2017, à quoi ressemble votre vie de patron à la SNCF ?
Mathias Vicherat : C’est une vie qui d’abord est très diverse, puisqu’ayant à la fois la Stratégie et la Communication, j’ai des dossiers au long cours sur lesquels on travaille, les orientations stratégiques de l’entreprise, l’international, etc… Et puis aussi une dimension très concrète au jour le jour en fonction des évènements, en fonction de ce qui se passe ; et il se passe beaucoup de choses à la SNCF puisqu’il faut savoir que c’est l’entreprise de France qui a le plus d’unité de bruit médiatique. L’unité de bruit médiatique c’est en gros le nombre d’échos dans la presse, sur les réseaux sociaux, etc… Donc ça veut dire que j’ai une vie quand même très animée par la com’ et en même temps pleine de réflexion grâce à la partie stratégique, donc c’est un poste passionnant.
Alors justement, vous étiez avant Directeur de cabinet d’Anne Hidalgo, comment passe-t-on de la Mairie de Paris à la SNCF ?
En fait, après près de treize ans de service public – puisque j’étais dans le corps préfectoral où j’ai fait des postes de Sous-Préfet en Picardie et en Seine-Saint-Denis, puis dans la Police Nationale – j’ai eu après la possibilité d’être « Dir’ cab’ » de maires de Paris : Delanoë et Hidalgo. Et je me suis dit que c’était important quand même d’avoir une expérience dans une entreprise, et la SNCF avait ceux-ci d’avantages pour moi : un, c’est un groupe international et Français, et j’aimais bien cette composante-là. Deux, un groupe industriel et en même temps de services : entre le site voyagesncf.com qui est le premier site de e-commerce en France, et toutes les dimensions de service d’une entreprise qui est sur les deux. Et trois, il y a quand même cette notion d’intérêt général dans le groupe puisque c’est un groupe public, c’est un groupe qui est fort sur l’aménagement du territoire, sur les offres de mobilité pour tous. Donc je me retrouvais aussi dans ces valeurs-là, et c’est les raisons pour lesquelles – entre l’international, industriel et de services, et la dimension d’intérêt général – cette boite m’a beaucoup plu.
Justement vu les fonctions que vous avez, ça n’a pas été trop dur d’intégrer la SNCF ? Parce que le milieu des transports est un peu une nouveauté pour vous.
Oui c’est vrai, je pense qu’il vaut mieux commencer assez humble quand on arrive, parce que c’est un univers avec beaucoup d’ingénieurs, qui ont des expertises extraordinaires d’ailleurs et que le monde entier nous envie. Du coup quand vous arrivez comme moi avec un profil plutôt de généraliste, il faut d’abord accepter le coût d’entrée, qui est fort, important. Il ne faut pas avoir peur de dire « je comprends rien », « c’est quoi ce sigle », « c’est quoi cet acronyme », « comment ça marche », etc… Parce que c’est vrai que c’est une entreprise au savoir-faire et à l’expertise très importante.
Revenons à votre vie d’avant, la Mairie de Paris, vous en gardez de bons souvenirs ?
Evidemment, ça a été une expérience extraordinaire. J’ai énormément appris auprès de Bertrand Delanoë d’abord, puis Anne Hidalgo. Il y a eu des moments très durs, puisque j’étais en première ligne sur les différents attentats, où on était à proximité à mettre en place les cellules de crise, l’accueil des victimes… Donc ça a été des moments très durs que j’ai vécus à ce moment-là. Et en même temps, être Directeur de cabinet de la Maire de la plus belle ville du monde, d’avoir des projets très divers qui vont de projets économiques à des projets de solidarité – on a mis en place le premier centre humanitaire pour les migrants, et c’est une vraie fierté parce qu’il fallait le faire à ce moment-là – en passant par la culture, en passant par l’action internationale. C’est une expérience extraordinaire.
Comme vous le disiez, avant Anne Hidalgo vous avez travaillé avec Bertrand Delanoë. Lorsqu’on travaille avec deux maires politiquement de Gauche, est-ce qu’on est marqué aussi politiquement lorsqu’on cherche un travail pour la suite ?
En fait moi j’ai fait le choix de ne pas me présenter, c’est-à-dire de ne pas faire de politique au sens propre. Je n’ai pas ma carte ; j’ai été très militant avant quand j’étais lycéen, quand j’étais étudiant à Sciences Po, etc… J’ai un engagement que j’ai manifesté en étant six ans à la ville de Paris, donc je peux être « étiqueté ». Ce qui est sûr c’est que pour moi, je n’ai pas de frein à travailler dans l’administration avec des gens qui ne partagent pas forcément mes opinions politiques. En revanche, effectivement, s’il s’agissait d’un cabinet, ce serait par exemple compliqué pour moi d’aller travailler avec un maire de droite, ça c’est sûr. Après, en ce moment le monde politique se reconfigure à vitesse grand V, et il y a des clivages qui sont moins évidents qu’avant.
Après votre scolarité à Sciences Po, vous êtes aussi passé par l’ENA, l’Ecole Nationale d’Administration, tout comme le Président de la République Emmanuel Macron. Vous en gardez une bonne expérience ?
Oui, on était dans la même promo’, on était très amis à cette époque. Moi j’étais très critique sur l’ENA quand j’y étais, sur les enseignements notamment, que je trouvais assez faibles : il n’y avait pas de corps enseignant permanent, il n’y avait pas de réflexion réellement avancée sur la gestion publique, etc… En revanche, la scolarité à l’ENA à ceci de formidable – d’abord vous rencontrez des amis qui vous suivent, quasiment des amis pour la vie – mais en même temps vous avez aussi des stages qui sont extraordinaires. Moi j’ai fait un stage à Jérusalem, au Consulat Général de France en pleine Deuxième Intifada, et un stage à Charleville-Mézières dans une Préfecture. Donc rien à voir en termes de profil, de mission, etc… Mais deux expériences vraiment fondamentales pour moi. Donc oui, l’ENA, pour toutes les raisons à la fois amicales et professionnelles, ça a été une vraie belle expérience.
Et vous êtes resté en contact avec Emmanuel Macron ?
Oui, alors je suis resté en contact beaucoup dans les années qui ont suivi l’ENA. Depuis quelques mois, je me demande bien pourquoi, je suis un tout petit peu moins en contact : il est devenu effectivement le plus haut personnage de l’Etat. On s’échange parfois des textos, on se croise, mais c’est vrai qu’il est tellement pris qu’on se voit moins, évidemment.
A part vos amis pour la vie, quelles ont été vos meilleures rencontres professionnelles ?
J’en ai eu beaucoup de rencontres professionnelles qui m’ont marqué. J’ai des Préfets qui m’ont vraiment marqué, je pense notamment à Michel Sapin auprès duquel j’ai été en Picardie, Claude Baland en Seine-Saint-Denis. Dans la Police Nationale, j’étais auprès de Frédéric Péchenard, dont je ne partage pas du tout les idées, mais qui était un très grand patron de la Police Nationale. Et après évidemment, Anne Hidalgo et Bertrand Delanoë, et puis récemment Guillaume Pepy avec lequel je travaille depuis un an, et avec lequel j’apprends aussi beaucoup. Et j’ai essayé de m’inspirer beaucoup des exemples des patrons que j’ai eus, et qui n’ont rien à voir les uns avec les autres. Du coup j’essaye à chaque fois de puiser ce que je peux puiser ; et je conseille notamment aux auditeurs qui auront des vies professionnelles dans le futur de ne pas forcément vous arrimer à quelqu’un trop longtemps mais plutôt, au moins dans les débuts de carrière, d’avoir plusieurs expériences professionnelles et d’essayer de prendre la sève de chaque patron, c’est très formateur.
La Ministre des Armées, Florence Parly, gagnait 52 000 € lorsqu’elle était à la SNCF. Est-ce que vous gagnez pareil ?
D’abord elle ne gagnait pas 52 000 €, le chiffre est faux. Le chiffre a été calculé avec des primes de l’année d’avant qu’elle a touché en partant, et des primes de l’année d’après, au prorata de sa durée. Donc en fait elle n’a jamais touché 52 000 € par mois, elle gagnait 50% de moins que cette somme à peu près. Première chose. Deuxième chose, non, je ne gagne pas cette somme, mais j’ai beaucoup moins d’expérience que Florence Parly, moins d’ancienneté, etc… Donc c’est normal que je ne gagne pas cette somme-là. Je pense que ce débat devrait s’arrêter concernant Florence, puisqu’elle a tout expliqué, elle était totalement dans les plafonds et c’était totalement légal. Il faut savoir que dans des entreprises internationales, qui ne sont pas publiques, les salaires sont trois, quatre, cinq fois plus élevés que cela. Ça peut choquer, mais à un moment, si on veut recruter des gens de talent, il faut aussi assumer un certain niveau de rémunération.
En tout cas, vous gagnez mieux votre vie que quand vous étiez à la Mairie de Paris.
Oui, c’est normal. Quand vous êtes dans une entreprise – même une entreprise publique – vous gagnez mieux que quand vous êtes dans une logique de fonctionnaire. Donc oui, je gagne un peu mieux, mais ce n’est pas des sommes mirobolantes, je vous rassure.
Dans une interview, vous avez dit que vous passez les trois quarts de votre temps éveillé à la SNCF. Le reste du temps vous faites quoi, quand vous ne travaillez pas ?
Quand je ne travaille pas, je suis d’abord un papa et un mari. La vie de famille c’est pour moi absolument essentiel. Donc quand je ne travaille pas, j’essaye de consacrer la plupart de mon temps à ma famille. C’est un peu bateau, je suis désolé, mais c’est la réalité !
Est-ce que vous pratiquez un sport à côté ?
Je ne pratique plus assez, j’ai pratiqué pendant longtemps notamment des arts martiaux. Je faisais du Hanmudo, qui est un art martial coréen très éprouvant, j’ai fait un peu de tennis. Mais là, ces derniers temps je ne fais pas assez de sport.
Quel genre de patron êtes-vous au travail ?
Ça ce n’est pas à moi de le dire.
Et votre principal trait de caractère ?
C’est un trait de caractère qui peut être à la fois une qualité et un défaut, c’est-à-dire à la fois la médaille et le revers de la médaille, c’est que je suis assez exigent et impatient. Et par moments, peut-être un peu trop impatient dans le travail. Donc il faut aussi que je me calme de ce point de vue-là.
Votre secret anti-stress ?
J’écoute beaucoup de musique dans mon bureau ! Je suis vraiment fan de musique baroque, du coup Händel me fait beaucoup de bien.
Nous sommes en Décembre, c’est bientôt Noël. Quel cadeau vous ferait plaisir ?
Ce que j’aimerais, c’est à nouveau un dessin de Père Noël avec mille paillettes qui viendront maculer la chemise et le pantalon de mon fils. Ca j’aimerai bien de mon fils Jean. Et puis pour le grand, peut-être qu’il renouvelle les cadeaux et qu’il m’offre un bracelet dont il aura le secret, et que je porterai avec beaucoup de fierté.
Pour finir notre entretien, dans une interview vous aviez dit que vous aimeriez avoir plusieurs vies professionnelles. Où voyez-vous votre avenir dans les prochaines années ?
Je suis totalement présent à la SNCF. Pour l’instant c’est mon obsession professionnelle, là où je concentre tous mes efforts. J’ai envie de mieux connaitre cette entreprise, de me sentir utile dans cette entreprise, d’apporter quelque chose à cette entreprise. Et je pense qu’étant là depuis moins d’un an, j’ai encore du chemin à faire à la SNCF.
Crédits photo : SNCF